C’est comme un clin d’œil de la Chine au reste du monde. Au moment où le FMI et la Banque Mondiale alertent les pays occidentaux sur l’importance des conséquences de la crise des subprimes, le pays du soleil levant publie son chiffre de croissance pour le premier trimestre 2008 : 10,6%, résultat en léger repli par rapport à l’an passé mais qui fait figure de vraie performance au regard des essoufflements perceptibles partout ailleurs sur la planète. Cette année est donc l’année de la reconnaissance pour la super-puissance communiste, reconnaissance économique confirmée, reconnaissance politique naissante et reconnaissance mondiale de « tout un chacun » considérant la Chine comme un pays développé à l’égal des grands pays de l’occident. Seul un hic vient ternir le beau tableau : le soulèvement mondial et grandissant contre l’organisation des Jeux Olympiques durant l’été…
Etablissons un focus sur ce point spécifique et regrettons le peu de soin apporté par les observateurs, journalistes ou citoyens aux confusions et généralités qui sont foisons sur le sujet. Il y a d’abord deux débats. Le premier, porte sur la tenue des jeux olympiques en tant qu’évènement sportif mondial. Ce point là, ne rassemble que peu d’opposants compte tenu de son importance aux yeux d’un grand nombre de sportifs qui se préparent depuis des années pour être au rendez-vous. De plus, ces derniers ne doivent être en aucun cas les victimes des erreurs du CIO dans son choix pour l’attribution des jeux. Le second, porte sur la traditionnelle reconnaissance politique adossée à l’évènement sportif. Ce point là recueille la majorité des oppositions et des doutes. Effectivement, il serait maladroit d’accorder respect et considération aux autorités chinoises, choses pour lesquelles les responsables communistes attache pourtant beaucoup d’importance. La tendance actuelle tend à organiser un boycott politique généralisé de la cérémonie d’ouverture de la part des responsables politiques de grands pays, une manière de sanctionner les agissements et de priver les chinois de reconnaissance internationale. Derrière tout cela pourtant existe des confusions et des généralités portées notamment par Ménard et ses troupes, chef de file des opposants. Il est en effet important de ne pas confondre l’opposition contre les violences exercées au Tibet avec une requête d’indépendance du Tibet… Le problème majeur du passage de la flamme en terres françaises et américaines restera ce mélange entre membres de RSF, opposés aux violences et les tibétains expatriés qui, armés de drapeaux régionaux scandaient « Tibet Libre » ou « Free Tibet » selon l’endroit…
Cette distinction devient prépondérante dans la perception des problèmes chinois car ils n’impactent pas de la même manière les esprits chinois... Il faudrait donc préciser une fois pour toutes que le Tibet n’a pas à déclarer son indépendance au même titre que les bretons, corses ou basques ne pourraient objectivement pas le faire non plus. Il faudrait préciser une fois pour toutes que le Tibet est historiquement une région de la Chine, préciser que le Dalaï Lama n’est pas Dieu en personne et peut être aussi un formidable lobbyste idéologiquement loin d’être neutre. Il faudrait préciser aux citoyens français qu’ils ne sont pas les tenants mondiaux des droits de l’homme pas plus que les américains qui souhaitent l’implanter par la force en Irak ou ailleurs. Il faudrait enfin cesser de baigner dans un doux idéalisme et de choisir complètement l’opposition aux principes chinois en demandant à Carrefour, Véolia, Suez ou Areva de se retirer de Chine, évincer des étagères commerciales les téléviseurs, ordinateurs, portables, vêtements, jouets et plus encore qui permettent au « sacro-saint pouvoir d’achat » des français de vivoter encore. Cesser enfin, de pleurer en scandant les droits universels le matin et de faire ses courses en souriant l’après midi.
Ce qui est sûr en revanche c’est qu’il était nécessaire de montrer sa révolte, fut-elle floue et brouillon lors du passage de la flamme comme je l’exprimais il y a peu de temps dans un billet. Ce qui est tout aussi sûr c’est que la position diplomatique française qui fait figure de quasi-exception mondiale et qui veut à la fois préserver les intérêts capitalistes et financiers en tenant compte des droits de l’homme n’est durablement pas tenable. Les récentes réponses chinoises qui font office de messages d’alertes à destination de Paris le prouve, il est impossible en la matière de manier la chèvre et le chou sans perdre des marchés et de la crédibilité. Nicolas Sarkozy est donc dans une posture particulièrement inconfortable puisque compressé entre la « real politik » dont il fit souvent preuve et son « ideal politik » qu’il agita comme leitmotiv tout au long de la campagne présidentielle. Le salut passera donc par une pression collective internationale à laquelle il se rattachera sans rechigner si cette dernière se met en place d’ici au début des JO sans quoi la France choisira sans doute le chemin du silence politique au profit de nos intérêts économiques.
De son côté Pékin patiente encore et promets de Jeux dont la grandeur n’aura sans nul doute d’égale que dans la puissance économique, financière et monétaire de ce monstre oriental. Ces Jeux se dérouleront et puis…
Ce sont des bruits qui se font encore discrets par les temps qui courent. Oui, « le parti » devra se soumettre à de profondes réformes sociales et politiques pour éviter l’implosion d’un système qui semble déjà hors de contrôle. Attention, la locomotive mondiale est enrouée…
Sur un plan financier tout d’abord. La croissance économique chinoise à précipité bon nombre de petits épargnants sur les marchés financiers et ceux sans contrôles particuliers. Les débouchés et le nombre d’acheteurs chinois fut tel qu’il paraît impossible que le méli-mélo « subprimes » n’ai pas impacté directement les marchés financiers. Sur un plan micro-économique ensuite, les rumeurs sont insistantes sur les risques relatifs au peu de suivi des comptes des entreprises implantées en Chine. Dans quelques discussions, il est courant d’entendre l’expression de craintes aux évènements qui feront suite aux JO une fois que les perspectives se rétracteront (notamment dans les grandes structures).
Sur un plan social ensuite. La même croissance économique débridée fut à l’origine de la création d’une large classe moyenne capable de consommer et même de placer les surplus. Système capitaliste aidant, ces ménages seront bientôt à la recherche de débouchés et compressés par le plafond de verre qui restreint les libertés. Parallèlement, la totale absence de régulateur (type Banques centrales) a considérablement accru le risque et permit un développement structurel (et pas conjoncturel comme chez nous, puisque il est conséquent à une hausse moyenne des salaires et des coûts de productions) de l’inflation en Chine qui est désormais proche de 10% (8% au premier trimestre pour une croissance de 10%) et qui ne cesse de croître à mesure que la folle croissance s’essouffle. Il est donc censé de s’inquiéter de l’évolution de ce tableau de bord dont les voyants sont au vert mais pour combien de temps encore ?
La Chine est donc au carrefour de plusieurs paradoxes. Le premier est idéologique puisqu’elle est le cœur du capitalisme actuel tout en réunissant la palette des dictatures les plus détestables. Le second est économique puisque des débouchés sont toujours plus importants alors que de gros nuages se massent à l’horizon…Les JO marquent donc l’entrée pour le monde dans une nouvelle ère, une ère de gestion des relations avec une nouvelle puissance qui, si elle ne mue pas rapidement, pourrait précipiter le reste du monde dans une crise sans précédent.
La solution actuelle passera sans nul doute par l’Inde, grand voisin, démocratique et libre dont le potentiel encore inexploité et parfois même mal considéré est sans comparaison avec ce qui s’est fait en Chine jusqu’alors.