Martin Rueff vient de recevoir le prix Yvan Goll (qui lui sera remis au Marché de la poésie) pour Icare crie dans un ciel de craie
J’attends.
Dans ma vie,
J’attends
J’attends des gens qui ne viennent pas
Et des gens qui ne viennent plus.
Je suis du genre patient ;
Je ne cherche pas de diversion :
J’attends.
Pas le genre à regarder mes mains qui vieillissent
Ou le ciel sans âge
Pas le genre à regarder les passants non plus
Ou à espérer les animaux du soir ;
J’attends
Au pied d’un mur,
Je me récite les vieux airs oubliés ;
Contre un poteau
Je me repasse les visages d’avant ;
Face à la nuit qui monte
J’attends debout.
Personne ne peut me joindre,
Et à force d’attendre
J’en oublie qui j’attendais,
Mais, fidèle, je continue.
Dans le vide de l’attente,
J’attends ;
J’attends des gens qui ne viendront pas.
Mais moi qui vous attendais
Qui m’attendra si vous ne venez pas ?•
Ils demandent
dans quelle langue nous parlons –
si je parle ta langue
ou si tu parles la mienne.
Nous en parlons mille autres
joyeuses comme le feu des oiseaux
ou lourdes comme le berceau des cendres
– souvent tendres comme l’amande enfantine. –
Notre grammaire est sombre
mais les exercices ne manquent pas.
Nous pratiquons la syntaxe nocturne :
les mains contre la nuit
nos bouches contre le temps
nous plongeons dans l’eau froide
qui nous partage
et qui brûle nos tempes.
Nous remontons
chargés d’ombre profonde
et soigneusement
nous la reversons
– sur la rive des phrases.
Martin Rueff, Comme si quelque, Livre de poésie, Comp’Act, 2006, pp. 193 et 75
Bio-bibliographie de Martin Rueff
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