C’est une exposition rétrospective de grande qualité qui est visible actuellement à l’espace Encan de La Rochelle. Plus de soixante dix œuvres de Jan Voss occupent la totalité du lieu. On sait que cet artiste s’est retrouvé assimilé au courant de la Figuration narrative, ce qui à la fois montre combien la référence historique aux premières expositions de la Figuration narrative pour authentifier l’appartenance de leurs membres à ce courant est sujette à caution et comment Jan Voss, pour sa part, ne s’est guère embarrassé longtemps de cette coexistence. Certes les premiers travaux de 1961, assimilables au graffiti, permettent de leur reconnaître une forme de narration mais à côté des Erro, Monory, Rancillac, Klasen, Fromanger notamment, Jan Voss se situait déjà dans un univers parallèle.
Donc il faut vite oublier cette référence à la Figuration narrative pour apprécier le chemin singulier de cet artiste venu d’Allemagne qui, comme il l’explique dans la vidéo présentée dans l’exposition, devait dans le même temps apprendre son langage plastique et son langage tout court
Entre figuration et abstraction
Quand il arrive en France en 1960, le débat entre abstraction et figuration est tendu. Des peintres de la Figuration narrative à ceux de Supports-Surfaces, avec en outre les engagements politiques de la Jeune Peinture, le débat se nourrit de toutes les propositions nouvelles et peut-être contradictoires de cette génération d’artistes qui commence à prendre le pouvoir sur l’Ecole de Paris.
Assez vite, le travail du peintre va trouver une voie nouvelle constituée en un assemblage de formes, de signes qui, une fois mis en place dans un tableau, situera l’œuvre dans un espace qui n’est ni figuratif ni abstrait. Les formes décomposées, disloquées peuvent, en effet, difficilement être associées à une figuration lisible. Mais dans le même temps, la présence ci et là d’éléments reconnaissables (un morceau d’échelle, un fragment d’objet, des végétaux) interdit de désigner le tableau comme abstrait. C’est l’originalité et la force de Jan Voss d’avoir maintenu sa ligne créatrice dans cet espace non nommé. Cette « oscillation pendulaire » écrit Anne Tronche marque durablement le travail de Jan Voss.
Entre peinture et sculpture
L’autre intérêt de cette rétrospective, qui balaie de 1961 à nos jours, se trouve, me semble-t-il, dans la vision d’un travail qui bascule du plan du tableau à la sculpture en passant par nombre d’œuvres qui, se libérant du plan font surgir les éléments du langage de Jan Voss dans une troisième dimension. Plus seulement tableau, pas vraiment sculpture, l’artiste trouve là encore le moyen de brouiller les pistes, de situer son travail non seulement entre figuration et abstraction mais aussi entre peinture et sculpture. Ce jeu permanent sur une frontière reste une constante dans son itinéraire. Ce qui est devenu une stratégie continue s’enrichit d’un jeu permanent avec les couleurs, vives, éclatantes. Parfois le tableau-relief devient le lieu d’un monochrome dans lequel s’enchevêtrent formes, signes, objets. Parfois la palette de couleurs explose dans la totalité du tableau, accentuant l’effet d’éclatement des formes et des reliefs.
Et si le titre « Toutes voiles dehors » adresse à l’évidence un clin d’œil à la ville maritime qui l’accueille, l’exposition témoigne de toutes les ouvertures que le travail de Jan Voss expérimente entre peinture, sculpture, céramiques, dessins….
Jan Voss « Toutes voiles dehors »
Du 3 juillet au 23 août 2015
Espace Encan
La Rochelle