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A-t-on besoin de déclarer les naissances?

Publié le 17 août 2015 par Gaylussac

A priori ma question est naïve et inopportune. Nulle doute qu’on me dira qu’un enfant non déclaré à l’état-civil court le risque de perdre tous ses droits: nationalité, filiation, héritage, accès à l’éducation…
La déclaration de naissance est une des matières du code de famille tel que promulgué en 1987. Le simple fait pour le législateur congolais de se saisir de cette matière témoigne de son importance.
Cependant  des milliers d’enfants nés au Congo n’ont pas d’actes de naissance. Si l’on en croit un rapport de l’ONG « SOS enfants » datant de 2004, dans certains coins de ce vaste pays on recense 90% des naissances non déclarées.Pour autant j’estime qu’il n’y a pas lieu de considérer que leur état-civil n’est nullement établi. J’en veux pour preuve le fait qu’aucun des élèves actuellement inscrits dans les écoles du pays n’a été obligé de fournir son acte de naissance avant de  prendre son inscription.

Ce qu’en dit la loi
L’article 116 du code de la famille dispose que toute naissance est déclarée à l’état civil dans le mois. D’après Madame Silvie, préposée à l’état-civil d’une des 7 communes de la ville de Lubumbashi, le père et la mère de tout nouveau-né ont au total 90 jours pour le faire.

« Une naissance qui n’aura pas été déclarée avant l’expiration de ce délai ne saurait être pris en compte dans les registres officiels que sous réserve d’un jugement supplétif devant le tribunal de grande instance et du paiement d’une amende. »

Madame Silvie affirme par ailleurs que les congolais comprendront bientôt la necessité d’observer scrupuleusement ces dispositions du code de la famille.

« Déjà il est impossible d’ouvrir un compte en banque au nom de son enfant mineur ni de le faire quitter le pays sans présentataion d’un acte de naissance. »

Maître Donat Kabuya, avocat au barreau de lubumbashi’ remarque que l’importance de ce type de document réside surtout dans sa valeur juridique.

« L’acte de naissance est un moyen de preuve irréfutable quand il s’agit notamment d’établir sa filiation avec un enfant enlevé ou disparu. »

Des raisons de ne pas y aller
On attribue au manque d’information le désintérêt pour entreprendre des démarches à l’état-civil. En conséquence plusieurs campagnes d’information ont été mênées ça et là. Certes elles ont permis d’accroître le taux des naissances déclarées. Toutes fois nombre de parents continuent à ne pas y attacher de l’importance. Comme l’atteste cet article du site SpeakJhr, certains parents de Kinshasa pourtant bien informés n’ont de cesse de remettre en question l’utilité des actes.
À mon avis le problème va au-delà d’une simple question de manque d’information. L’administration publique n’a jamais été aussi incapable d’inspirer confiance en la population.

Shambuyi, un agent de la société nationale de chemin de fer, m’a confié n’avoir jamais eu besoin de faire recours au service d’état-civil.

« Mes enfants ont tous vu le jour dans une maternité appartenant à mon employeur. Je n’ai donc jamais été contraint d’aller les enregistrer à l’état-civil pour pouvoir toucher les allocations familiales.Car chaque naissance était automatiquement portée à la connaissane du service de paie conformement aux regléments de l’entreprise. »

Quant aux services publics concernés, il n’a pas hésité à me dire ce qu’il en pense:

« Ils sont aussi inefficaces qu’ils manquent les moyens de leur mission. Au mieux vous avez la chance d’obtenir votre acte de naissance après quelques manoeuvres plus ou moins compliquées. »

Corollaire d’un mal plus profond

  • »Dès leurs créations au début du 20è siècle les grandes compagnies publiques, comme la société de chemin de fer, ont acquis le statut « d’État dans l’État ». Ceci leur permettant notamment de reconnaître un enfant né dans leurs instittutions hospitalières. Le témoignage du chéminot ci-haut cité en est la plus belle ilustration.
  • »Par ailleurs l’entretien que j’ai eu avec Madame Silvie( citée plus haut) m’a permis de comprendre que l’enregistrement de naissance est le résultat d’un processus qui commence dès la conception. En effet il est prevu des consultations prénatales pour toute femme enceinte. Lesquelles consultations servent aussi bien à prevenir le rique de décès maternelle qu’à motiver les deux parents en faveur d’une filiation légalement établie sur base d’un acte de naissance. Rare sont donc les femmes congolaises qui vont en consultation prénatale.
  • »Bref on n’aura pas vraiment besoin de déclarer son enfant à l’état-civil tant que l’administration publique aura à se vautrer dans une déliquescence manifeste.

Crédit photo: senego.com


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