Affirmer que des formations politiques qui, à première vue, semblent n'avoir rien de commun, défendent les mêmes intérêts peut paraître incongru et simpliste, voire grossier.
Et pourtant, il faut se méfier des apparences.
D'une part, quand le FN dénonce le système, il ne désigne pas le système capitalisme, mais la République. Il fut un temps, pas si éloigné, où les frontistes évoquaient la Ripouxblique. Mais, depuis l’avènement de Marine Le Pen, le FN tente d'apparaître comme une formation respectable... d'où son positionnement opportuniste sur la démocratie, la laïcité, le terrain social ou Israël.
D'autre part, quand PS et LR votent des lois pour limiter les droits des immigrés ou envoient les CRS détruire des camps de Roms ou de migrants devant les caméras des médias, il s'agit, là aussi, d'un positionnement opportuniste visant, non pas à combattre l'idéologie du FN, mais à séduire ses électeurs.
Aussi, on observe que ces trois partis politiques concurrents ont de fortes convergences politiques.
La plus essentielle de ces convergences est LE CAPITALISME.
Vous aurez beau vous documenter, vous constaterez que pas un seul de ces trois partis ne remet fondamentalement en cause le capitalisme. Le PS a abandonné toute critique du capitalisme, à peine la résiduelle aile gôche ose-t-elle en émettre...
En bons défenseurs du capitalisme et des intérêts des classes possédantes, ces trois partis politiques dominants ne contestent pas le remboursement intégral des dettes publiques, même si celles-ci sont en partie illégitimes et odieuses. En justifiant le remboursement de ces dettes et de leurs intérêts, PS, LR et FN approuvent l'austérité, la casse des services publics et la régression sociale, et ce faisant défendent les privilèges d'une oligarchie qui ne s'est jamais autant enrichie.
Évidemment, leurs visions respectives du capitalisme divergent. PS et LR défendent le capitalisme de la mondialisation et du libre-échange promu par l'UE, soit celui qui aujourd'hui domine l'ensemble de l'économie et du champ idéologique. Tandis que le FN revendique un capitalisme national à la papa Poujade, anti UE et anti euro, ou dans un seul pays comme au XIXème siècle.
Cette différence n'est pas fondamentale. Peu importe que le capitalisme soit national ou international, protectionniste ou ouvert, puisque ce sont les mêmes classes possédantes qui dominent et qui s'approprient l'essentiel des richesses produites par les autres classes sociales.
En d'autres termes, les rapports de domination demeurent et les inégalités également, quelle que soit la nature du capitalisme.
Voilà pourquoi, le FN est un leurre de l'oligarchie. Si la prochaine crise du capitalisme déclenche une grave crise politique et sociale, les classes possédantes s'arrangeront, comme elles l'ont toujours fait, pour installer l'extrême droite au pouvoir afin de préserver le système capitalisme, et in fine, leur domination et leurs privilèges.
Voilà également pourquoi, l'alliance défendue par une toute petite partie de la gauche (Chevènement) et de la droite extrême (Dupont-Aignan) pour lutter contre l'UE en revendiquant l'héritage de la Résistance est, elle aussi, un leurre.
Voilà enfin pourquoi, amalgamer la gauche radicale anticapitaliste et écologique au Front national, sous prétexte d'opposition à l'UE, est une aberration.
Ceci étant dit, on peut également noter d'autres convergences :
L'IMMIGRATION.
Depuis près de trente ans, PS et LR (les ex RPR et UMP, sans oublier le "centre") durcissent les conditions d'accueil des étrangers hors UE. Le nombre de sans-papiers et de reconduites à la frontière a augmenté en raison même de ce durcissement des lois, bien moins humanistes qu'autrefois.
La social-démocratie et la droite classique ont été totalement influencées par l'idéologie raciste de l'extrême droite. Volontairement impuissantes aux niveaux économique et sociale pour garantir à la population, en particulier aux classes les plus populaires, un niveau de vie décent, elles ont fait de la lutte contre l'immigration le produit d'appel de leur volontarisme politique pour masquer leur allégeance au patronat dans le cadre d'un système intrinsèquement inégalitaire, non sans un certain cynisme.
Ces deux formations ont instrumentalisé le racisme ambiant par une politique anti-immigration de plus en plus agressive et répressive à l'encontre des populations immigrées et des personnes qui leur apportent de l'aide afin de masquer leur soumission au néolibéralisme, laquelle se traduit par une forte régression sociale.
PS et LR ont ainsi légitimé l'idéologie frontiste et banalisé le discours anti-immigrés, selon lequel, notamment, la France n'a pas les moyens d'accueillir toute la misère du monde...
En appliquant des politiques néolibérales, LR et PS ont ainsi préservé, et même accru, les privilèges de l'oligarchie, précarisé les classes populaires et moyennes, et détourné en partie les colères contre les immigrés, empêchant ainsi l'émergence d'un puissant mouvement social.
Sur ce terrain qui lui est familier, le FN pervertit la question sociale en liant la régression sociale à la présence des immigrés, ces derniers volant le pain, le boulot et les aides sociales des nationaux selon la vulgate de l'extrême droite.
Dans ce délire raciste quotidien, LR et FN partagent même la revendication de supprimer l'aide médicale gratuite aux immigrés, au risque d'une grave crise sanitaire frappant la population !
Par ailleurs, la lutte contre l'immigration s'est armée d'un autre argument, la laïcité. Ce concept républicain du bien vivre ensemble en bon intelligence, quelles que soient nos croyances religieuses ou philosophiques, a été instrumentalisé et dévoyé par l'extrême droite, LR et une partie du PS.
La laïcité a été transformée en défense décomplexée de la culture judéo-chrétienne. Selon ces faussaires de la laïcité, les personnes ayant d'autres croyances religieuses, non seulement ne peuvent pas s'intégrer, mais menacent même la France de disparition, voire de grand remplacement !
Ces gens-là se représentent la France et sa culture comme un bloc monolithique, uniformément pur, voire comme une sorte de fossile qui ne peut donc pas évoluer sous peine de disparaître !
En l'espèce, cette vision d'un peuple à la culture homogène et intemporel découle des travaux du GRECE qui a modernisé l'idéologie de l'extrême droite. Après la Libération, l'extrême droite ne pouvait plus fonder son racisme sur des thèses biologiques ou génétiques, la science ayant invalidé l'idée même de race. Aussi, la notion de race pure a été remplacée par celle de culture judéo-chrétienne, plus précisément indo-européenne...
LE SOUTIEN INCONDITIONNEL A ISRAËL
L'arrivée de Marine Le Pen a marqué un tournant par sa volonté de respectabiliser l'image du Front national en faisant en sorte qu'il ne soit plus assimilé à l'extrême droite par le plus grand nombre.
Comment ? En interdisant les déclarations antisémites qui sont dans l'ADN de l'extrême droite traditionnelle et en soutenant l'Etat d’Israël, d'où la récente marginalisation de Jean-Marie Le Pen au sein de l'appareil du parti et sa quasi exclusion. D'où les critiques d'une partie de l'extrême droite, notamment les Soral et compagnie.
Ainsi, le FN s'est acheté une virginité historique et politique. Depuis, ses sbires ne défendent plus l'épisode peu glorieux de la Collaboration et du régime de Vichy en soutenant les thèses négationnistes à la Faurisson. La fachosphère s'est spécialisée dans la manipulation des faits historiques pour affirmer que Pétain a été installé au pouvoir grâce à la gauche, et que Pierre Laval était socialiste...
Le sionisme nouveau du FN est d'autant mieux accepté en interne que l'Etat d'Israël combat les palestiniens, lesquels sont majoritairement de confession musulmane : les ennemis de mes ennemis sont mes amis...
PS et LR partagent également ce sionisme qui interdit de critiquer et de condamner la politique colonialisme et ségrégationniste de l'Etat d'Israël. Ils ne dénoncent plus les implantations de nouvelles colonies qui visent à empêcher la création d'un état palestinien viable, au mépris des règles internationales.
Ainsi, toute critique contre Israël, même mesurée et accompagnée de précautions d'usage quant à la légitimité de l'existence de l'Etat israélien, échappe rarement à l'accusation d'antisémitisme... à laquelle échappe le FN...
Enfin, j'aurais pu évoquer aussi longuement d'autres convergences:
- les politiques PS ou LR contre les chômeurs et les bénéficiaires des aides sociales ou les diminutions drastiques des subventions dans le domaine social qui concordent avec le discours FN sur l'assistanat;
- la nostalgie de l'extrême droite pour le colonialisme et les politiques néo-coloniales du PS et LR;
- leur défense commune de l'agriculture industrielle et productiviste, si peu soucieuse de l'emploi et de l'environnement;
- leur désintérêt de l'évasion fiscale et leur discours dénigrant la fiscalité directe et les charges;
- leur croyance quasi religieuse en la croissance économique censée apporter prospérité et créations d'emplois ;
- ou leurs discours sécuritaires interchangeables.
Soit un ensemble de convergences qui découle de leur soutien du système capitaliste.
Aussi, PS, LR et FN ne peuvent être une alternative aux politiques de régression sociale imposées depuis plus de trente ans qui accroissent les injustices sociales et la précarité sociale.