(c) Instagram
Il y a quelques jours, je suis retombée sur une interview du groupe Allah-Las lors du festival We Love Green 2015. Ensemble, nous avons discuté de leur musique bien sûr, mais aussi du rapport qu’ils entretiennent avec les médias. Caché derrière ses lunettes de soleil, Matthew m’avait alors avoué : « Je suppose qu’on a le sentiment que moins on en dit, mieux c’est… on aime le mystère autour des musiciens. Je n’aimerais pas tout savoir des groupes que j’aime vraiment, connaître leur personnalité. Je pense que c’est mieux comme ça. » Ça m’a fait réfléchir. Moi qui cherche et savoure la moindre info sur les artistes que j’aime, est-ce que je fais fausse route ? Pour être bons, les artistes doivent-ils nécessairement vivre cachés ? La surexposition, qu’elle soit dans les médias ou sur les réseaux sociaux, nuit-elle à l’art ? Si j’ai toujours été passionnée par ces artistes un peu mystiques et secrets à la Jimmy Page, je trouve génial de pouvoir suivre, par exemple, 3 Minutes sur Mer en studio grâce à Internet.
C’est vrai, l’âge d’or du rock est bien loin. Il y a quelques décennies, une groupie pouvait espérer rejoindre une star du rock en backstage. Aujourd’hui les rêves à la Almost Famous (merci Cameron Crowe) sont loin. C’est d’ailleurs intéressant de remarquer que paradoxalement, nous ne nous sommes jamais sentis aussi proches de nos idoles sans les voir. Est-ce de de la curiosité mal placée ou est-ce sain de vouloir être au plus près des artistes qui passent leurs journées avec nous (du moins, dans nos oreilles) ?
L’artiste 2.0 démystifié ?
Le dernier exemple qui m’a frappée vient des Libertines. Le mythique groupe de Pete Doherty et Carl Barât est resté une référence en matière d’anticonformisme entouré d’une aura mystérieuse. Un peu étrange donc de les retrouver sur un compte Instagram certifié pour partager des clichés de concerts, d’accolades avec verre de cocktail à la main ou de leurs vacances à Ibiza (???). Et pourtant. Quand on y pense, Pete Doherty est probablement l’un des pionniers en matière de réseaux sociaux. Bien avant Facebook, l’artiste avait déjà compris qu’internet était un formidable moyen de communiquer avec ses fans. Sur le forum du site officiel des Libertines, Pete Doherty partageait des dates de concerts secrets ou… se plaignait de l’attitude de Carl Barât. Certains de ses posts sont d’ailleurs compilés dans ses « Books of Albion ». Soit l’équivalent de vos tweets où vous vous plaignez anonymement de vos collègues de travail (on vous voit).
(c) Instagram
Sans parler des plateformes de partage comme Youtube, sur laquelle la magique Flo Morrissey a été découverte à 15 ans, sous le pseudonyme 9Mary. Alors oui, se prendre en vidéo avec sa webcam, ça a peut-être moins de gueule qu’être repéré dans un bar par le label Rough Trade. Mais au final, doit-on vraiment être dédaigneux envers des technologies qui nous permettent de découvrir des artistes qui pourraient être nos préférés ?
Et le Community Manager dans tout ça ?
Bon, après il y a les artistes qui ont bien compris l’utilité des réseaux sociaux, mais ont franchement la flemme. Le 26 juillet, Christine and The Queens tweetait : « Un compte Twitter d’artiste tenu par un CM = une certaine idée de la tristesse moderne ». Dans une interview donnée à Rock & Folk en juillet 2015, Mac Demarco explique simplement : « Paul McCartney avait dit une fois en interview que plus on pouvait en montrer aux fans, mieux c’était. J’aime bien voir ce genre de trucs dans un disque… » Pour Salad Days, il glissait des photos de son studio dans la pochette de son album. A la fin de son nouvel album Another One, Mac Demarco donne même son adresse (la vraie. Dans le Queens) pour proposer à ses fans de passer prendre un café. Difficile d’être plus proche de son public…
La proximité avec le public, voilà l’une des plus grandes forces d’internet pour les artistes. Un retour direct, aussi lapidaire que jouissif, qui doit probablement décupler par cent la sensation de satisfaction, ou de déception, que peut produire la sortie d’un album. Et pour nous, ça nous change quoi qu’un artiste soit adepte du filtre Lo-fi ? Honnêtement, tout. Au final, quand vous rencontrez un artiste ou que vous lisez une interview : vous souhaitez connaître son parcours, ses inspirations, ce à quoi il pense, il rêve… C’est comme tomber amoureux ; c’est bien beau d’observer cette personne du coin de l’œil dans le métro tous les matins. Au bout d’un moment, la contempler ne suffit plus. Trop superficiel. On a besoin de mieux la connaître, mieux la comprendre.
En conclusion ! Mesdames, messieurs artistes : tweetez, facebookez, prenez des selfies. Faites-nous entrer dans votre univers. Du moment que vous ne faites pas de duckface.