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Alexandre Seurat : La maladroite

Par Stephanie Tranchant @plaisir_de_lire

La maladroite d’Alexandre Seurat  5/5 (14-07-2015)

La maladroite (124 pages) sort le 19 août 2015 aux Éditions du Rouergue.

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L’histoire (éditeur) :

Inspiré par un fait divers récent, le meurtre d'une enfant de huit ans par ses parents, La maladroite recompose par la fiction les monologues des témoins impuissants de son martyre, membres de la famille, enseignants, médecins, services sociaux, gendarmes... Un premier roman d'une lecture bouleversante, interrogeant les responsabilités de chacun dans ces tragédies de la maltraitance. Voir l'interview d'Alexandre Seurat

Mon avis :

Impossible d’oublier un tel texte !

C’est en apnée que j’ai lu La maladroite, un tout petit roman très bien construit qui vous attrape avec ses premières lignes et ne vous lâche, le cœur lourd, qu’après avoir tourné la dernière page en sachant d’avance l’issue fatale.

Comment est-ce possible ? Pourquoi ? Voilà les questions  qui vous hantent durant toute la lecture, tandis que le choc des mots et des faits vous glace.

Difficile d’aborder un tel sujet, mais Alexandre Seurat maîtrise impeccablement le thème de la maltraitance sans donner l’impression de voyeurisme, grâce à une construction très bien choisie et surtout très réussie. Les différents protagonistes livrent tour à tour leur témoignage, leur vécu dans l’affaire, leur tentative de sauvetage (à différentes échelles) de cette enfant de huit ans prise dans la spirale redoutable de la barbarie parentale.

Sobre et en même temps transpirant de violence, de cruauté et de haine, La maladroite nous transporte dans la vie de Diana depuis sa naissance plus que chaotique, jusqu’à sa disparitions. C’est d’abord la grand-mère et la tante qui nous racontent comme cette gamine s’est retrouvée entre les mains d’une mère infantile, narcissique, capricieuse et instable, et d’un père que l’on connaît peu et qui apparaît très à l’aise, courtois, aimable et même chaleureux, mais qui derrière, séquestre et violente.

« Je voulais tout leur dire, au numéro d’urgence, leur raconter depuis le début, mais tout était tellement compliqué (…) ce coup de téléphone, c’était insurmontable, avec toutes ces questions qui me rentraient dans le corps comme des épines. » Page 50

Sans jamais donner de détails, l’auteur poursuit le récit avec la parole des instituteurs, des directrices d’école, médecins scolaires, gendarmes…qui repèrent tout de suite ce regard malheureux puis les bleus.

« Tout ce que je faisais depuis que je fais ce métier m’est apparu voué à l’échec. Diana était différente de toux ceux qui vont bien, qui m’attendrissent et qui m’agacent, de ceux qu’on guide un bout de chemin, et qui en garderont un souvenir reconnaissant ou ennuyé, et voguant sans difficulté, impatients, vers la suite. (…) Diana ne simulait pas –et elle simulait tout, elle mentait tout le temps – et elle ne savait pas mentir, elle entrait dans ma classe, souriante, enthousiaste, comme si elle allait tout y recevoir, comme si elle attendait d’y recevoir plus que jamais personne ne pourrait lui donner – et prête à tout donner »  Page 12

« 7 février, Diana n’est pas là depuis deux jours. Quand elle revient en début d’après-midi, sa mère invoque une migraine inexpliquée et des poussées de fièvre qui l’ont tenue au lit, Diana a l’air absente, ne répond pas à mes questions. 25 mars, une main de Diana est tout rouge et enflée, elle répond qu’elle s’est brulée sur la plaque chauffante, à un moment où se maman ne regardait pas, et cette liste entrait en moi par petit éclats, comme une multitude d’échardes dans la peau. » Page 83

Tout le monde sait, voit ce qui se joue sous leur yeux, et essaye de l’en sortir. Mais la difficulté face à la complexité et l’absurdité du système plein de failles  et devant les justifications minutieuses de la petite qui s’obstine à nier les problèmes et à mettre en avant sa maladresse, son secours devient presque impossible. le sentiment d’incapacité est fort et pesant.

Enfin, c’est le frère ainé que nous entendons et par qui on mesure l’ampleur du calvaire enduré.

« Alors on m’a demandé ce que j’imaginais qu’elle aurait pu vouloir que je fasse pour elle, s’il lui était arrivé quelque chose. Je l’ai regardé, et j’ai failli lui dire qu’elle n’aurait jamais pensé à ce que j’aurais pu faire pour elle, parce que personne n’avait jamais rien fait pour elle, et que je ne ferais rien pour elle, puisque c’était fini. Mais j’ai rien dit. » Page 117

Il m’a été vraiment difficile de reprendre mon souffle avant de l’avoir terminée car La maladroite est une histoire bien plus qu’émouvante. Poignante et évidement choquante au vue de la réalité sur laquelle elle se fonde, c’est aussi un texte très bien écrit qui dégage une puissance émotionnelle incroyable.

Ce premier roman est une des surprises de cette rentrée littéraire 2015 à saluer. 

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