La Maison d’à Côté

Par Gourmets&co

: cuisine banale

: cuisine d’un bon niveau

: cuisine intéressante et gourmande

: cuisine de haut niveau… à tous les niveaux

: cuisine exceptionnelle

… du travail d’orfèvre, à la fois instinctif mais issu de l’expérience…

C’est un peu le charme de la France. C’est aussi peut-être, espérons, une tendance qui se dessine. Celle de ces chefs talentueux qui après un tour de France ou d’ailleurs des grandes tables ont un désir profond de retourner au pays pour y retrouver une vie proche des siens, de sa terre, des produits, et surtout de fuir ces mégalopoles sans âme et sans chaleur.

Christophe Hay est de ceux-là et son parcours est exemplaire. Originaire de Vendôme, sa femme Emmanuelle est de Blois, il grandit auprès de son père boucher et dans les jupes de sa mère lorsqu’elle cuisinait. Il ne quittera plus ces ambiances et ces odeurs qu’il affectionne. Au fil de son apprentissage et de sa formation, deux rencontres seront essentielles. Eric Reithler, chef du fameux Rendez-vous des Pêcheurs, l’étoilé de Blois, et Paul Bocuse pour lequel il lance le Bistrot de Paris à Orlando en Floride. Cinq ans de promotion de la cuisine française classique et en même temps la découverte des produits bios qui émergent aux Etats-Unis.
À Paris, car il faut décidément passer par Paris, il se forme au restaurant d’hôtel (de Sers, Edouard VII, etc.) pour vivre un autre style de travail. Son mentor de Blois lui signale un jour la mise en vente d’une épicerie/restaurant de village près de Blois, et le chef n’hésite pas une seconde. Retour au pays, travaux, mise en place, l’équipe réduite mais efficace, l’ouverture, et quelques mois plus tard l’étoile au Michelin 2015.

La petite route longe de près le fleuve, la Loire en majesté, pour mener au village de Montlivault, pimpant, relooké, l’église, la place ombragée, et là, le restaurant de Christophe et Emmanuelle Hay. Autant l’extérieur respecte l’image d’une maison de village, autant l’intérieur est d’une modernité bien maitrisée. Aéré, de l’espace, une ambiance fraiche, paisible, un mariage élégant entre les pierres et les matériaux d’aujourd’hui, et l’accueil discret et fin d’Emmanuelle. Un salon/bar pour prendre un verre ou un café en toute simplicité. Un mot qui plait au chef, dont la cuisine est en harmonie avec ce lieu. Comme ses parents, il a vite créé son potager à quelques encablures, un beau terrain où il fait pousser le maximum de légumes et d’herbes. Son réseau de producteurs majoritairement locaux est parfaitement au point avec un des derniers pêcheurs de Loire qui lui apporte et seulement à lui, une partie de sa pêche que l’on retrouve dans l’assiette, le jour même quand il le faut.

Du coup, sa carte est courte mais diablement riche et appétissante où l’on sent vite la passion du chef pour un produit phare autour duquel viennent se greffer, se marier des touches et des tonalités autres mais toujours complémentaires. Du travail d’orfèvre, à la fois instinctif mais issu de l’expérience. Il vient d’ailleurs la présenter, l’expliquer et prendre la commande. Plus tard, lui ou son second viendront aussi en salle pour servir les plats pour une dernière information sur les produits et les cuissons. Du beau travail et une présence rassurante, chaleureuse, rajoutant une proximité et en désacralisant le chef tout en gardant fermé le travail en cuisine, ce qui est souhaitable.

Exemples divers au cours d’un repas remarquable d’idées, de fraîcheur et de saveurs.

Plongeon dans le fleuve avec une petite friture amoureusement présentée dans une cagette en bois et à saisir avec les doigts. Un cadeau… déjà.

Fleur de courgette farcie aux herbes fraîches, écrevisse, capucine. Toute la philosophie du chef dans ce plat aérien, coloré, construit, des herbes, un produit de pleine saison du potager, une fleur, et mon tout est un beau plat pur, net, aux légumes croquants, au jus pointu, et un ensemble léger, léger, flirtant presque avec une certaine fadeur.

À l’opposé, ou presque, l’Oeuf bio basse température, langoustines rôties, mayonnaise légère, truffe d’été, oxalis, est absolument superbe de subtilité, de saveurs marquées mais délicates, et d’une cuisson et construction parfaite.

Ce matin-là, l’ami pêcheur du chef avait ramené des anguilles. Les voilà à midi, d’une extrême fraîcheur, présentées simplement sur une bille de bois, avec le contrepoint d’un crémeux de chou fleur. Simplement délicieux…

Le Ris de veau est redevenu la star des cartes des grands chefs. Souvent malmené, tranché, pané, il est ici magnifique. Une cuisson parfaite, saisi et moelleux, il est servi avec quelques oignons nouveaux, des champignons, et agrémenté d’un jus au poivre de la Jamaïque. Remarquable en tous points.

La chèvre continue de donner les meilleurs fromages de la Loire. Dominique Favre élève des chèvres et fait des fromages. Le chef les prend, et en fait une mousse légère, des petites herbes fraîches du potager et des fleurs sauvages, un peu de miel de sapin et l’on se retrouve face à des saveurs de chèvre comme rarement. Original, belle idée et quel joli plat !

Dessert de Gwenaëlle Reyneau, avec l’aide du chef, ce qui donne un superbe et savoureux Soufflé chaud au citron constellé de fraises des bois. Entre autres…

Le Vin en parenthèse
La région de Loire est un pays de vins et la carte du restaurant représente bien cette variété. Le nouveau sommelier, Sébastien Durand, s’est donné une mission. Il veut nous débarrasser de nos préjugés et de nos aprioris car nous en avons plein qui nous bouchent l’horizon de la découverte et d’un jugement sain et ouvert. Alors, il ne dit rien sur le vin, le vigneron, le cépage, l’appellation. Du blind taste, du hors-sol, de la virginité retrouvée pour le client nouveau-né. Il met donc en avant des vins « actuels » avec un minimum de souffre.
Sébastien Durand, talentueux et fin connaisseur, devrait s’ouvrir aux goûts et à la personnalité des clients comme il le fait pour s’ouvrir à la personnalité de certains vignerons.

Cette belle maison est un enchantement, un moment privilégié d’une rencontre avec un chef de talent qui a un bel avenir devant lui avec sa cuisine si personnelle et si délicate. Une cuisine de la région mais pas régionale. Des projets, pour faire vivre et revivre son village avec l’ouverture à la rentrée d’un bistrot « comme avant » où les gens se retrouvent, un café, un verre, un plat, on discute de tout et de rien… La vie, qui s’écoule comme le fleuve tout proche. Christophe Hay, un homme passionnant et quel chef !

41350 Montlivault
Tél : 02 54 20 62 30
www.lamaisondacote.fr
Blois : 13 km – Paris : 180 km
Fermé en janvier, et mardi et mercredi
Menus : 23 € (2 plats) – 32 € (3 plats)
Carte Blanche à la cuisine : 58 € (5 plats) – 78 € (7 plats)
Carte : 65 € environ

8 chambres de 80 € à 118 €
Petit-déjeuner : 15 €