Tut est une nouvelle coproduction Canada-États-Unis de trois épisodes diffusée les 19-20-21 juillet sur les ondes de Spike dans les deux pays. Le titre fait référence à Toutânkhamon (interprété par Avan Jogia), le « roi-enfant » qui régna sur l’Égypte de 1332 à 1327 avant notre ère. Ici, on y dépeint une période fort troublée marquée par la guerre, les épidémies et complots. Production de Muse Entertainment, surtout connu pour The Kennedys et The Pillars of the Earth, Tut, comme ses prédécesseures, contient son lot de divertissement qui nous garde captif du début jusqu’à la fin, mais c’est bien en tant que fable ou mythe qu’il faut regarder la série puisque mis à part quelques personnages et données extrêmement élémentaires sur l’adolescent qui s’avèrent véridique, les reste n’est qu’affabulation et encore une fois, on décide d’adapter l’Histoire au téléspectateur que l’on juge, sûrement à tort, trop paresseux intellectuellement.
Dans la tradition des drames historiques
Dès la mort de son père, Toutânkhamon incarne l’espoir de la XVIIIe dynastie. Il est dès lors pris en charge, entre autres, par le Vizir Ay (Ben Kingsley), le grand prêtre Amun (Alexander Siddig) et le général Horemheb (Nonso Anozie); trois forts caractères et tous avides de pouvoir. Lorsqu’il est assez âgé, Toutânkhamon prend pour épouse sa sœur aînée Ankhésenamo (Sybilla Deen), mais peu fait pour la vie de palais, il en profite dès qu’il le peut pour se déguiser en citoyen ordinaire afin de prendre le pouls du « vrai » peuple. Du côté politique, l’empire Égyptien est en guerre constante contre les Mitanni et lors d’un combat, le jeune pharaon s’en sort avec une blessure si grave qu’Horemheb le laisse pour mort, reviens à Thèbes en affirmant qu’il est n’est plus et proclame son beau-frère Ka (Peter Gadiot), son successeur. Mais voilà qu’entre-temps, une citoyenne de Mitanni, Suhad (Kylie Bunbury) retrouve le jeune homme et le soigne, si bien qu’il recouvre son royaume littéralement quelques secondes avant que Ka ne soit couronné et de surcroit, fiancé à Ankhésenamo. Par la suite, Toutankhâmon doit faire face à une épidémie qui ravage le pays et aux incessantes querelles entre sa femme et la nouvelle favorite, Suhas. Et pour compliquer le tableau, le pharaon n’arrive pas à engendrer un successeur pendant que la liste des prétendants et des complots ne cesse de s’allonger.
En nous ramenant à une époque si lointaine, d’autant plus que la série devait être de budget moindre puisque diffusée sur une chaîne câblée, les craintes d’avoir affaire à une mise en scène à la Olympus où le blue screen aurait été prépondérant était envisageable. Heureusement, ce n’est pas le cas avec Tut et au palais, comme sur les champs de bataille, le tout reste crédible et bien qu’il s’agisse de décors, ça ne nous distrait en rien de la trame narrative. Au sujet de celle-ci, on n’est pas vraiment surpris par ce qu’on y retrouve puisque dans toutes ces séries « lointaines », les mêmes thèmes (gagnants) reviennent : lutte du pouvoir, jeu des alliances, trahisons et du point de vue graphique, des scènes de sexe et de la violence revendre. Il faut donner au moins crédit à la production pour avoir su bien doser toutes ces variantes et ainsi nous offrir un divertissement qui se regarde fort bien en rafale sans que l’on éprouve de l’ennui. Certes, les prises de bec entre Ankhésenamo et Suhad nous font sourire et on a beau admirer les prouesses de Toutânkhamon sur le champ de bataille, reste qu’on est dans la pure fiction alors qu’officiellement, on dépeint la vie d’un pharaon dont l’héritage matériel nous a été retransmis dans toute sa splendeur moins d’un siècle plus tôt.
Howard Carter et la découverte du sarcophage de Toutânkhamon
Toutânkhamon, le superhéros de l’Antiquité?
En 1922, l’archéologue britannique Howard Carter fait une découverte phénoménale : il s’agit de la sépulture de Toutânkhamon demeurée intacte après tant d’années et qui nous a offert un excellent aperçu de la richesse de l’Égypte et de l’importance du culte voué au pharaon. C’est assurément cette découverte qui occasionna un regain d’intérêt à l’égard de ce monarque dont le règne n’a jamais été considéré comme étant un tournant dans l’Antiquité. Sa date de naissance n’est pas certaine, l’identité de sa mère est inconnue, on suppose qu’ayant régné à un si jeune âge, c’est son entourage qui tenait en réalité les rênes du pouvoir et surtout, la cause de son décès reste nébuleuse. Ce flou historique joue en faveur de Tut qui peut à sa manière réécrire l’histoire du pharaon étant donné les nombreuses pages blanches associées à son règne.
Pourtant, il est de ces données, aussi élémentaires soient-elles qu’on préfère ignorer parce que « télévisuellement », peu vendeuses, à commencer par Toutânkhamon lui-même. Victime d’une consanguinité transmise durant plusieurs générations, le jeune homme est chétif et souffrant de plusieurs maux dont la nécrose des os, il devait se déplacer à l’aide d’une canne et on en a même trouvé 130 lui appartenant dans son sarcophage. Dans Tut, on a droit à un jeune homme bien portant et très actif à l’esprit vif qui n’hésite pas à se mêler à son peuple sous l’anonymat, et ce, sans que son impressionnante garde ne s’en aperçoive. De plus, il s’improvise soudain chef de guerre et prend même part aux combats : 1- sur le front 2- dans l’anonymat le plus complet et 3- sachant très bien qu’il n’a pas engendré d’héritiers; ce qui ne fait absolument aucun sens.
Mais en plus d’être beau, courageux et juste, il fait aussi preuve d’une libéralité sans borne à l’égard de la religion : dans la série, il songe à ne plus rendre le culte des dieux obligatoires (offrandes, etc.), ni de vénérer une divinité en particulier alors qu’il incarne lui-même l’image du dieu sur terre. Dans les faits, bien que son père l’ait élevé dans le culte du dieu Aton, il penche plutôt pour son acolyte Amon, d’où ce suffixe qui s’ajoute à son nom (Toutânkhamon signifiant « image vivante d’Amon »). C’est donc là qu’entrent en scène les codes télévisuels : on nous vend une espèce d’adolescent avec toutes les vertus possibles, raisonnant comme quelqu’un de 2015 et surtout, pas d’infirmités : la télévision a horreur de ça. Mais bon, c’est règles non écrites ont détrôné l’Histoire depuis belle lurette…
Pour une chaîne peu habituée à diffuser des séries originales, Spike ne s’en est pas trop mal tiré. Le 19 juillet, Tut a attiré 1,7 million de téléspectateurs avec un taux de 0,44 sur les 18-49, le 20, sensiblement le même auditoire : 1,69 et taux de 0,34 et à la finale le 21, il en restait 1,44 et le taux « payant » a même remonté à 0,36 point. Espérons que ce succès, même modeste, convaincra la chaîne de proposer plus de contenu original à l’avenir et faire comme elle l’a fait avec Tut, c’est-à-dire sortir des sentiers battus.