Dans les salles depuis le 15 juillet, on n’avait pas remarqué La Isla Minima, le 6e long-métrage du réalisateur espagnol Alberto Rodriguez, face à tous les blockbusters de l’été raflant toute l’attention. Et pourtant. La Isla minima est un film extrêmement marquant. Il touche et dérange.
Andalousie, années 1980, post Franco. L’Espagne s’est difficilement débarrassée du Caudillo, la démocratie a pris ses quartiers. Difficile d’effacer plus de trente années de dictature en un coup de baguette magique. On continue à vivre, on s’adapte, ou du moins on fait semblant. Andalousie qui de prime abord nous fait penser aux photos (retouchées) de Yann Arthus-Bertrand avec son golfe parcouru par ses marais que survolent des centaines de flamands roses faisant une étape dans leur migration annuelle. Mais une Andalousie rurale vieillissante affaiblie par les années sombres du franquisme.
Le film va droit au but. L’histoire est simple. Deux flics débarquent dans un petit village du coin, suite à la disparition de deux sœurs de 16 et 17 ans. Des filles « faciles » selon les dires des gendarmes du coin. La paire ne s’accorde pas, ne s’apprécie guère. Ils n’ont pas particulièrement envie d’être là. Mais ils sont pro’ et font leur boulot d’enquêteurs, de la disparation suspecte lors d’une fête foraine du coin à l’homicide volontaire des deux jeunes femmes, dont on retrouve les deux corps nus, violentés, dans un bras marécageux entouré de champs. Face à eux se dresse l’omerta d’un peuple qui a souffert, et qui ne fait pas confiance. Une communauté d’apparence soudée, qui se retrouve face à ses démons, face à son histoire.
Les deux acteurs principaux sont impeccables. Juan et Pedro, Pedro et Juan et leurs airs de True Detective, en moins américains. Pedro ce citadin qui rêve d’être muté de nouveau à Madrid. L’homme droit et froid. Juan, ce flic violent qui ne dort plus, une moustache touffue, des problèmes de santé et un passé osbcur, qui pourtant fait bonne figure face à la malveillance des gens du coin. Des types attachants malgré tout. Le scénario est plutôt bien construit, l’enquête progresse, le suspense demeurt, la liste des suspects se décante alors que Juan et Pedro s’enfonce dans les entrailles sociales déséquilibrées des villageois qui n’ont pas réussi à s’extirper de la neurasthénie générale. Et enfin cette ambiguïté régnant en maître, ces doutes qui se sont infiltrés dans toutes les strates de leur existence. On reste sur notre faim lorsque le générique final investit l’écran, puis on se met à réfléchir, à plonger dans nos souvenirs et faire nos propres déductions. Définitivement un film à aller voir.
La Isla Minina d’Alberto Rodriguez, distribution : Le Pacte