[Critique] ANTIGANG

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Note:

Origine : France
Réalisateur : Benjamin Rocher
Distribution : Jean Reno, Alban Lenoir, Caterina Murino, Thierry Neuvic, Stéfi Celma, Oumar Diaw, Jean-Toussaint Bernard, Sébastien Lalanne, Jakob Cedergren…
Genre : Policier/Action
Date de sortie : 19 août 2015

Le Pitch :
À Paris, les policiers de l’unité de Serge Buren enchaînent les opérations spectaculaires et brutales, allant jusqu’à se mettre à dos leur hiérarchie, qui voit d’un mauvais œil leurs méthodes peu conventionnelles. Quand un gang ultra violent sème la terreur dans la capitale, Buren monte néanmoins au créneau, quitte à s’aliéner définitivement son supérieur…

La Critique :
On avait vraiment envie d’aimer Antigang. Précédé d’un trailer percutant annonçant un polar bien sauvage assaisonné à un humour décomplexé, annonçant le retour aux affaires sérieuses d’un Jean Reno, depuis un moment en sommeil dans des rôles pépères, et mettant en avant le boulot d’une troupe de jeunes acteurs physiquement crédibles et intenses, le film avait tout pour s’apparenter à un bon gros coup de pompe dans la fourmilière d’un cinéma hexagonal bien trop souvent englué dans ses certitudes et dans une routine qui ne demande qu’à exploser sous les assauts de ceux qui souhaitent ne pas y aller avec le dos de la cuillère. Aux commandes, Benjamin Rocher, soit l’un des artisans les mieux placés pour caser quelques charges explosives afin de justement provoquer des réaction en chaîne qui, à plus ou moins long terme, pourraient entrainer suffisamment de changements pour amener noter cinéma sur des routes qu’il laisse depuis longtemps à l’Oncle Sam, aux productions asiatiques ou ibériques. Certes Rocher n’est pas le seul, mais son désir d’offrir à la France de nouvelles références en matière de cinéma de genre, font de lui l’un de nos vaillants chevaliers lancés dans une croisade que beaucoup jugent perdue d’avance. Le hic, c’est que son curriculum n’incite pas non plus à la confiance absolue (on lui doit La Horde, qu’il co-réalisa avec Yannick Dahan et Goal of the Dead – Première Mi-Temps) et qu’Antigang souffre plus ou moins des mêmes défauts que ses précédentes livraisons.

Nous voici donc devant un film estampillé action dans lequel des flics aux méthodes expéditives se frittent à un gang de braqueurs sauvages prêts à tout pour arriver à leurs fins. Le problème c’est que de l’action, dans Antigang, il n’y en a pas tant que ça et que lorsque le compteur passe enfin dans le rouge, la réalisation ne suit pas toujours. Les bastons par exemple, à base de chorégraphies, réglées par le talentueux Manu Lanzi, pâtissent d’un montage un peu brouillon qui ne met pas toujours en valeur le boulot accompli. Les fusillades pour leur part, impliquant beaucoup d’armes lourdes, apparaissent bien trop sages et peu audacieuses pour convaincre pleinement, à l’image de cet affrontement en ville, durant lequel tout le monde se tire dessus, pendant de longues minutes sans arriver à instaurer la tension indispensable pour tenir l’ennuie à distance. Rocher fait certes parler la poudre mais finalement, il ne parvient que trop rarement à monter dans les tours pour faire de son long-métrage l’uppercut qu’il aurait du (pu) être. Sans parler des inévitables références auxquelles il se heurte en permanence et qui ne font que démontrer les problèmes cruciaux qui émaillent la réalisation et le découpage d’une œuvre trop anecdotique et un peu vaine. Pour autant, Antigang arrive parfois à incarner cet espoir de voir en France de vrais films d’action. Le soucis, c’est qu’il ne le fait que par intermittence. Juste assez pour nous faire regretter un manque d’homogénéité et de rythme, vraiment préjudiciable à l’impact de l’ensemble.

Niveau scénario malheureusement, ce n’est pas mieux. À vrai dire, c’est même là où le long-métrage pêche le plus. Enfilant tous les clichés, Antigang condense des lieux communs qu’il ne cherche même pas à sublimer, comme si toutes les productions américains ayant mis en place la plupart de ces clichés n’avaient jamais existé. On trouve les flics bourrins en opposition avec leur hiérarchie (L’Arme Fatale, Bad Boys…), le patron complètement à côté de la plaque, le vieux briscard qui a raison mais à qui personne ou presque n’accorde de crédit, le jeune chien fou, etc… Le tout étant mélangé avec de petits automatismes propres au cinéma français, comme en attestent ces scènes dans lesquelles Jean Reno se lamente. Sans parler de l’humour, pas toujours drôle, et malheureusement trop proche de ce qu’on peut trouver dans les plus mauvaises productions Besson, alors qu’il était réjouissant de voir que des films de « genre » pouvaient émerger sans l’aide du nabab d’Europa Corp.
Les acteurs pour leur part s’amusent. Aucun doute là-dessus. Benjamin Rocher a réussi à fédérer une équipe soudée et a enfin exploité Jean Reno de manière à ce que le charisme de ce dernier retrouve un tant soi peu de sa superbe. Mais, car là aussi il y a un mais, le script ne permet par aux comédiens de prendre leur envol, tout particulièrement en dehors de l’action. Jean Reno fait un boulot correct, mais Alban Lenoir, certes convainquant dans le bourre-pif, en fait trop et s’avère rapidement imbuvable, tandis que tous les autres ne font qu’incarner des clichés ambulants. Le méchant pour sa part, arrive comme un cheveux sur la soupe et se limite finalement à une mimique figée ne lui permettant pas d’incarner la menace sourde qu’il est censé incarner.

Manquant cruellement d’enjeux, dramatiquement pas vraiment intense, Antigang se limite à la tentative passionnée d’un réalisateur trop focalisé sur son désir de payer son tribu à tout un pan du cinéma d’action, et qui en oublie au passage de relier les points entre eux. De soigner le fond. De faire d’Antigang autre chose qu’un simple polar d’action burné qui au final se limite à une accumulation de clichés. De clichés et de fautes de goût, comme le prouvent les deux morceaux qui ouvrent et qui ferment le bal… On salue en tout cas l’effort.

@ Gilles Rolland

Crédits photos : SND