Désolation.

Publié le 05 juin 2008 par Didier Vincent

Comme les êtres que nous côtoyons sont des ombres, nous leur consacrons différents visages ; nous-mêmes, ombres de nous. Nous ne leur montrons que ce que nous croyons vouloir montrer, c'est le je de la séduction et du repoussement, en tant que séduction aussi. Des masques qui ne cachent rien. On s'échine à être ce qu'on croit être soi-même, flottant sur l'océan de ce que l'on devine.

Jetez ces questions, ne me lisez pas, passez votre chemin. Je racole pour que quelqu'un me trouve. Mais de cette rencontre, rien ne jaillira, car, que peut-il bien être de l'identique : rien.

Ecrire, c'est désirer, cela ne mène à rien et on s'y plie quand même. Comme plonger dans l'océan si proche, si lointain souvent ; si souverainement confortable, si glacé pour les philosophes ; si immémorial , si oublieux.

Ne me lisez pas, allez ailleurs, car je ne dis ici rien d'utile. Rien qui fasse avancer. Rien qui ne puisse vous servir. Votre familiarité à vous-même et au monde est impuissante à tenter de comprendre.

La plupart des gens ignorent l'océan inconnu qui les constitue, leur totalitaire conscience banale leur cache, tels les prisonniers de la Caverne platonicienne, l'existence même du vide par lequel ils existent. Aristote disait que l'on ne pouvait philosopher que parce qu'on avait la panse pleine et dans un certain confort. Culpabilité de la pensée. Descartes affirmait ne philosopher que quelques heures par an, et je crois aussi, qu'à moins de tomber dans un mysticisme adolescent et puéril, il n'est guère possible plus.

Alors, ce que j'écris ici ? C'est une seconde d'immatérialité : comme une force centripète qui m'éloignerait de mes moi sociaux. « Mes mois sociaux » ne sont pas faux, pas crées par un démon malin, pas plus pluriels qu'unique. C'est cet impénétrable « je » qui intrigue tant (dans les deux sens du terme).

Un jour peut-être, ça arrêtera de le dire et je ne m'en rendrai pas compte.

Le non être, c'est l'être.


Keren Ann.