Nous sommes en 1798, Thomas Malthus, pasteur anglican et économiste britannique publie un essai dans lequel il présente ses conclusions autour des thèmes de démographie et de production. Cet auteur économiste, considéré comme classique mais fondamentalement opposé au principe de main invisible d'Adam Smith se révèle alors tel un féroce conservateur plutôt anxieux à propos du résultat de la folle course à la croissance et au progré alors lancée par les hommes. Bizarrement, bien qu'ayant des attaches idéologiques « classiques » il est assez fascinant de s'apercevoir que ces théories de croissance zéro ou limitée (ou plutôt les grands principes de ses théories) furent ensuite reprises par le club de Rome puis, plus tard, par des mouvements altermondialistes.
2008, les manifestations plus ou moins violentes pour obtenir du pain ne cessent d'éclore partout sur la planète et les grands observateurs et décisionnaires de "notre" monde s'alarment chaque jours un peu plus de la tournure des événements. Le compte est bon, 210 ans, il aura fallut tout ce temps pour que les prévisions d'explosion du système imaginées par Malthus prennent forme. Le coût des matières premières ne cesse de flamber porté par plusieurs phénomènes. Le premier est strictement financier et résulte de l'actuelle crise dite des "subprimes". Lors des saignées sauvages, les investisseurs plutôt affolés par les corrections du marché se sont précipités sur les valeurs "refuge" comme il est de coutume dans la logique financière. (Or etc...). Seul un fait spécifique à notre époque à pourtant entrainé un report automatique de cette spéculation sur les valeurs nourricières. En effet, la croissance asiatique, plus particulièrement indienne et chinoise ont, depuis maintenant quelques années, portés aux plus hauts les cours du pétrole, métaux, ciments et autre gaz. En ces temps de crise, les valeurs financières indexées sur ces cours étaient donc déjà trop hautes pour offrir un quelconque refuge aux investisseurs qui se sont alors précipités sur les ressources naturelles bases de l'alimentation mondiale pour placer les dernières économies sauvées de la noyade générale... Pourquoi ces valeurs ? Second phénomène. Car l'inflation pétrolière à précipité le monde dans une folle course aux énergies renouvelables. Comme le furent les révolutions industrielles ou numériques, la prochaine révolution énergétique devrait être le théâtre d'une redistribution généralisée des cartes, l'occasion unique de perdre ou gagner des places et des responsabilités sur la scène internationale sur un laps de temps relativement rapide. Ainsi, Allemands, Américains ou Brésiliens s'attèlent déjà à dessiner les contours d'un nouveau monde en investissant des milliards de dollars (ou d'euros) dans la recherche et l'innovation autour de ces domaines. Le marché des matières premières répondant peut être plus qu'ailleurs aux lois d'offre et de demande, les prix se sont envolés boostés par les nouvelles consommations des « énergies renouvelables », celles là même qui devaient être à l'origine d'une réduction de nos dépenses énergétiques. Dernier phénomène enfin, comme la cerise sur un gâteau déjà rehaussé de chantilly et nappé de crème anglaise, les causes structurelles de l'inflation qui sont-elles en droite lignée avec les conclusions émises il y a deux siècles par Malthus.
Longtemps déséquilibré, le monde ne cesse de se multi-polariser sous l'effet des conquêtes libérales qui, à la force du marché, poussent des pays vers l'enrichissement et le développement. Hier en Asie du Sud Est et en Amérique du Sud, aujourd'hui en Chine, Inde ou en Russie, les ménages accèdent de plus en plus souvent à la société de consommation, ses bienfaits tout autant que ses vices tels que la sur-consommation. C'est ainsi que le monde consomme de plus en plus, il y a, comme le disait Malthus, plus « d'invités au grand banquet de la nature ». Ces paramètres pris en compte, se pose désormais la question du futur. TM fonctionnait quant à lui sur un modèle d'implosion. Les faits eux, tendent à adoucir cette vision quand ils ne la contredisent pas. L'évolution démographique mondiale considérée sur le long terme arrive désormais à son seuil maximum avec l'éclosion des géants démographiques que sont la Chine et l'Inde. Ces mêmes puissances qui ont par ailleurs, d'ores et déjà pris en considération ces paramètres dans un contexte d'abord local en adoptant des politiques adaptées comme celle de « l'enfant unique » par exemple.
Ce qui reste inquiétant en revanche c'est bel et bien cette scission qui semble se créer entre deux besoins majeurs au fonctionnement de nos économies développées : Le besoin de nourriture et le besoin en énergie. Longtemps ces deux gros moteurs de nos sociétés consommaient « différemment ». Le pétrole, le Charbon, l'électricité puis le nucléaire pour l'un, le blé, l'orge ou le mais pour l'autre. Avec la raréfaction d'une bonne partie des ressources nécessaires à la production de notre énergie, l'évolution porte sur un mélange des genres qui met en danger en premier lieu l'équilibre alimentaire mondial, et donc occidental (puisque la faim dans le monde n'est malheureusement pas une nouveauté pour les autres…) et menace même au-delà la nature même des échanges entre les pays. Dans un contexte si tendu comment en effet ne pas imaginer ne serais-ce qu'une seconde le repli de certains pays sur soi dans l'unique but de subvenir aux besoins de sa propre population ? Ne serions nous alors pas revenu aux temps des batailles et combats pour le contrôle des ressources ?
Il est encore temps de repenser nos modèles pour éviter que, 210 ans après son évocation, « l'inévitabilité des catastrophes démographiques » conduise notre système à l'implosion.