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On y est : La Route Du Rock #25 – Jour 1
« I’m sorry that Björk cancelled« . Dès l’arrivée de Mark Kozelek et ses sbires sur la scène de La Nouvelle Vague pour cette soirée d’ouverture au programme royal, on aura donc eu droit à la première mouture d’une plaisanterie qui risque bien de devenir le running gag du festival, à l’heure ou le chapon de Reykjavik fait marrer la toile au travers de ses justifications vaseuses pour l’annulation du reste de sa tournée. Fort heureusement, le line up de La Route Du Rock ne tenait pas qu’à la venue de la diva, loin de là, et Sun Kil Moon aura démarré cette nouvelle édition de manière idéale. Non pas que Kozelek ait brillé par sa chaleur humaine, digne de celle d’un vétéran du Vietnam en manque de neuroleptiques et de bourbon, mais le génie excuse quand même pas mal de choses: avec ses compositions sombres, mais à la causticité lumineuse, l’américain aura non seulement hier soir satisfait à coup sûr ses fans de la première heure, mais aura aussi sans doute remporté la timbale auprès d’un public plus large, intrigué, voire hypnotisé par ces chansons à la beauté noire, traversées régulièrement par la mort mais scandées avec un tel élan vital qu’elles en deviennent dangereusement perçantes, hantant les recoins les plus cachés de l’âme humaine. Un concert débuté sur la pointe des pieds, mais qui prendra progressivement du corps et de l’ampleur, jusqu’à un final sous haute tension qui finira de nous convaincre.
La voie était donc ouverte idéalement pour l’arrivée sur scène de The Notwist, très attendus à l’heure de rejouer intégralement leur album Neon Golden, sorti il y a déjà 13 ans. Un bon moyen, pour de nombreux groupes d’un seul disque « culte », de payer ses arriérés d’impôts. Les Allemands, eux, qui n’ont jamais connu de véritable panne d’inspiration au cours de leur carrière, ne mangent pas de ce pain là. Ou du moins, ils y mettent les formes: car l’évènement aura bien lieu, au-delà des espérances. Un concert dantesque, monstrueux, inspiré, dans une Nouvelle Vague transformée en étuve. Pourtant, Markus Acher, tout en modestie, avait bien caché son jeu: « On va rejouer un disque sorti il y a quelques années, mais un peu différemment » lancera-t-il au public déjà acquis à la cause du groupe. Il se passera évidemment bien plus que cela. Avec une puissance de feu stupéfiante, The Notwist va ainsi dérouler sa collection de classiques instantanés comme autant de déflagrations sonores dont on ne sort définitivement pas indemne. On évitera de se perdre dans un listing sans fin, tout en retenant pour longtemps, la larme à l’œil, les petites révolutions soniques entendues au travers d’un Neon Golden technoïde et hypnotisant, d’un Pilot transfiguré de 10 minutes, lancé au public comme une allumette sur un bidon d’essence éventré, ou encore d’un Trashing Days à se taper le cul par terre. Que cet album soit intemporel, on le savait déjà. Qu’il puisse nous surprendre encore autant aujourd’hui, beaucoup moins. Cela grâce au génie mélodique d’un groupe décidément précieux: à la sortie du récent Close To The Glass, on écrivait dans nos pages qu’il était « impressionnant de constater à quel point The Notwist est capable de trouver un point d’équilibre parfait entre expérimentation et classicisme, extraversion et sobriété de chaque instant ». Ce constat ne nous sera jamais apparu autant d’actualité, alors que l’on parle bien d’un album vieux d’une grosse décennie. Pas avare de sucreries à l’endroit de son public, le groupe finira même son concert en nous offrant une dernière brochette de tubes en forme de mini best of , en enchaînant tranquillement des bijoux comme Kong, Boneless ou Gloomy Planets. La 25e Route Du Rock peut dérouler sans pression le reste de son programme: pour le public présent hier soir, le contrat de confiance est d’ores et déjà presque rempli.