Little Wing ? Il faut être péquenot pour vivre dans ce
bled ! Ou se satisfaire de ce qu’on y trouve. Ou encore y trouver mieux
que les apparences. Quatre amis, qui ont pris le temps de grandir, ont
développé chacun un rapport différent au lieu où ils ont passé leurs années de
totale complicité. Ce qui est possible à l’adolescence reste-t-il d’actualité
quand vient la trentaine ? La question est posée, sous autant d’angles
qu’il y a de personnages – les femmes en plus, qui ne se contentent pas de
rôles secondaires – dans l’excellent premier roman de Nickolas Butler, Retour à Little Wing.
L’édition originale s’intitule Shotgun Lovesongs : le titre du premier album de Lee, disque
de platine. Il en avait composé tous les morceaux le dos au mur. C’était
réussir cela ou rater tout, comme il avait raté la seule histoire d’amour qui
comptait pour lui. Ce titre mérite une explication : « On parle de shotgun wedding, de “mariage carabine”, quand le père de la fille braque un fusil dans
le dos du futur époux. Il s’est passé quelque chose. Grossesse, dépucelage
précoce, faillite, déclaration de guerre… peu importe, une chose est
sûre : le mariage doit être conclu, et en vitesse. »
Le problème de Lee s’appelle Beth, la femme de Hank. Pas
seulement Beth, mais aussi le mode de vie simple et heureux du couple, que Lee
envie chaque fois qu’il revient à Little Wing et les retrouve pareils à
eux-mêmes. Alors qu’il a, conséquence de son succès, tellement changé. Qu’il a
couché avec des femmes que tous les hommes lui envieraient, s’ils savaient,
autant qu’ils lui envient Chloe, l’actrice, avec qui il va se marier.
Précisément, si Lee se trouve à Little Wing, c’est pour un
mariage. Celui de Kip et de Felicia. Kip est un autre exemple de réussite.
Courtier, il a fait fortune et a décidé d’investir celle-ci dans la rénovation
d’un silo désaffecté où ils se retrouvaient quand ils étaient jeunes. Avec
aussi Ronny, le quatrième, champion de rodéo sensiblement diminué depuis un
accident provoqué en grande partie par l’abus d’alcool.
On n’a oublié personne, ils sont tous là : Lee,
Hank, Kip et Ronny. Il leur reste à accepter qu’ils ont grandi et que le monde
leur refuse parfois ce qu’ils croyaient acquis à jamais. Ou plutôt, Nickolas
Butler, maître d’œuvre de leur logique et de leurs contradictions, peut
maintenant officier en manipulateur de marionnettes dotées de personnalités
auxquelles on s’attache.