#Israël #Palestine #Gaypride
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Dominique Moïsi (*)Point de vue du mardi 4 août 2015.
Un enfant palestinien de 18 mois brûlé vif dans l’incendie de la maison de ses parents en Cisjordanie. Une adolescente de 18 ans poignardée à mort lors de la Gay pride de Jérusalem. En l’espace de quelques heures, l’État d’Israël s’est trouvé confronté à un terrorisme d’inspiration politique dans le premier cas, d’inspiration religieuse dans le second.Ces distinctions entre les sources de ces deux terrorismes sont certes légitimes. Elle ne saurait masquer l’essentiel : la montée d’un climat de haine et d’intolérance, au sein d’un État qui devient de plus en plus son pire ennemi. Depuis trois jours, la société israélienne se livre à un douloureux exercice d’auto-analyse, sur le thème, « comment en sommes-nous arrivés là » ? Comment le Peuple du livre, comment les descendants des survivants de la Shoah ont-ils pu laisser se développer en leur sein, l’enseignement de la haine ?La réponse est hélas d’une aveuglante clarté. Elle tient en deux évolutions dont la réalité est tragiquement liée. La première, à l’œuvre en Cisjordanie, est la « politique d’occupation », la seconde est la montée de l’intolérance religieuse au sein de petites minorités qui n’hésitent plus à recourir à la violence, pour défendre leur vision du monde.La classe politique israélienne s’est retrouvée unanime derrière une condamnation d’actes qualifiés de «terroristes ». Des milliers d’Israéliens ont manifesté dans les rues de Jérusalem et de Tel-Aviv pour dénoncer des « actes intolérables ». Mais comment le Premier ministre israélien peut-il à la fois dépendre des partis de la droite la plus extrême et réprimer avec efficacité et fermeté des actes qui sont – au moins indirectement – encouragés au sein même de son gouvernement par certains de ses ministres ?
La responsabilité du gouvernement
De même qu’aux États-Unis la libre circulation des armes constitue un poison mortel pour la société américaine, en Israël, la poursuite et l’extension de la politique d’occupation représentent un piège, l’équivalent d’une bombe à retardement qui menace les fondements mêmes de l’État et de la société. Aux États-Unis, depuis le 11-Septembre 2001, 74 personnes sont décédées, victimes d’attentats terroristes. Pendant la même période, 150 000 personnes ont été tuées par des armes à feu. Mais les Américains semblent être fatalistes. Qu’y pouvons-nous vraiment ?De la même manière, le premier péril qui menace Israël à terme – dans son existence en tant qu’État juif démocratique – ce n’est ni l’Iran ni Daech, mais une politique d’occupation qui sape les fondements mêmes, politiques et éthiques de l’État. Israël craint, à juste titre, la campagne qui vise à saper les bases de sa légitimité. Mais, aujourd’hui, personne ne contribue davantage à l’isolement d’Israël que son propre gouvernement.De la tolérance coupable à l’égard de colons qui ont la religion de la terre, à une prise de risque mal maîtrisée dans la politique intérieure américaine, Benyamin Nétanyahou peut se retrouver perdant sur deux tableaux, et l’État d’Israël avec lui. Les sondages les plus récents montrent, aujourd’hui, qu’une majorité significative de la communauté juive américaine soutient l’accord sur le nucléaire qui vient d’être conclu avec l’Iran.On aimerait penser que la tragédie qui vient de se produire en Cisjordanie, va réveiller les consciences, qu’il y aura un avant et un après, mais tout comme pour la loi sur les armes aux États-Unis, c’est fort peu probable.
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(*) Politologue, conseiller spécial de l’Institut français de relations internationales.http://www.ouest-france.fr/editorial-israel-et-le-piege-de-loccupation-3601735