En 2050, la population mondiale atteindra 9.2 milliards d’individus. Ces quelques 34 % d’être humains supplémentaires lanceront un défi de taille au monde agricole : la production alimentaire devra augmenter de 70 % en 40 ans.
De manière schématique, l’histoire de l’agriculture se découpe en trois grandes phases : l’agriculture vivrière pré-industrielle tournée vers l'autoconsommation et l'économie de subsistance, l’agriculture industrielle guidée par la production de masse et l’agriculture de précision, visant à ajuster très finement la consommation des ressources aux besoins des plantes.
Cette dernière étape repose sur l’exploitation des données issues de capteurs, satellites, drones, etc., qui mesurent en temps réel le comportement des exploitations agricoles, et qui permettent d’optimiser les processus de production. Sans cela, pas de solutions viables à long terme.
« Un financement total de près de 276 millions de dollars pour les start-up. »
Des solutions, heureusement, il y en a de plus en plus sur le marché. Ainsi, en, 2014, pas moins de 70 start-up spécialisées dans l’agriculture de précision ont reçu des financements pour un total de 276 millions de dollars (source : AgFunder).
Une agriculture de précision pour optimiser la production et l’utilisation des ressources
La collecte de données en temps réel sur la météo, le sol et la qualité de l'air, la maturité des cultures et même les équipements, le coût du travail et les disponibilités, combinée à des analyses prédictives peuvent être utilisés par les agriculteurs pour prendre des décisions plus précises et réfléchies.
Une chercheuse de l’USDA, Susan O’Shaughnessy, a ainsi contribué à rendre les systèmes d’irrigation plus efficaces. Elle a développé un système de capteurs infrarouges pour mesurer la température des feuilles de la culture. Ces données, traitées et associées à des informations environnementales et météorologiques puis comparées aux données relatives au seuil de stress hydrique acceptable pour chaque type de culture, permettent aux agriculteurs d’irriguer seulement quand et où cela est nécessaire.
D’autres indicateurs et solutions peuvent aussi être envisagées pour accompagner les décisions d’irrigation. La start-up Tule a ainsi développé des capteurs qui mesurent la quantité d’eau évaporée par le sol et la plante (capteurs qui peuvent couvrir une surface de 1 à 10 hectares). Ces données, combinées aux prévisions météorologiques, donnent un planning d’irrigation précis aux agriculteurs.
Mais finalement, peu importe la manière dont les données sont recueillies (par l’intermédiaire de capteurs présents directement dans les champs, ou enfouis sous terre, ou bien même volant sur des drones équipés d’imagerie thermique). L’agriculture de précision requiert des données fiables, qu’elles qu’en soient la source, mais aussi des bases de données suffisamment exhaustives pour prédire le comportement des plantes en fonction des variations de l’environnement. Qualité de la donnée et intelligence de l’algorithme sont ainsi les deux clés du succès.
Il faut se rappeler par ailleurs que les agriculteurs annoncent n’avoir que 5 % de leurs temps à consacrer à la prise de décisions d'irrigation (source: Daniel Howes, engineering and irrigation technology at California Polytechnic State University). Les logiciels d’aide à la décision se doivent donc d’être ergonomiques : simples et rapides à utiliser.
Ces outils sont aujourd’hui principalement utilisés par les grosses entreprises agricoles. Mais pour Ulisses Mello (chercheur et ingénieur à IBM research) il ne faudra pas longtemps aux plus petits agriculteurs et coopératives pour adopter ces nouveaux systèmes, qui plus est, de plus en plus abordables.
Un besoin inquiétant en eau dans le milieu agricole
D'après les données actuelles (la production mondiale d'eau utilisable, les systèmes de production agricole et le régime moyen de la population de 3 000 kcal/jour environ), on estime que 5 600 km3/an d'eau supplémentaires seront nécessaires au secteur agricole d'ici 2050 pour les milliards d'habitants supplémentaires qui viendront s’ajouter à notre planète. Cela représente près de 3 fois la consommation mondiale d'eau utilisée pour l'irrigation (source : SIWI).
Ces données peuvent être croisées avec l’inquiétant constat dressé par le rapport mondial des Nations unies sur la mise en valeur des ressources en eau (« L’eau pour un monde durable ») présenté le 20 mars à New Dehli en Inde : « Si rien n’est fait, la planète devrait faire face à un déficit global en eau de 40 % d’ici 2030. Nous sommes donc condamnés à gérer plus durablement cette ressource ».
L’agriculture utilise aujourd’hui 70 % de l’eau douce mondiale. C’est donc dans ce secteur que devront se concentrer la majorité des efforts.
Données : FAO, Image : L’Atelier
Si l’agriculture consomme tant d’eau, c’est parce qu’elle en gâche beaucoup : systèmes d’irrigation en mauvais état et méthodes agricoles non optimisées (des cultures non adaptées à l’environnement et un manque d’analyses météorologiques poussées) sont les deux principaux facteurs de ce gâchis.
Une analyse fine des données des exploitations résout en partie cette surconsommation. Mesure de l’humidité du sol, transpiration foliaire, état des lieux des systèmes d’irrigation, meilleures prévisions météorologiques, etc. : c’est le croisement de toutes ces analyses qui permet de mettre en place une agriculture de précision.