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Art de la rome antique

Publié le 20 août 2015 par Aelezig

La société romaine n'a jamais connu une évolution comme celle des artistes grecs. Les meilleurs d'entre eux ont été reconnus de leur vivant, ils ont laissé des œuvres célèbres et apposé leur nom sur leurs réalisations.

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Brutus du Capitole - IVe IIIe siècles avant JC

Dans son Histoire naturelle, Pline l'Ancien cite des dizaines de noms d'artistes, les classe par écoles, distingue leurs originalités et narre des anecdotes à leur sujet. Ce sont presque exclusivement des artistes grecs, à l'exception de Fabius Pictor et de Pacuvius. L'incertitude qui pèse sur le premier est révélatrice : le nom"pictor" signifie "peintre", mais il est commun à une famille de hauts magistrats romains du IIIe siècle avant JC. Fabius Pictor est-il un peintre ou un magistrat qui a fait peindre le temple de Salus ? Le texte de Pline montre parfaitement que, pour les Romains, le nom du commanditaire, du donneur d'ordre, du propriétaire, ou même de celui qui a donné à voir telle œuvre dans un temple ou un portique, est plus important que celui de l'artiste. Aucun artiste romain n'a donc laissé de nom comparable à celui de Praxitèle ou de Zeuxis.

Cet anonymat n'est évidemment pas dû à la médiocrité des artistes romains. Il est à rechercher dans des causes à la fois culturelles, sociales et historiques. La première de ces causes, c'est que pour les Romains, la littérature est le premier des arts, avant toute réalisation plastique, si belle soit-elle. L'éducation des jeunes Romains est d'abord un apprentissage de la langue, du discours, du raisonnement et du calcul. Ce goût pour la langue provient de la place qu'occupe la politique chez les élites : on construit sa carrière en sachant discourir, plaider, argumenter, jusque sur le champ de bataille. Si tant de statues - y compris des statues funéraires d'enfants morts en bas âge - nous montrent des Romains tenant un rouleau de papyrus la main et à leur pied une capsa renfermant la suite de leur discours, c'est que l'art oratoire est tenu pour le summum du génie.

Dans la société romaine, le mot "artiste" (artifex) n'a pas le même sens qu'aujourd'hui, il signifie plus "artisan" que "créateur". L'habitude de copier des modèles illustres, déjà bien présente dans l'art grec hellénistique et reprise par les artistes/artisans romains, brouille les cartes. Bien qu'il ne s'agisse jamais de copies à l'identique, mais plutôt d'adaptations, voire de variations autour d'une œuvre majeure, cette démarche, dès l'Antiquité, contribue à amoindrir le statut de l'artisan/artiste, dont la libre expression est apparemment anéantie. Finalement, la réflexion artistique, le travail intellectuel et sensible qui caractérisent aujourd'hui un artiste, sont un plus, souvent fourni, mais nullement requis.

L'œuvre d'art au sens moderne n'est donc qu'une production à faible valeur ajoutée qui ne vaut guère plus que les matériaux qui la constituent. La main-d'œuvre est donc d'un coût modique. L'artiste/artisan est parfois un homme né libre, souvent un affranchi, très fréquemment un étranger. Au Ier siècle avant JC? nous possédons des exemples d'artistes arrivés à Rome comme prisonniers de guerre. En 301, l'Édit du Maximum de Dioclétien fixe le salaire journalier maximum auquel ont droit différentes catégories d'artisans : ainsi, le pictor parietarius, peintre des grandes surfaces de murs, gagne, en sus de sa nourriture, 75 deniers ; le pictor imaginarius, peintre des scènes complexes, gagne, dans les mêmes conditions, 150 deniers ; le mosaïste qui réalise les sols gagne 50 deniers, le mosaïste de voûtes ou de murs, 60 deniers. Le tailleur de marbre (sculpteur ?) gagne 60 deniers. Un charpentier gagne 50 deniers, comme le ferronnier, le boulanger, le chaufournier, le teinturier. Tout cela n'a rien à voir avec un professeur d'art oratoire (250 deniers) ou un avocat qui plaide à un procès (1000 deniers)...

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Porte de Mars, à Reims - plus long arc romain du monde

Il est cependant certain que la clientèle distingue très bien les meilleurs artistes et les moins doués. Une certaine réputation les entoure, la mode leur est, ou non, favorable et leurs prestations peuvent atteindre des prix élevés. De toute évidence, l'entourage impérial a recours aux meilleurs. Ceux-là apposent parfois leur signature sur leurs œuvres, à la manière hellénistique.

Mais, à l'exception du domaine funéraire, l'art plastique est avant tout considéré comme un décor, un ornement. La correspondance de Cicéron le montre très bien : il ne s'agit pas de faire venir des statues des meilleurs maîtres athéniens pour les admirer, mais pour agrémenter sa palestre. La mise en scène et la disposition sont primordiales. On a l'impression que le point de vue romain sur l'art est un point de vue d'architecte. Les découvertes archéologiques montrent que les commanditaires n'hésitent pas à financer des statues copiées sur des chefs-d'œuvre grecs pour former des groupements inattendus (mais non dépourvu de sens), voire à éclater des groupes conçus comme des unités dans l'intention d'agrémenter un lieu, non sans laisser place à de nouvelles significations.

Un autre facteur gêne l'émergence de fortes personnalités artistes, patent surtout dans la sculpture : il semble qu'à Rome plus qu'en Grèce, la division du travail dans les ateliers ait été poussée à l'extrême. On sait depuis longtemps que la charge de sculpter dans le marbre un visage et celle de sculpter un corps en toge ne peut que rarement échoir à la même main. Mais il semble même que le soin de sculpter les cheveux ait été réservé à des bras moins douées ou plus spécialisées.

Cette division du travail va de pair avec une pratique esquissée à l'époque hellénistique, mais employée extensivement dans l'empire : l'usage de fabriquer les têtes en accolant plusieurs morceaux de marbre - généralement le visage, la calotte crânienne et l'occiput - collés ou mortaisés entre eux. Il s'agit, si un des intervenants commet une maladresse, de pouvoir facilement "réparer", dans un souci d'économiser au mieux une matière première qui pèse lourd dans le prix de revient, du fait de la modicité de la main d'œuvre.

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Sarcophage - IIIe siècle avant JC

En conclusion, on peut se demander si l'effacement des artistes derrière leurs donneurs d'ordre n'a pas été une chance pour l'art romain. D'abord, il a permis une véritable généralisation de l'art, à défaut de pouvoir parler de "démocratisation". Il est certain que, même dans les provinces les plus éloignées, même dans les milieux étrangers aux élites financières ou intellectuelles, l'art n'est pas considéré comme réservé à une catégorie privilégiée de la population. Outre l'existence de "galeries" ouvertes au public, des résidences modestes, voire des caves, sont fréquemment ornées de fresques. D'autre part, la multiplicité de la clientèle et le fait qu'elle se sente peu concernée par les questions proprement artistiques ont certainement accru la marge de liberté de l'artiste/artisan. Si la typologie (scènes de chasse, travaux d'Hercule, collège des Muses...) lui plaît, le client ne cherche pas à voir ou critiquer les innovations, les petits détails, les touches stylistiques.

Du prolongement de l'art grec aux productions originales, le passage se fait progressivement. Très tôt, ce qui est grec c'est le vocabulaire (types statuaires grecs...), et ce qui est romain c'est la syntaxe (façon d'agencer les éléments pour en faire quelque chose de nouveau).

De même, dès le IIe siècle avant JC, des portraits de la fin de la République romaine sont sculptés sur des corps copiés d'après le nu héroïque de tradition grecque. Or, les portraits "républicains" montrent des visages creusés de rides, des crânes chauves, des nez talés, non dans un souci de réalisme ou de ressemblance, mais pour donner chair aux idéaux aristocratiques de severitas, gravitas, frugalitas (au moment même où le luxe venu des conquêtes orientales déferle sur Rome). La réussite de l'art romain, c'est de marier des formes apparemment contradictoires, sans lien historique entre elles, en un tout harmonieux et riche de sens. Un tel mélange est inconnu dans le monde grec.

Pendant longtemps, on a imaginé que Rome inventait les modèles et qu'ils se diffusaient dans les provinces (art romain abâtardi), et que cela se passait dans un sens unique. On avait donc l'idée d'une dégénérescence du centre vers la périphérie.

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Auguste de Prima Porta - Ier siècle

Or Rome est une ville d'interdits. Les Romains n'aiment pas l'innovation. Il faut rester dans la tradition. En réalité tout change. Ces changements s'effectuent dans les provinces, loin de Rome. Et ils reviennent à Rome avec une certaine ancienneté, et sont donc acceptés...

D'après Wikipédia


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