Il ne se passe pratiquement un jour sans que j’entende, sur une de nos antennes, ou lise, dans un de nos journaux, une phrase du style « Monsieur X, ou la société Y, n’a pas souhaité répondre à nos questions ». Jusqu’à quand de prétendus journalistes continueront-ils à jeter ainsi le manteau de Noé sur le mépris que nous témoignent ceux qui s’obstinent à dissimuler ainsi leur refus de s’expliquer. A chaque fois, je me prends à vitupérer contre le malheureux utilisateur de cette formule convenue, journaliste qui a la bonne fortune d’ignorer ma réaction.
Cette référence à quelque souhait est totalement hors de propos. On ne demande pas à celui qui est interrogé s’il souhaite ou non répondre, on lui pose une question pour obtenir sa réponse, qu’il le souhaite ou non. Je ne souhaite pas particulièrement payer mes impôts mais cela ne m’a jamais empêché de les payer. Selon le ton de la conversation, le journaliste pourrait choisir entre plusieurs formulations : « M.X n’a pas répondu à nos questions » ou bien « M. X n’a pas voulu répondre à nos questions » ou encore « M. X a refusé de répondre à nos questions », ce qui correspond davantage à la réalité de la situation, bien plus que d’évoquer quelque souhait dont nous n’avons pas à connaître.
Je suis désarmé devant l’incompétence de certains journalistes, qui n’hésitent pas à utiliser des formules toutes faites éloignées de la réalité des faits. Combien de fois, lors de la disparition d’un enfant, nous assène-t-on le rituel « a échappé à la vigilance de ses parents » alors que, vraisemblablement, le bambin « a profité d’un bref défaut de vigilance de ses parents », sans pourtant que cela nous autorise à en faire des coupables.
Combien de fois peut-on aussi entendre que tel avion « a quitté sa trajectoire » ou bien « s’est écarté de sa trajectoire » ou encore « a dévié de sa trajectoire ». Tout mobile occupe successivement dans l’espace un certain nombre de points et l’ensemble de ceux-ci constitue une courbe qui est sa trajectoire. C’est lui qui trace sa trajectoire et il lui est donc impossible de la quitter. Ce que des incultes essaient de dire c’est que l’avion s’est écarté de la trajectoire prévue.
La place me manque ici pour m’en prendre à d’autres faiblesses des médias mais j’y reviendrai peut-être. Je suppose que dans les écoles de journalisme on enseigne aux étudiants les éléments indispensables à la pratique de leur métier. Il me semble que le français et le respect dû à ceux qui suivent les médias ne figurent pas parmi les matières enseignées.