Quelques semaines avant que l’évènement malouin ne débute, on avait posé quelques questions à François Floret, Directeur du festival, et Alban Coutoux, programmateur, en goguette à Paris. Maintenant que le rideau est tombé sur cette 25e édition, il est temps de vérifier mathématiquement et de manière incroyablement objective si La Route Du Rock a tenu ses promesses.
De la soirée inaugurale et The Notwist
Alban Coutoux: « Pour être totalement transparents, The Notwist avaient déjà deux dates de prévues en Allemagne ce week-end là, et donc ça n’était possible de les faire jouer au festival que le jeudi, à La Nouvelle Vague. Comme ce projet Neon Golden nous excitait, on s’est dit qu’on voulait absolument le faire, et que ça serait donc en salle et pas au Fort. Mais au final, avec en plus Sun Kil Moon, ça fait une très belle affiche pour une soirée inaugurale. »
Tu m’étonnes, que l’affiche était belle! On vous l’a déjà dit, avec sa prestation stupéfiante de puissance et de sens mélodique, les allemands auront sans doute livré la meilleures prestation de cette Route Du Rock, transformant la Nouvelle Vague en véritable étuve et savonnant bien la planche à ses petits camarades de l’affiche 2015. Alors oui, The Notwist auraient certainement retourné le fort, mais on ne regrette pas une seconde cette programmation en salle, prompte à amplifier les dégâts causés par les déflagrations soniques du groupe (lire notre report du jour 1).
Promesse tenue à 100%.
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Électronique, Organique et Progression.
Alban Coutoux: « On est très attachés à la dimension live de la musique électronique. On est pas un festival purement électro comme Astropolis ou les Nuits Sonores, la dimension live concert est vraiment importante chez nous, avec des groupes comme Ratatat… Sur l’équilibre entre organique et électronique, on a pas de quotas. Si le groupe qui nous excite le plus est électro, on ira sur l’électro, et inversement. Mais c’est vrai que depuis quelques années on aime bien finir les soirées par des groupes électroniques «
François Floret: « Tout dépend de l’arborescence de la soirée: il doit y avoir de la progression.On ne réfléchit pas seulement sur l’intérêt intrinsèque d’un artiste, mais aussi sur comment on va construire une soirée avec lui, avec une logique qui nous ressemble, une progression, et un point d’orgue en fin de soirée qui puisse faire danser 10 000 personnes. On a un public de connaisseurs, de gens exigeants, mais qui ont aussi envie de s’amuser et danser en fin de soirée, si le groupe correspond à l’ADN du festival. On va pas inviter un DJ lambda juste pour finir par de l’électro, il faut que ce DJ ou ce groupe corresponde à l’identité du festival. »
Sur ce coup, on est bien obligés de revenir sur la prestation de Ratatat: il ne suffit pas de faire péter les lasers sur scène, projeter des images animalières pseudo arties et pousser les amplis des guitares sur de l’électro bien peignée pour soulever la foule (lire notre report du jour 2). Et si l’on parle de progression, on parie que The Soft Moon, le samedi soir, aurait fait bien plus de dégâts que l’inoffensif Daniel Avery à une heure tardive. En effet, parfois, tout est une question de timing.
Promesse tenue à 50%.
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De Björk et son attraction
Alban Coutoux: « Björk est une artiste qui reste pour nous pertinente dans son projet artistique. (…) Évidemment, que Björk, c’est aujourd’hui artistiquement valable pour le festival. Sur le côté bankable, c’est une artiste tellement rare en Bretagne (de mémoire, elle n’y a fait qu’une seule date, aux Transmusicales en 1993) qu’il est difficile de savoir combien pèse Björk en public, en Bretagne, en 2015. C’est un pari. Après, elle n’est pas totalement inconnue, y’a un intérêt assez fort pour elle, les locations marchent bien, on est pas inquiets »
François Floret: « Logiquement, on devrait faire une soirée complète avec Björk, on a une petite jauge, il faut le rappeler: on arrête de vendre des billets à 12000/13000 personnes. C’est beaucoup et peu en même temps. Est-ce que Björk peut attirer 12000 personnes au Fort? Moi je pense que oui. Je suis pas inquiet non plus ».
Il fallait peut-être s’inquiéter, finalement. Le chapon de Rekjavik aura au final réussi à réunir 11000 personnes le soir de sa non-venue, annoncée dix jours avant la fête,sans pouvoir chiffrer, donc, combien de personnes supplémentaires se seraient déplacées si la diva n’avait pas eu « un trop plein d’émotions ». Une belle performance, donc, qui aura en plus permis à tout un contingent de personnes venues uniquement pour elle de s’en prendre plein la tronche avec le parfait Only Real, le toujours aussi charismatique Luis Vasquez et le concert surpuissant de Spectres, très belle révélation du festival.
Promesse tenue à 90%
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Parlons Topographie des lieux: la scène des Remparts
Alban Coutoux: « Cette année, la scène des remparts bouge dans le fond du fort qui sera totalement consacré aux concerts, l’ancien emplacement devenant une zone de repos et de restauration. Les deux scènes se feront donc face, et celle des remparts sera plus grande, une vraie scène, qui ne relève plus du bricolage. »
François Floret: » Il devrait y avoir moins de problèmes cette année: l’intérêt, aussi, c’est que désormais les deux régies seront dos à dos, et les techniciens, en cas de galère, pourront switcher rapidement. En terme de fonctionnalité cette année, ça sera plus facile avec un pôle régie et des spectateurs qui n’auront qu’à tourner la tête pour changer de scène. C’est je pense une vraie amélioration, avec effectivement une plus jolie scène des Remparts. On est conscients qu’il y a eu des galères l’année dernière, c’est moi qui voulait garder ce flux et amener les gens à bouger un peu plus dans cet espace, mais il y avait un goulot d’étranglement plus que gênant, limite dangereux en cas de mouvement de foule…On essaye d’améliorer les choses pour le public, si ça ne marche pas on avisera mais je pense que ça devrait marcher. »
Et ça a marché: disons-le tout net, la nouvelle configuration des lieux est idéale et améliore d’autant l’expérience du public. Et puis surtout, il y aura eu cette année une vraie seconde scène, enfin digne des artistes s’y produisant: on y aura ainsi vécu de très beaux moments, qu’il s’agisse de la prestation détendue du slip de Only Real, de celle des espagnoles de Hinds et leur garage pop toute fraîche, ou du dantesque concert de Spectres (lire notre report du jour 3). Le souvenir des superbes et méritants Real Estate, bien seuls avec leurs soucis de son l’année dernière, semble loin.
Promesse tenue à 100%
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De la fosse à purin
François Floret: « Ça fait quelques années qu’on réclame qu’il se passe quelque chose, quasiment depuis qu’on a mis un pied sur ce site (…) On a eu un accord financier en 2012 avec Saint-Malo Agglomération avec un co-financement du département de l’Ille-et-Vilaine et de la mairie de Saint-Père, avec une collaboration de notre association sur la partie technique et logistique, pour une enveloppe de 700 000 euros dédiée en priorité à La Route Du Rock, puisque c’était la volonté de la structure intercommunale de Saint-Malo.Ça a mis du temps, mais en avril il y a eu un drainage du sol de la partie concerts, et il n’y aura plus de boue devant les live. »
Bon, là-dessus, on ne va pas faire la fine bouche: la différence est bien là, et même si le boulot n’a pas été fait à 100% (une grosse moitié de la surface du fort semble avoir profité des améliorations), on n’aura pas pataugé dans une fosse à purin cette année, et on se sera même permis de rechausser les baskets rapidement malgré une pluie bien dégueulasse toute la journée du vendredi. Une vraie révolution pour qui a déjà vécu une Route Du Rock humide.
Promesse tenue à 75%.
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De l’accueil du public
François Floret: « On a la volonté très forte d’améliorer l’accueil du public (…) On sait qu’on merde un peu à ce niveau depuis des années, faute de moyens, de place. »
On aura pissé dans un urinoir pendant tout le festival, et on se sera lavé les mains presque jusqu’à la fin.
Promesse tenue à 90%
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De Maxime Lecerf
François Floret: « On a le meilleur Responsable Presse, Web et Promotion de France »
Jusqu’à ce que le festival le laisse voguer librement vers de nouvelles aventures. C’était donc la dernière édition durant laquelle on a profité de l’une des chevilles ouvrières de l’évènement malouin.
Promesse tenue à 50%
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Des Dinosaures
Alban Coutoux: « Depuis quelques années, on a des figures mythiques de la musique qu’on écoute, comme Portishead, Nick Cave ou Björk cette année. Mais au delà du côté mythique, ce sont des artistes qui pour nous demeurent pertinents artistiquement, on ne fait pas une tête d’affiche pour faire un dinosaure du rock. La question peut se poser pour Ride: c’est un groupe qui a été important à une certaine époque, on a déjà fait jouer My Bloody Valentine et Slowdive, et là la boucle est bouclée, on aura eu la Sainte Trinité Shoegaze. »
François Floret: » My Bloody Valentine, c’était pas leur meilleur concert, chez nous… C’était vachement mieux deux ans plus tard aux Eurocks, c’était plus maîtrisé, plus mélodique, moins porté sur le bruit blanc, moins violent. Chez nous, c’était du dur.
Tout comme Slowdive avant eux, Ride aura tenu toutes ses promesses. Les gars n’ont pas perdu la main, et semblent sûr d’eux comme jamais. C’est puissant et mélodique, parfaitement maitrisé, noisy à souhaits. On en viendrait presque à regretter un certain manque de sauvagerie devant tant d’harmonie. Mais le pari est réussi haut la main.
Promesse tenue à 80%.
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BILAN FINAL: Promesses tenues à 80%
Très bon bilan pour cette 25ème Route Du Rock, qui au-delà des améliorations logistiques indéniables, aura été un très bon cru d’un point de vue artistique. Grâce à ces 80% de promesses tenues, la Route Du Rock gagne de facto le droit de revoir nos tronches en 2016.
Pour un report artistique plus constructif, rendez-vous sur nos résumés des Jour 1, Jour 2 et Jour 3.