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L’école yukonnaise Emilie-Tremblay, un modèle de la francophonie canadienne
Publié le 11 août 2015 par JclaudedEn 1992, lors du 125e anniversaire du Canada, j’ai eu l’opportunité, en tant que co-président de Canada 125, de visiter mon pays de l’est à l’ouest et du nord au sud. Partout, j’ai été frappé par la beauté de sa nature, la vigueur de son peuple et l’accueil chaleureux que j’ai reçu. J’étais constamment surpris de ce que je découvrais. Le pays est grand, très grand. Les vols d’avions d’est en ouest et du nord au sud sont longs et prennent plusieurs heures, allant souventes fois de 3 à 5 heures et plus. Mais lorsque je regardais par le hublot, tout ce que je voyais c’était le Canada. Sans cesse le Canada. Toujours le Canada. Quelle immensité! Quelle beauté! Quelle richesse ! J’ai vu des régions montagneuses fantastiques, des forêts immenses et immaculées parsemées de milliers de lacs dont la très grande partie n’ont même pas vu encore le profil d’un être humain. Au Québec, seulement, il y en a 400 000 de répertoriées, au Canada ce doit être dans les millions. Sans parler du grand fleuve Saint Laurent qui rejoint les cinq Grands Lacs que nous partageons avec les USA. Et, sans oublier, les grands lacs intérieurs dont le Lac à l’Ours, le Lac des Esclaves, le Lac Athabaska et les océans Atlantique, Pacifique et Arctique jusqu’au pôle Nord. En traversant tous ces grands espaces, je me demandais quelles pouvaient être les richesses géologiques, hydrauliques, forestières, pétrolières et autres non encore découvertes de ce vaste territoire.Durant ces voyages, je réalisais le potentiel extraordinaire du Canada. Avec sa petite population, j’estimais que per capita la nature nous a gâtés. Nous sommes les individus qu’elle a le plus choyés de la terre. Nous sommes les plus riches.Lors de l’un de ces périples, je visitai le Yukon. Ce n’est pas une Province mais un Territoire sous la responsabilité directe du gouvernement canadien. C’est ainsi pour tout le grand nord du pays qui est divisé en trois immenses Territoires : Yukon, Nord-Ouest et Nunavut. Après un vol vers sa capitale Whitehorse, j’ai découvert une ville surprenante au passé intéressant, située au 61e parallèle. Avant la venue des prospecteurs blancs vers 1880, elle était un lieu de pêche, de chasse et de rassemblement pour les autochtones. Elle devint alors le lieu de ravitaillement pour les chercheurs d’or qui arrivèrent par dizaine de milliers. Un chemin de fer fut construit. Plus tard, suite à l’attaque japonaise de Pearl Harbor, le 7 décembre 1941, le gouvernement américain décida de construire à ses frais, via le Canada, une route à partir des USA jusqu’à l’État de l’Alaska, situé au nord de la Colombie-Britannique, afin d’assurer son approvisionnement et pour des raisons de stratégie guerrière. Le tracé suivait les anciennes pistes de traineaux à chien. Après la guerre, la route fut remise au gouvernement canadien tel que le stipulaient les conditions de l’entente originale. En 1958, le Canada décida de reconstruire la route entre Dawson City et Inuvik afin qu’elle puisse résister au résister au pergélisol (permafrost). La route fut renommée le Dempster Highway pour marquer la carrière de l’Inspecteur William Dempster, de la Gendarmerie Royale du Canada (GRC), qui utilisait souvent les pistes avec ses chiens pour venir en aide à des gens en détresse et qui finalement mourut avec ses chiens en recherchant un collègue de la GRC perdu dans le grand froid du nord canadien. Whitehorse profita en tout temps de cette excellente voie de communication pour favoriser l’exploitation du pétrole, du cuivre, de l’or, de l’argent et du commerce de la fourrure pour devenir la ville la plus importante du Territoire yukonnais.À Whitehorse, mes collègues et moi avions quelques visites d’organisées, dont une à une école du nom Émilie-Tremblay. Quelle surprise ! Une école francophone dans ce territoire nordique immense et peu peuplé alors que je le croyais exclusivement anglophone. C’était, en plus, une très belle école avec de nombreux enfants qui manifestèrent un bonheur de nous voir et de nous parler en français. Il en fut de même des maîtres et maitresses de l’école qui étaient, de toute évidence, très compétents, dévoués, heureux et fiers d’œuvrer dans ce milieu. Les enfants étaient ceux de 3 500 francophones qui vivaient à Whitehorse. Puis, nous nous sommes rendusen avion jusqu’à Dawson city, la capitale de la ruée vers l'or de la rivière Klondike de 1896-1899. Au moment de la ruée, elle comptait plus de 40 000 personnes. Malheureusement, tout le décor naturel dans cette région célèbre n’est pas beau à voir. Le sol a été excavé mécaniquement et profondément par les chercheurs d’or, lavé, déposé et empilé ici et là sur des centaines de kilomètres carrés. Après la ruée, les prospecteurs sont vite partis et rien n’a été fait pour replacer la nature, ce qui donna l’apparence d’une terre désolée. Un spectacle vraiment triste. C’est sûrement le pire endroit au Canada où l’homme a renié l’environnement pour son profit. Dès qu’on le quitte, on retrouve la beauté sauvage du grand nord Canadien. Nous avons poursuivi notre chemin sur la route asphaltée du Dempster highway toujours en très bonne condition, vers le nord, traversé le cercle polaire et rejoint, à moins de 200km, la ville d’Inuvik, située sur le fleuve Mackenzie dans le Territoire voisin du Nord-Ouest (TNW). D’un tel voyage, des images d’immensité immesurable restent empreintes dans l’esprit de ceux qui y participent. J’ai été surpris du très grand nombre de voyageurs qui avec leur roulotte entreprennent de visiter cette lointaine région ou qui se rendent jusqu’en Alaska. En somme, tout est relativement facile d’accès mais les distances sont très longues la température en été est agréable.Dans ces territoires, la présence francophone est minime, 5% au Yukon et 3% au TNW. Nonobstant cela, j’ai été agréablement surpris que les parents francophones que j’ai rencontrés n’aient pas perdu leur langue française, ne se soient pas laissé assimiler par la majorité anglophone et aient fait constamment des efforts et demeuré aux aguets afin d’assurer le droit de leurs enfants à la protection et à l’épanouissement de leur langue française. Encore récemment, en janvier 2015, plusieurs parents de l’École Émilie Tremblay, dont quatre enfants sur cinq ont un parent anglophone, réclamaient l’augmentation de budgets pour améliorer les compétences linguistiques des jeunes ayant plus de difficultés à s’adapter. Ils peuvent maintenant inscrire leurs enfants à un programme d’enseignement du français à domicile. De plus, ils ont obtenu qu’une nouvelle école secondaire francophone soit construite sur un site qui vient tout juste d’être désigné et approuvé par les commissaires d’écoles. Elle remplacera l’Académie Parhélie, ouverte en 2007, pour l’enseignement jusqu’à la 12e année. Devant leur détermination à conserver leur langue et à la transmettre aux générations futures, on ne peut que leur dire BRAVO et leur exprimer notre admiration totale.Ce cas que je viens de citer est en fait un exemple patent de ce qui se passe au Canada. Partout, les parents francophones cherchent, œuvrent et trouvent des moyens pour subvenir au besoin d’éducation en français de leurs enfants. Ce n’est pas toujours facile, mais ils réussissent. Si le Québec se sépare de l’ensemble Canadien où le français et l’anglais sont des langues officielles, le nouveau Canada maintiendra-t-il ce statut ? Si on enlève les députés francophones du Québec de la Chambre des communes, restera-t-il suffisamment de députés francophones pour défendre la langue française au pays ? Au Yukon, les commissaires ont décidé en faveur des francophones, mais si la langue française n’était plus officielle au pays, ils auraient décidé quoi ? Les séparatistes québécois veulent la mort du Canada bilingue. Du même coup, la disparition de la langue française en Amérique du Nord, sauf au Québec, pourrait en résulter. Ce sera très difficile pour ce million et plus de francophones qui vivent actuellement hors-Québec et qui sont éparpillés dans les provinces et les territoires. Le risque d’assimilation à moyen et long terme pourrait être augmenté dangereusement. Elle deviendrait peut être inévitable. Certes les francophones d’Ontario et du Nouveau-Brunswick, plus nombreux, se débattront comme le feront les autres, mais ils n’auront plus la présence du Québec dans leur pays pour les appuyer. Ce qui fait, je crois, la grande différence aujourd’hui. La protection et l’épanouissement du français en Amérique du Nord est aussi une de nos responsabilités en tant que Québécois francophones.Claude Dupras