À l’instar des tomes précédents, celui-ci reprend des histoires de différentes longueurs, allant de trois cases à quelques pages. Chacune offre un plongeon mélancolique dans le monde de l’enfance et invite à découvrir les fantasmes, les rêves et le regard critique de ce petit bonhomme sur le monde des adultes et sur la société en général.
L’album s’ouvre sur l’une des souffre-douleurs de Calvin : sa baby-sitter attitrée Rosaline. Cette dernière en voit à nouveau des vertes et des pas mûres en compagnie de notre ami et demande d’ailleurs à se faire rémunérer un peu plus la prochaine fois. Au programme de ce tome, il y a bien évidemment les gags récurrents qui consistent à éviter la prise du bain, synonyme de véritable séance de torture, ainsi que les tentatives pour s’en prendre à Susie Derkins, sa petite voisine, à qui il en fait également voir de toutes les couleurs.
Le lecteur a évidemment droit aux récits centrés sur la famille où Calvin n’a besoin que de trois cases pour juger et évaluer le travail de son père dans son rôle de « Papa », mais également des histoires plus longues comme ces vacances en camping, qu’il déééééteste !!! De la campagne de communication visant à redorer le blason de son père aux réponses totalement à côté de la plaque de ce dernier, les relations parents/enfants sont vraiment traitées avec beaucoup d’intelligence.
Comme toujours, ma préférence va à ces récits où il peut laisser libre cours à son imagination débordante, notamment lors de ses transformations en Spiff le Spationaute, dont les chutes sont souvent hilarantes. Notre petit chenapan s’imagine également en éléphant, en Frankenstein, en pilote de ligne et même en tyrannosaure… question d’apprécier un peu plus le repas servi par sa mère. Hilarant !
Si la puissance comique de ces strips atteint des sommets, l’humour est également souvent d’une telle sophistication que plusieurs niveaux de lecture sont possibles. Au-delà de la simplicité apparente de ces gags burlesques se cache en effet un autre niveau de lecture, plus adulte, qui mêle critiques acerbes, réflexions intelligentes et cynisme ravageur. Les noms des personnages faisant respectivement référence à Jean Calvin et à Thomas Hobbes, le lecteur ne s’étonnera d’ailleurs pas de croiser quelques considérations philosophiques. L’auteur en profite notamment pour partager quelques critiques concernant la quantité de temps libre passée à ne rien faire devant la télévision. Le meilleur moyen de profiter de toutes les opportunités qui s’offre à nous le samedi, n’est-il pas de les gaspiller en regardant la télé toute la journée ? Calvin s’interroge également sur le sens de la vie… « Pourquoi sommes-nous là… sur Terre ? »… mais ne trouvera pas vraiment réponse satisfaisante auprès de son tigre. Ne vaut-il finalement pas mieux devenir un tigre comme son meilleur ami et quitter le monde tellement contraignant des humains ? Notre ami va faire le test…
Parlons finalement de l’empathie inévitable envers ce duo éminemment sympathique. Ce gamin doté d’un sens de la répartie incroyable est particulièrement attachant et l’idée de donner vie à une peluche dans son imaginaire est tout bonnement brillante. Cela résulte non seulement en une complicité incroyable entre les deux, mais permet surtout de donner vie à l’imaginaire de l’enfant. Ensemble, ils vivent des aventures mêlant absurde, tendresse, drôlerie, nostalgie et justesse.
Visuellement, le dessin de Bill Watterson est d’une grande simplicité, mais ces visuels aux décors quasi inexistants permettent de mettre l’accent sur les personnages et sur des textes d’une finesse rare. Il faut un talent énorme pour parvenir à partager des tranches de vie en seulement trois cases et pour pondre des gags purement visuels sur base de postures ou d’expressions.
Du grand art… en toute simplicité !