À droite Elsa Pépin, Andrée A. Michaud
À gauche Marie-Josée Martin
Dans Un jour, ils entendront mes silences, Marie-Josée Martin a mis en scène une fillette de 5 ans qui ne bouge pas et ne parle pas. Elle est morte, ce que le lecteur apprend d’entrée de jeu, elle s’adresse donc au lecteur. J’ai été un certain temps à penser que le personnage avait 5 ans tout au long du récit, heureusement que l’auteure a précisé qu’elle finissait par atteindre l’âge de 12 ans.
Bondrée, ce roman que j'ai tant aimé est celui de plusieurs frontières, dont celle qui sépare l’enfance de l’adulte, comme l’héroïne, 12 ans. Elle dit s’être fait plaisir en parlant de son enfance, et des années 60. Elle tenait à faire revivre un lieu, celui de ses souvenirs, là où elle prenait ses vacances scolaires. L’enfance n’est pas aussi idyllique ni aussi insouciante que l’adulte le voudrait. Les enfants s’imprègnent de l’inquiétude des adultes, Bondrée en est un bon exemple. Les adultes pensent bien faire en cachant la vérité aux enfants, pourtant, ne pas savoir les fait inventer et s’inquiéter. Prendre peur. Elle en profite pour faire une distinction entre la naïveté et l’insouciance chez l’enfant
Avant le début : Andrée A. Michaud
Marie-Josée M. a pris le temps d’entendre clairement la voix de l’enfant qu’elle voulait mettre en scène. Trouver le ton juste pour un enfant, c’est beaucoup de travail. Un livre sur le mode intime puisqu’il n’y aura que le lecteur qui entendra l’enfant. De sa propre enfance, elle a accumulé une abondance d’observations des autres enfants handicapés, particulièrement de leur difficulté à communiquer. Cela l’a beaucoup aidé pour installer de la crédibilité à son personnage qui ne parle pas, ni ne bouge.Elsa Pépin a demandé pourquoi ne pas parler de l’enfant à la troisième personne au lieu d’à la première ? J’ai aimé la réponse franche et sans fard de A. Michaud : « Je ne sais pas. Dans mes romans, c’est toujours la première personne qui me vient naturellement » Marie-Josée M. trouve que la première personne s’impose quand tu veux une œuvre intime, ce qu’elle tenait à livrer.
Elsa Pépin les a amenées sur le thème des enfants et la mort. Andrée M. affirme qu’un enfant ne croit pas à la mort, c’est un concept trop abstrait. Elle-même a perdu son père jeune et elle est restée convaincue, enfant, qu’il allait revenir. L’enfant peut avoir peur des fantômes cependant.
Avant le début : moment de réflexion
Qu’est-ce que vous pensez de l’adage : La vérité sort de la bouche des enfants ? C’est un cliché, précise Andrée M., ils n’ont pas de filtre et pas de censure, ce qui est différent.L’animatrice a suggéré que la littérature québécoise déborde de voix enfantines narratives, que nous en sommes spécialistes. Est-ce la peur de vieillir, est-ce un idéal de pureté que nous nous nourrissons ? Réponse des deux femmes : « C’est instinctif ». Je crois avoir vu clairement en leurs figures ou détecté dans leurs tons, qu’elles ne poussent pas leurs questions jusque là !
À la question : quels sont les livres avec des voix enfantines qui ont frappé votre enfance ? Pour Andrée M., c’est clairement les personnages du roman « Le nez qui voque » de Réjean Ducharme qui l’ont ravie. Elle aurait aimé être « eux ». Pour Marie-Josée, c’est le Petit Prince de Saint-Exupéry et Les Fous de Bassan d’Anne Hébert. À la question, si on écoute suffisamment les enfants, Marie-Josée a eu la judicieuse réponse qu’on les sous-estime surtout. À celle si l’enfant est narcissique et se croit le centre du monde ? Marie-Josée répond par la bouche de Corinne, son personnage principal qu’elle a placé dans une situation dépendante (handicapée) et détachée (morte).
André Vanasse tenait à s'entretenir
avec l'auteure à la fin du Café
Les enfants, ces spécialistes de la peur, auraient-ils une connaissance innée du danger ? Non, tout au contraire, ils se croient invulnérables. Pas du tout conscient du danger, déclare l’auteure de Bondrée.
Est-ce que l’impuissance de l’enfance provoque une souffrance en lui ? La réponse d’Andrée M. est un deuxième « Je ne sais pas ». Je pense que c’est à ce moment là, que j’ai entendu Marie-Josée M. passer la remarque sur un ton ch
armant, qu’elle laissait ses questions aux analystes littéraires ! Personnellement, j’ai adoré cette réponse.
Elsa Pépin est certes une analyste littéraire pertinente, mais elle a la fâcheuse manie d’inclure ses réponses dans ses questions, ce qui n’en fait pas des questions assez ouvertes. Elle gagnerait à utiliser le « je » à ce moment-là. D’ailleurs, elle a reformulée sa dernière question au « je » et elle a récolté des réactions plus vives de ses participantes.
Le plaisir de dédicacer de Marie-Josée Martin
(derrière accourt Catherine Leroux, robe rouge
& Audrée Wilhelmy, robe bleue)