"Saint Jacques, c'est celui qui, par la magie du sillon de poussière qui mène à sa vérité, rend les choses possibles."
Antoine Bertrandy a lui aussi cédé aux appels des sirènes et a quitté son confort franciilen pour affronter les aléas du chemin de Compostelle. Il décide de relier Compostelle depuis Saint-jean-Pied-de Port en empruntant le Camino real francés. Il ne sait pas très bien pourquoi il part, mais peu à peu, au fil de ses rencontres, un chemin intérieur se dessine en lui. Il s'agit d'opérer en marchant un travail "d'introspection et de clarté, démêler la vérité du mensonge, séparer ce qui est important de ce qui ne l'est pas et, en définitive, pour pouvoir avancer, trouver ma propre voie." p. 25
Le sous-titre met en avant les rencontres que l'auteur a pu faire durant sa route. Il met l'accent sur ceux que l'on recroise souvent, peut-être pas par hasard, ceux que l'on fuit, ceux qu'on aimerait connaître davantage. Tous ont en commun "une petite fêlure et une quête. " et apportent quelque chose, une présence, une lumière, un conseil :
"Tu sais, moi, chaque jour, je m'arrête une demi-heure ou une heure au bord du chemin, un peu à l'écart. Je m' assois par terre et je regarde l'Espagne belle tout autour de nous. Et alors je me dis : "The way is a gift." " p; 206
Ils aident aussi le pélerin à accomplir son propre chemin intérieur, en effet en se livrant, il pratique la maïeutique chers aux antiques et s'enrichit ainsi.
"-Si je comprends bien, tu marches vers Compostelle pour arrêter de regarder derrière toi en somme ?
-C'est ça. Je marche pour avancer. Pour me remettre en route. Au fond, c'est très simple." p. 112
Mais les pélerins ont aussi un caractère narcissique dont il est peu question dans les autres récits: "S'inventer un destin de pélerin, se comparer aux voyageurs déguenillés du Moyen Age, c'est être coupable de vanité, la vanité suprême de celui qui a la prétention de s'en être affranchi. Certains jours, rien n'a plus d'importance que nos ampoules aux pieds, le poids de notre sac à dos et le temps qu'il fait. Que nous importent l'histoire récente de l'Espagne et la destinée des Syriens, des Ukrainiens et de Centrafricains ? Nos pieds nous portent et nous ne désirons rien voir d'autre. Le "moi" objet égotiste, prend le dessus sur le "je", sujet de l'expérience intérieure. Ca n'est plus une libération de l'âme mais le triomphe exquis et conformiste de notre individualité. (...) A prétendre mener un chemin spirituel et prétendument désintéressé, nous risquons en permanence de tomber dans le fossé de l'obsession narcissique, de nous retrancher du monde, de devenir parfaitement acosmiques." p. 149
Prendre conscience de ses limites d'homme fait aussi partie du chemin. Le voyage ouvre sur d'autres réalités et met en avant l'importance du cheminement qui prévaut rapidement sur le but !
Un très beau récit qui allie cheminement intérieur et extérieur dans une harmonie parfaite !
Sur le même sujet : Immortelle randonnée de Jean-Christophe Rufin ; En avant, route ! de Alix de Saint André
Merci à Keisha pour le prêt !
Vers Compostelle, drôles de rencontres, Antoine Bertrandy, Transboréal, avril 2015, 11.90 euros