Une réforme territoriale bidon et de plus en plus coûteuse

Publié le 14 août 2015 par H16

Le feuilleton régional continue. Par « régional », je ne veux pas parler ici d’un feuilleton qui ne se jouerait que sur une région, et dont seuls les habitants pourraient profiter, mais bien de ce feuilleton de la réforme territoriale qui porte, justement, sur les régions et dont tous les contribuables profitent amplement. Malheureusement, point d’aventure, d’action, de romance, de suspens ou même d’émotion : ce feuilleton-ci n’est qu’une pâle resucée d’un ratage annoncé.

Tout commence en mai 2014, mois auquel on découvre que, subitement, le pays n’en pouvait plus d’attendre une remise à plat conquérante et profonde de ses structures administratives, et que le vaillant Président Hollande, armé d’un courage à nul autre pareil, entreprend donc la saine réforme qui s’impose évidemment.

Dans mon analyse de l’époque, je pariais déjà que la réforme se traduirait par des bricolages oiseux et que le chantier de fond, celui qui aurait pu être tenté et qui consistait à retirer un niveau administratif du mille-feuille français, ne serait pas abordé, même de loin. Vu de mai 2014, il apparaissait très improbable que l’exécutif tente quelque chose d’un tant soit peu profond.

Dès juin 2014, les contours pris par les discussions et les propositions montraient que je ne m’étais pas trompé : non, décidément, pas question de toucher aux départements. Quant aux régions, on en diminuerait un peu le nombre, histoire de faire parler la presse, mais il n’était pas question de grands bouleversements. Et déjà se profilaient des remarques évidentes sur les coûts induits par le calendrier esquissé alors, s’étalant mollement sur six ou sept ans, et qui prendrait bien en compte toutes les petites particularités et susceptibilités locales. L’élimination des doublons semblait déjà relever d’une aspérité notoire de parcours. Bref : la réforme s’évaporait gentiment, et les économies qu’elle entraînerait, tant vantées en mai, commençaient à fondre rapidement au soleil de juin, avant même d’avoir pu être réalisées.

Quelques mois plus tard, l’illusion disparaissait complètement : les économies seraient au mieux microscopiques et comme on ne toucherait finalement à rien d’autre, on pouvait aussi faire une croix sur la simplification du mille-feuilles administratif français.

Avec la récente désignation des capitales régionales, l’affaire prend une nouvelle tournure puisqu’évidemment, les psychodrames prévisibles se mettent en place : la perte de statut pour une ville régionale se traduit immédiatement dans les égos surdimensionnés des élus présidents de région par une espèce de déchéance insupportable, d’autant qu’on peut raisonnablement imaginer qu’elle s’accompagne de la perte de pouvoir sur les fonctionnaires correspondants qui vont bien vite être rattachés à la nouvelle capitale.

Mais rassurez-vous, la presse et le gouvernement sont confiants : avec ces nouvelles capitales, il n’y aura pas de grand bouleversement. Autrement dit, pour l’État, les élus et les fonctionnaires, tout devrait se passer comme sur du velours. Maintenant, si l’on décrypte la même information du côté du contribuable, cela veut clairement dire qu’il n’y aura aucune économie, nulle part, et que les surcoûts engendrés par les réorganisations et déjà imaginés dès mai 2014, seront bel et bien présents. Quant à la simplification administrative, laissez tomber, c’est une chimère qui n’a finalement jamais existé, une pierre philosophale utile pour les exercices de pensée mais inatteignable en l’état actuel des connaissance de la science organisationnelle bureaucratique française.

Cependant, là où ça devient croustillant, c’est qu’on commence tout juste à voir fuiter quelques intéressantes informations sur, justement, les improbables petits jeux en coulisse que cette réorganisation entraîne. On doit notamment signaler la création d’un nouveau poste de « président de région délégué », qui doublonnera avec celui du président et qui d’après l’analyse de Dominique Reynié dans le Figaro entraînera peu ou prou une dépense de 114 millions d’euros supplémentaires pour les régions (et donc, pour le contribuable français).

Et on peut parier sans risquer gros que cette révélation n’est que la première d’une série qui permettra à l’avènement des nouvelles régions françaises de tester une fois encore les limites, pourtant déjà fort distendues, des budgets étatiques généreusement consentis sur le dos du moutontribuable qui, coïncidence commode, ne chouine toujours pas.

Bref, le dérapage grossit et la réforme ressemble de plus en plus à une nouvelle entourloupe pour caser des copains et des coquins avant les éventuelles prochaines déculottées électorales.

C’est assez ballot, en fait, parce qu’en parallèle, ce qui n’a pas été fait et qui était indispensable dans un pays exsangue … reste à faire. Autrement dit, les départements sont toujours un poste majeur de dépense qui vient s’ajouter à celui des régions que la « réforme » hollandesque alourdit encore largement. Et si j’évoque cet échelon administratif, c’est parce que leur situation financière se dégrade bien plus vite encore que la situation économique du pays.

Il faut dire que les départements sont responsables, notamment, de la distribution de certaines aides sociales. J’évoquais la question à la fin du mois de juin, en notant l’étonnante discrétion des médias à ce sujet. Cette discrétion continue puisqu’il faut fouiller pour découvrir que, par exemple, le département du Rhône pourrait se déclarer en faillite avant la fin de l’année … sauf à recourir — ô horreur — à des mesures extrêmes, comme (par exemple) couper dans les budgets ou, pire encore, céder des biens immobiliers.

Et ce département n’est pas le seul puisqu’au détour d’une déclaration de Bussereau, l’actuel président de l’Assemblée des Départements de France, on apprend que ce sont cinq départements qui partagent la même situation délicate au point d’envisager la cessation de paiement pour 2015, et, « si rien n’est fait », une trentaine fin 2016.

En somme, Hollande a choisi de bricoler les régions, le fait de travers, crée de nouveaux frais, et ce faisant, loupe une occasion de réformer les départements ce qui propulse tout ce petit monde dans de nouveaux abimes de dettes et de perplexités financières qui n’augurent rien de bon pour les générations futures qui auront un air pur, une campagne rutilante et crèveront dans la misère sous un passif abyssal.

Vous voyez : il n’y a vraiment pas de quoi s’inquiéter concernant les régions et les petits problèmes d’organisations que la réformichette entraînera. Comparés à ceux des départements, les soucis des régions sont mineurs. Et puis, avec la fine équipe actuellement au pouvoir, comment ne pas conserver son optimisme ? Avec de tels cadors, forcément, ça va bien se passer !

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