Jiminy Cricket est un personnage de Pinocchio, le dessin animé de Walt Dysney. Olivier Sillig rappelle que dans ce film "le malheureux grillon était la conscience du pantin"... Dans le roman éponyme, c'est le surnom que donne spontanément le narrateur à un adolescent, ou presque - il a l'allure d'un môme -, dénommé Jérémie Crichon.
John, de nationalité anglaise, écrit ce récit en 1989: le mur de Berlin vient de tomber et la peine de mort a été abolie en France huit ans plus tôt - c'est la loi du 9 octobre 1981. Et il dit au tout début du livre que c'est "quatre ans trop tard pour Jiminy"...
John donne un autre repère daté: Jiminy Cricket est né pour lui quinze ans plus tôt, autrement dit en 1974 (ou en 1975, si l'on en croit la quatrième de couverture). Il fait sa connaissance en effet, à ce moment-là, sur une petite route départementale de l'Aveyron, où il est tombé en panne avec son minibus. Helen l'a laissé tombé deux jours plus tôt...
Jérémie Crichon, baptisé donc Jiminy Cricket par John, est venu à son aide. Ils ont poussé ensemble le minibus, au volant à droite, of course, jusqu'à une station-service, où le véhicule a été réparé. Puis, comme John n'a pas de destination définie, qu'il va où le porte le vent, ils gagnent les Bains, chez Jiminy.
Les Bains, c'est un hameau, en réalité Aubin des Causses, pas loin de Lodève, où vit une communauté de marginaux comme il s'en est créé un certain nombre dans le sillage de mai 1968. C'est donc chez Jiminy. Qui en est le bon génie, avec son bon sourire, et où John finit par s'établir.
La communauté comprend dès lors quatre filles, Mélinda, Évelyne, Fabienne et Louise, et cinq garçons, José, Andrea, Bruno (marié à Louise), Jiminy et John. Les combinaisons de couples éphémères, que John s'efforce de calculer, s'y déclinent sans souci de genres ni de durées...
Les membres s'avèrent en effet pour certains des bi qui s'ignoraient, pour d'autres des résolument hétéro ou homo, mais leur trait d'union, en tous les cas, est Jiminy, ce grillon du foyer communautaire, qui a l'intelligence du sexe et qui sait même s'abstenir quand il le faut.
D'emblée le lecteur sait donc pertinemment, depuis le début, qu'un drame va se jouer pendant ce récit, puisque Jiminy finira sur l'échafaud en 1977, mais il ne saura lequel qu'à la toute fin, après que l'utopie du vivre ensemble sans entraves aura connu, un temps du moins, quelque réalité.
Alors qu'il a commencé sur une note somme toute tragique, ce récit se terminera sur une note d'espoir... Ce qui n'étonnera pas le lecteur, frappé par la bienveillance inébranlable de l'auteur, en toutes les circonstances, même les plus crues, de l'histoire, qu'il raconte par le truchement de John avec un naturel déconcertant.
Francis Richard
Jiminy Cricket, Olivier Sillig, 188 pages, L'Âge d'Homme
Livres précédents:
Le poids des corps, L'Âge d'Homme (2014)
La nuit de la musique, Encre Fraîche (2013)
Skoda, Buchet-Chastel (2011)