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L’étude « 100 influenceurs de 10 marques influentes » décryptée…sans bullshit

Publié le 06 août 2015 par Darkplanneur @darkplanneur

Alban Jarry a publié cet été, une étude qui a flatté nombre d'influenceurs, son titre " 100 influenceurs de 10 marques influentes ". Voici son interview, en mode " no bullshit "

Darkplanneur : " En quoi votre étude est-elle moins " bullshit " que les autres études sur l'influence ? "

Alban Jarry : " Dans la presse, et sur le web, pléthore d'articles parlent de l'influence et des influenceurs et de l'utilité pour les marques d'atteindre en priorité ces " cibles ". L'influence est un concept délicat à appréhender. Il est souvent compliqué d'imaginer qui peuvent être ces fameux " influenceurs ". L'idée de cette étude était donc de montrer quelles étaient les personnes pouvant entrer dans cette catégorie mais surtout de montrer qu'il existe des points de relais d'informations qui peuvent être efficaces pour des marques en​ dehors des secteurs de​ la mode et du sport (ou quelques autres secteurs très particuliers où l'influence est plus visible).

Depuis 2 ans, je publie régulièrement des études et des classements en utilisant différentes méthodes afin de les tester et de mesurer leurs impacts : sondages, classements en fonction d'un critère (comme le nombre de followers), étude sur une thématique, ... Quand j'ai rencontré Nicolas Chabot, il m'a proposé d'utiliser Traackr et laissé une grande liberté pour publier des extraits de classements calculés par la plateforme. Ce qui m'intéresse avec cette approche, c'est de compléter les différents angles de vision que je peux avoir de cette problématique et d'identifier des influenceurs par thématiques. L'idée aussi était d'éviter de créer des classements " concurrents " de ceux que j'avais déjà publié (essentiellement dans le secteur de la banque finance assurance) avec des méthodologies différentes. J'ai donc choisi de nouvelles thématiques : l'emploi et le chômage, la Bretagne, l'investissement socialement responsable puis les influenceurs de marques. Vu les retours positifs de ces publications, je pense que d'autres suivront.

Ces études servent aussi à enrichir les conférences et interventions que je donne le soir à destination de dirigeants ou futurs dirigeants en écoles de commerce ou pour des associations. Elles me permettent de disposer de cas pratiques et de réfléchir aux différentes utilisations que les dirigeants ou les marques peuvent faire du web social.

Les ​3 approches ​qui ​m'intéressent​ dans ce cadre sont:

  • l'impact du personal branding et l'analyse de la répercussion d'une communication conjointe entre la marque du dirigeant et la marque de entreprise ;
  • l'analyse du positionnement des salariés (ou des ambassadeurs d'entreprise) sur le web social et les éventuelles possibilités de relais de messages pour leurs entreprises. Aujourd'hui le ranking de LinkedIn permet d'ailleurs d'avoir en quasi temps réel l'analyse du positionnement des salariés d'une entreprise ;
  • l'identification des influenceurs externes à l'entreprise qu'ils soient directs (en 1er niveau) ou indirects car pouvant toucher via leurs lectorat les cibles de prospects ou de clientèle.

Pour en revenir sur l'éventuel aspect " bullshit " ou non de ce classement par rapport à d'autres, je crois que tous ont leurs angle d'approche. Ce qui importe, c'est d'avoir sa méthode et de ne pas y déroger. Chaque lecteur pourra y trouver ou non des réponses à ses questions. Pour bâtir ces classements, j'ai plutôt tendance à utiliser des moteurs comme Followerwonk ou Traackr et donc de ne pas choisir moi-même les noms figurant dans les résultats.

Il existe d'autres classements selon des formules différentes ce qui démontre qu'il n'y a pas de méthode universelle, en voici 3 exemples :

D : " Votre étude n'est-elle pas un excellent moyen d'utiliser la cupidité des influents, toujours alerte à valoriser leur marque personnelle "

AJ: " Actuellement, à part dans certains secteurs, peu d'influenceurs sont présents sur les réseaux sociaux dans le but d'en tirer un avantage en termes de rémunération. Nous ne sommes pas dans une société complètement américanisée même si nous nous en rapprochons. Depuis la publication de l'étude sur les influenceurs de marque, je n'ai pas constaté d'évolution radicale du comportement des personnes qui étaient dans ces classements et qui auraient pu chercher à tirer profit de cette exposition. Les 10 marques citées ont été assez peu interactives avec eux ou avec le classement. Paradoxalement, ce sont d'autres marques, citées par les twittos, qui auraient aimé être présentes dans ces classements.

A l'inverse, aucune marque n'a non plus tenté de tirer profit de ces relais ni de leurs réseaux. Elles n'ont pas, pour le moment, cherché à utiliser cette porte d'entrée vers des clients ou des prospects. C'est assez étonnant car en lisant de nombreux articles sur la recherche du graal des influenceurs, il serait aisé de penser qu'en utilisant leur éventuelle " cupidité à valoriser leur marque personnelle " il se produirait forcément une interaction beaucoup plus grande, or il n'en est rien. Je pense que nous sommes encore très loin d'une valorisation conjointe des marques entreprise et personnelle.

La diversité des influenceurs cités est intéressante à étudier et montre qu'il n'y a pas de profil type. Finalement, tout le monde peut entrer dans cette catégorie. Dans ces classements figurent :

  • Des salariés qui sont des ambassadeurs d'entreprise pour qui il est compliqué de valoriser une marque personnelle car les contrats d'images n'existent quasiment pas (en dehors de certains secteurs très précis) ;
  • Des journalistes qui sont aussi d'important relais d'influence dans la vie réelle et qui ne verront pas leur situation radicalement changer en fonction de leur e-influence ;
  • Des blogueurs qui n'exploitent que très peu leur image de marque alors que ce sont souvent des relais très efficaces vers des catégories sociaux professionnelles, lectrices de leurs écrits, compliquées à atteindre pour des marques ;
  • Des conseils, ou prestataires de services, sur la valorisation des marques sur les réseaux sociaux et qui seraient certainement ceux qui pourraient le plus facilement valoriser leur présence dans ces classements.

Le grand étonnement vient du peu de personnes issues du monde de la communication ou du marketing. C'est un constat que j'ai également fait sur les autres classements publiés depuis 2 ans. Dès que des experts, dans un secteur, publient sur le web social, très rapidement ils deviennent plus influents que des professionnels de la communication ou du marketing. Le classement publié par Laures Kepes pour Digital Insurance sur les principaux influenceurs du secteur de l'assurance en est une autre illustration ( http://www.digital-insurance.me/top-20-des-influenceurs-de-lassurance-sur-le-web-social/). Dans les 20 personnes citées, seules 2 personnes travaillent dans les services de communication. "

" D : Quelle a été votre méthodologie ? "

AJ: " Le point de départ a été de partir d'une liste publiée par LinkedIn sur les 10 marques les plus influentes de son réseau en France. L'idée étant de trouver pour chaque marque quels pouvaient être leurs principaux influenceurs et donc quels pouvaient être des principaux importants de ces 10 marques sur le web social. Afin de réaliser cette étude, j'ai utilisé Traackr qui se définit comme un outil d'aide à la décision à destination des professionnels de la communication. Sa méthodologie est basée sur 3 scores qui mesurent l'impact de chaque influenceur sur une thématique donnée. Ensuite, il a fallu vérifier dans Traackr que la volumétrie d'interaction avec ces marques était suffisante, ce qui a abouti à en éliminer 3 dont les volumes étaient trop faibles et les résultats peu pertinents. J'ai remplacé ces 3 marques par celles de 3 des principaux réseaux sociaux (Facebook, LinkedIn, et Twitter). Le critère suivant a été de filtrer les résultats géographiquement (sur la France) puis de vérifier les fiches de chaque personne afin de contrôler l'exactitude des informations et de supprimer celles qui n'avaient pas d'intérêt. Les résultats obtenus étaient à chaque fois cohérents et comme les précédents classements que j'avais fait avec Traackr avaient eu plutôt un bon accueil je n'ai pas modifié la méthode.

Ensuite, pour la publication de l'étude, j'ai utilisé la même technique que pour mes publications habituelles :

  • pré annonce de la date et de l'heure de publication,
  • support sur SlideShare,
  • publication d'un communiqué de presse,
  • diffusion sur les réseaux sociaux

Dès la première heure de mise en ligne, j'ai constaté que l'accueil était favorable. Puis, en 24 heures, l'étude a été vue plus de 2 200 fois. Dans les jours suivants, j'ai découpé l'étude par marque citée pour publier les résultats de chacune d'elles individuellement.

Dans ces classements, lorsque j'utilise un outil, il me parait primordial de prendre les résultats tels quels. Ensuite, à chaque rafraichissement (pour les TOP20, la 5eme édition va être publiée), je conserve la même méthode sauf quand je m'aperçois de biais ou que j'ai des remontées d'anomalies. Par exemple, pour les TOP20 de la banque finance assurance, j'ai enlevé les comptes peu actifs en utilisant l'indicateur " social authority " de followerwonk alors que jusqu'à présent je publiais un résultat brut des comptes ayant le plus de followers dans ce secteur. Cette évolution permet de supprimer des comptes qui avaient gagné un nombre de followers important il y a quelques années mais depuis ne sont quasiment plus présents ou ont peu d'impact lors de leurs publications. "

D: Quelles sont les enseignements pour les marques et les influents ?

AJ: " Au-delà des noms qui apparaissent dans le résultat, je crois que chaque marque peut en tirer une valeur ajoutée qui lui est propre. Les 10 classements laissent apparaitre des résultats divergents en termes de population :

  • Pour L'Oréal, les résultats font apparaitre surtout des blogueuses et le résultat se rapproche le plus des influenceurs habituels ;
  • Pour Axa et Orange, ce sont surtout des salariés qui apparaissent, il manque probablement des clients dans les 10 ;
  • Pour les 3 réseaux sociaux (Linkedin, Facebook et Twitter), ce sont des personnes qui sont plutôt actives sur ces réseaux et qui partagent sur leur utilisation ;
  • Pour les autres, il y a beaucoup de journalistes spécialisés ou dans le cas de Renault quelques clients.

Selon les marques et leur positionnement de vente B to B ou B to C, le regard sur ces influenceurs ne sera pas le même.

Comme l'a souligné Violaine Champetier de Ribes dans un article commentant les résultats de l'étude ( http://lemeunierquidort.com/influenceurs-ou-sont-les-femmes/), la grande surprise vient du faible pourcentage de femmes présentes dans les résultats. Je ne l'explique pas et je trouve cela surprenant car sur les réseaux sociaux de nombreuses femmes sont actives et influentes sur toutes les thématiques.

Au-delà de ces résultats, les marques devraient regarder plus attentivement comment par le biais d'internautes, elles peuvent atteindre des cibles de prospects et de clients différents. Comment elles peuvent interagir avec ce public qu'elles découvrent et que pour le moment elles sous-utilisent. Il me semble aussi intéressant d'analyser quelles sont les méthodes utilisées dans la publicité traditionnelle et de voir comment le web social permet une approche différente et complémentaire. Par exemple, récemment, lors d'un salon avec un public de financiers, une marque anglaise de voitures haut de gamme figurait parmi les sponsors de la manifestation. Elle ressortait immédiatement des autres sponsors car il était inhabituel de la voir dans ce type de manifestation. Si une marque doit atteindre un public particulier (par exemple dans le cas ci-dessus des CSP+), elle a tout intérêt à comprendre quel est le lectorat éventuel des blogs ou des sites qui peuvent lui permettre d'atteindre ce public, c'est exactement le même phénomène.

Pour les influenceurs, il ne faut jamais oublier qu'il n'y a pas d'influenceur universel, sauf peut-être Barack Obama, et que l'influence est souvent comme un soufflet au fromage, elle peut retomber très vite. L'avantage des réseaux sociaux est qu'ils donnent une chance à n'importe qui de pouvoir sortir du lot rapidement, tout le monde est à égalité au départ et il n'est pas nécessaire d'être un spécialiste de la communication ou du marketing pour émerger. Souvent, une idée originale suffit. Le cas récent d'Emmanuelle Leneuf avec son FlashTweet est à souligner et devient un cas d'école. Il montre qu'il ne faut pas hésiter à être disruptif.

Aujourd'hui, que ce soit pour les marques ou les influenceurs, tous sont en train de découvrir un nouveau continent mis à disposition par les américains. Il ne faut pas hésiter à oser, le droit à l'erreur est possible et ce n'est que progressivement que nous découvrirons les limites de ce nouvel univers. Chacun va devoir apprendre à maîtriser ces réseaux où il devient indispensable d'être présent dans le monde professionnel moderne et comme le disait Pierre-Philippe Cormeraie dans son portrait : " Le digital, ça ne s'apprend pas dans des slides, ni dans des comités, c'est comme un sport, ça se pratique ". "

D : " Votre liste sur LVMH est étrange, peu de véritables influenceurs luxe, pas de blogueuse, j'ai du mal à la comprendre, n'y a t'il pas un problème sur la liste des influents sélectionnés ? "

AJ:" Le décalage vient probablement du thème de la recherche, si j'avais fait une requête sur la marque " Louis Vuitton " les résultats auraient été fondamentalement différents et auraient mis en avant des influenceurs du luxe traditionnels. Mais comme c'est la marque LVMH qui ressortait de la publication de LinkedIn, je l'ai conservée sans déformer le résultat par d'autres marques de son groupe.

Le résultat est donc conforme à une communication corporate et la présence d'un journaliste comme Antoine Larigauderie n'est pas étonnante car il parle régulièrement du cours de bourse de LVMH. D'ailleurs plusieurs autres marques font ressortir des influenceurs issus du milieu de la bourse.

Ce résultat montre bien que selon l'angle de vue et les mots clés pris au départ les résultats peuvent être fondamentalement différents et qu'il faut être attentif à la méthode utilisée.

Le fait que la marque LVMH ressorte sur LinkedIn, plutôt que Louis Vuitton, montre son attrait en termes de visibilité corporate et de recrutement. Il ne faut pas oublier que LinkedIn est un réseau avant tout professionnel et que les marques du secteur du luxe attirent les talents. "

L’étude « 100 influenceurs de 10 marques influentes » décryptée…sans bullshit

Directeur Planning Stratégique Directeur de la chaire luxe chez Moda Domani Intitute Co-auteur de la Génération Y et le Luxe (2014, Dunod) et Buzz Marketing (2002, Eyrolles) Curateur des Rencontres du Luxe de M Publicité


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