Pour qui aime les bouquins et autres vieux papiers, Montolieu est une mine quasiment inépuisable.
Le dernier passage à confirmé cet état de fait : il y avait bien des choses intéressantes, et ce à plus d'un titre.
Dans mon escarcelle, bien sur quelques EO de Mauriac, dont un très bel exemplaire de son Thérèse Desqueyroux, chez Calmann - Lévy, qui porte en page de garde un amusant "Exemplaire spécialement imprimé pour M. Georges Calmann".
Inévitablement quelques "Fémina Pratique", supplément à "Elle", dont cet exemplaire qui informait les lectrices de 1953 sur la rémunération des petites bonnes selon leur âge ...
J'y ai aussi, forcément, rencontré telle ou telle inévitable publicité de société commercialisant des produits œnologiques.
La routine.
Il y avait aussi, et je ne parle là que des mes habituels champs d'intérêt, quelques ouvrages plus percutants, par exemple celui qui, datant de la fin XIXème, détaille complaisamment les façons de colorer les vins rouges (le tarif demandé étant un peu surévalué à mon goût il est resté sur son rayon) mais aussi, mais surtout, ce délicieux ouvrage de Jules Steeg : "Les dangers de l'Alcoolisme", à la librairie classique Fernand Nathan ... et qui va rejoindre ma bibliothèque avec les Mauriac.
Cette troisième édition, qui date de 1901 et n'a pourtant rien à voit avec Beauséjour, est destinée aux Ecoles élémentaires et Cours d'Adultes.
C'est une sorte de pendant au délicieux "La Vérité sur le Vin" dont j'ai déjà parlé par ailleurs sur ce blog.
Au premier abord et en première lecture seulement puisque, et sans remettre en cause ce que pouvait alors être le fléau de l'alcoolisme, l'on y fait tout de même quelques aimables concessions au vin :
"[l'alcool] que la chimie moderne tire de la mélasse, de la pomme de terre, etc ..., est autrement toxique et dangereux pour l'organisme humain. Outre qu'il enivre beaucoup plus rapidement, il a un double caractère éminemment funeste au point de vue des conséquences qui en découlent : il provoque une ivresse brutale, se traduisant par des violences et allant parfois jusqu'au crime ; il marque, à la longue, l'organisme du buveur d'un mal chronique et héréditaire ; il s'attaque à la race, à l'avenir, en léguant à l'enfant le rachitisme, les scrofules, l'idiotisme ou le penchant inné aux excès alcooliques.
Ainsi, le peuple qui, autrefois, ne buvait guère qu'aux fêtes carillonnées et aux kermesses, et ne buvait alors que de la bière ou du vin, suivant les pays, s'enivre aujourd'hui fréquemment et rapidement, pour quelques sous, d'une drogue empoisonnée. L'alcoolisme chronique n'est en fait qu'un empoisonnement."
Il y est en outre, et ce dès l'entame, fait référence au vin naturel.
Oui, oui : le vin naturel.
Tout ce que j'aime ! alors j'en connais à qui ça devrait plaire ... même si ce vin naturel est, semble-t'il, une boisson artificielle. Ce qui devrait un peu moins plaire ?
Autant pour la Nature ...
"Le vin est le produit de la fermentation alcoolique des raisins frais. C'est la boisson artificielle la plus anciennement connue dans l'histoire. La production de vin est une des principales richesses de la culture dans les pays de climat modéré : au premier rang la France, puis l'Espagne, et l'Italie, la vallée du Rhin, la Hongrie, la Grèce, l'Algérie, la Tunisie et la colonie du Cap ; depuis quelques années, cette production est devenue considérable en Amérique, dan la Californie, le Mexique, l'Amérique du Sud et en Australie.
Les vins sont de qualités bien diverses : lorsqu'ils sont purs, ils peuvent, comme le cidre et la bière, servir utilement à désaltérer, à stimuler et même à alimenter l'organisme. Ils contiennent, moins que la bière et plus que le cidre, quelques éléments nutritifs, mais en beaucoup plus petite quantité qu'on ne se l'imagine d'ordinaire.
L'usage modéré du vin est inoffensif, quand il est naturel et trempé d'eau. L'abus du vin produit l'ivresse, cet état où l'homme n'est plus maître de lui même, perd la raison, la conscience et la dignité. L'ivresse répétée cause des désordres dans les fonctions organiques.
Les buveurs immodérés de vin éprouvent des rêves pénibles, des cauchemars, des insomnies, ont des tremblements et parfois du délire. L'estomac s'altère, devient le siège de lourdeurs et de souffrances ; la digestion est difficile ; le foie et la rate se gonflent et causent de cruels malaises. Le sang se porte à la face et au nez, l'organisme s'affaiblit et devient la proie facile des maladies, auxquelles il n'est plus en état d'opposer de la résistance.
Ajoutons que le vin, dont le prix relativement élevé est un appât à la fraude, est l'objet de mille falsifications presque toutes dangereuses. L'abus du vin naturel est nuisible, l'abus du vin falsifié cause au corps humain un mal irréparable.".
Au delà de ce vibrant plaidoyer pour le vin naturel (pourvu qu'il soit coupé d'eau), qui en vaut bien d'autres nettement plus modernes mais guère plus convaincants, ce petit bouquin vaut peut-être avant tout pour ces délicieuses maximes, régulièrement distillées d'un bout à l'autre de l'ouvrage, ainsi que pour les problèmes qui le parachèvent.
D'abord les maximes (du moins certaines d'entre elles) :
- Un vice coûte plus cher à nourrir que deux enfants,
- Trop de vin ne sait ni garder un secret, ni tenir une parole,
- La loi punit l'ivresse manifeste ; la nature punit l'ivresse secrète,
- Les refrains bachiques déshonorent un peuple ; les refrains patriotiques le rendent redoutable,
- Méfiez-vous du petit verre : il ruine l'âme et le corps,
- La porte du cabaret conduit à l'hôpital.
Et, enfin, un problème (les plus méritants de mes lecteurs peuvent se risquer à en mettre les réponses en commentaire) :
- Deux amis de même âge avaient l'habitude de boire chacun 2 litres de bière par jour, qui leur revenaient à 0 fr 40 le litre. A l'âge de vingt ans, l'un eut l'idée de renoncer à l'usage de la bière et prit l'habitude de placer l'argent économisé de cette manière au 4% l'an, en laissant chaque année l'intérêt s'ajouter au capital. A l'âge de quarante ans, il emploie la somme ainsi mise de côté à l'achat d'une petite propriété, maison avec jardin, etc ...
On demande quelle est la somme qu'il a pu consacrer à cet achat ?
On demande aussi combien de barriques de bière celui qui a continué à boire a vidées pendant le temps qui s'est écoulé entre sa vingtième et sa quarantième année, sachant qu'une barrique contient 200 litres ?
Ainsi que, pour finir, un joli thème de rédaction (37) :