POUR AVOIR UN BON MENTAL, IL FAUT COMMENCER PAR REGARDER EN FACE NOS SOUVENIRS ENFOUIS DANS L'INCONSCIENT .
Pour beaucoup d'entre nous, l'émotion reste un des plus beaux aspects de la vie, une forme d'expérience dont on ne saurait se passer, et sans laquelle tout paraîtrait fade. Ne constitue-t-elle pas le fondement des relations amoureuses, le moteur des désirs, l'essence de l'art et de la littérature ?
Pourtant, l'émotion, dont l'étymologie (exmovere, se mouvoir en dehors) rend compte de l'exil de la Conscience en des contrées psychiques qui ne sont pas les siennes, cette si précieuse émotion est purement et simplement considérée comme péché par l'ensemble des traditions spirituelles ! Pécher n'est pas démontrer un comportement en désaccord avec la morale, ainsi que s'efforcent de le faire croire tous les prêtres du monde, mais signifie «manquer la cible spirituelle». Or, cette cible, le Soi, l'être, la pleine conscience de la présence, ne peut être atteinte tant que des préoccupations égocentriques, s'exprimant à travers les pensées ou les émotions, perturbent l'esprit.
Qu'elle soit jalousie, orgueil, colère, envie, peur, larmes ou rire, l'émotion affecte l'esprit. Elle est pathos. C'est pourquoi toutes les Voies spirituelles, fondamentalement thérapeutiques, insistent sur la nécessité de se défaire de l'émotion, et proposent bien souvent des méthodes pour réaliser cet objectif.
C'est notamment le cas du Védanta, et d'un de ses maîtres incontestés : Swâmi Prajnânpad, qui suggéra à ses disciples la mise en pratique d'une technique d'introspection spirituelle de grande valeur, le Lying, grâce à laquelle il est possible d'exprimer les émotions réprimées, dans le but de s'en débarrasser.
Une saison en enfer
Dans l'objectif de cette libération, le Lying se veut une aide préliminaire au nettoyage du mental, par la connaissance de ses fonctionnements et la mise en lumière de ses zones d'ombre.
Il s'agira, tout d'abord, de s'exercer à la remontée des souvenirs, puis de dépister, dans les brumes d'une mémoire affaiblie partoutes les répressions qu'elle a subies, le noeud du problème, l'origine du blocage.
Une fois l'habitude prise de plonger dans ses souvenirs les plus enfouis, il faudra exprimer, le plus spontanément possible, les émotions qui, jusqu'alors, n'avaient jamais pu sortir. C'est généralement à partir de ce moment-là qu'il devient nécessaire de faire preuve de beaucoup de courage et de persévérance, puisque la descente aux enfers commence.
Toute notre tragédie personnelle est, mise à nue, éclatante d'horreur ; et, au lieu de se laisser aller au réflexe naturel de fuir cette horreur, il va, au contraire, falloir revivre et revivre encore, chaque épisode douloureux du passé jusqu'à ce que la charge émotionnelle qui l'accompagne s'use et se dissolve.
Dans la mesure où nous sommes capables de vaincre les résistances que cette douloureuse confrontation déclenche, nous gagnons un grand détachement vis-à-vis de nous-même, nous cessons de nous prendre en pitié et de nous lamenter sur notre sort Mais bien sûr, ce n'est que dans l'application d'un tel détachement dans la vie de tous les jours, dans la capacité à observer avec lucidité et sans jugement les motivations profondes qui sous-tendent nos comportements quotidiens, que réside le véritable travail. Car si le Lying est une méthode psychologique qu'il convient de pratiquer, comme n'importe quelle psychothérapie, avec l'aide d'un thérapeute compétent et spécialisé, elle reste essentiellement destinée, non à réparer l'individu, mais à le conduire au début d'un chemin qui mène à l'Esprit.