Je vais vous livrer un peu de moi dans ce billet ; sans doute un des effets détonants que lire « Et devant moi le monde » de Joyce Meynard, l’autobiographie d’une femme dont la vie même est un roman.
Nul ne me connaît mieux que ma mère, pour ce qui est de mon fort intérieur, celui que nous avons cultivé ensemble lorsque j’étais petite fille. Nous avons cette particularité elle et moi que les livres qui nous bouleversent circulent de ses mains aux miennes et vice versa : «Lis ça, dit-elle en me tendant quelques livres, tu me diras ce que tu en penses ».
J’ai à la maison une pile de livres que ma mère à déposée au fil de ses passages.
Je ne lis pas autant que je le souhaiterais, mais jamais je ne peux imaginer vivre sans un livre inachevé qui m’attend sur le bord de ma table de nuit.
Parfois, c’est un déchirement pour moi de savoir que dans quelques pages seulement, un livre qui me transporte va se finir. Je voudrais qu’il ne s’arrête jamais et j’en viens même à en vouloir sévèrement à l’auteur, de me laisser là, en manque de suite à son histoire. Il m’arrive de laisser passer des journées pour prolonger le plaisir d’un bon roman… Une façon de choisir la fin de l’histoire et quand celle-ci interviendra.
C’est un peu le sentiment qui m’a transportée tout au long de la lecture du livre de Joyce Meynard, celle que la jeunesse et l’audace ont transporté sur le devant de la scène médiatique et sur le devant de sa propre scène ce vie.
J’y ai trouvé, au delà d’une histoire de vie passionnante, reliée à celui qui fut longtemps au firmament des écrivains qui m’ont boulversés, JD. Salinger, auteur de L’Attrape-Cœur, livre que j’offre à mes amies les plus intimes, un esprit féministe bouleversant.
Une vision féministe de la vie qui, même si Joyce Meynard ne le revendique pas, est bien plus que présente dans son témoignage de femme qui se débat dans un monde qu’elle veut apprivoiser avec ses propres armes : l’écriture avant tout et aussi l’indépendance acquise au fil des expériences, les enfants, les amours.
Toutes les jeunes femmes qui atteignent l’âge de la maturité et celles qui n’ont pas pu le faire à ce moment là, devraient lire ce récit de celle qui en 1972, étudiante âgée seulement de 18 ans, voit son témoignage sur sa génération publiée dans le New York Times. Un succès qu’elle a certes provoqué et qui lui vaut surtout d’être repérée par l’auteur énigmatique de l’Attrape-Cœur, JD. Salinger, avec lequel elle vivra une relation aussi brève que destructrice.
Devenue écrivaine, elle revient sur son enfance pleine de non-dits, sur cette relation avec JD. Salinger et sur sa vie de femme puis de mère.
Plus de quarante ans durant, elle explique page après page comment elle a vécu avec le besoin constant de plaire aux autres. Libérée de cette peur qui a guidé son parcours et qu’elle a du, pas à pas apprendre à exorciser, elle se met à nu, dans ce récit poignant de femme plus forte qu’elle ne se l’avoue et qui témoigne en faveur de l’indépendance des femmes de sa génération.
Face aux critiques qu’elle a reçu suite à la parution de son livre qui donne une image controversée de JD.Salinger, elle écrit en postface :
« J’espère qu’une intellectuelle féministe étudiera un jour pourquoi, lorsqu’une femme raconte son histoire, elle est si fréquemment tournée en ridicule et jugée comme égocentrique et fondamentalement dénuée d’importance. (Si souvent nos textes traitent de thèmes tels que les relations, le corps, la formation de l’identité sexuelle, donner naissance, fonder un foyer, la mort de ceux qui nous sont chers, l’échec d’un mariage ou l’éducation des enfants.). L’hostilité envers les femmes qui demeure enracinée dans notre culture se mesure à la manière dont une femme écrivain racontant les luttes qui se trouvent au cœur de la vie des femmes se voit si souvent reprocher de donner dans l’affectif, la complaisance et le trivial. Il n’est pas nécessaire d’aller chercher très loin des exemples d’hommes écrivains qui se sont exprimés librement sur leur expérience personnelle sans renoncer en rien à l’égocentrisme et dont on salue le courage et la sincérité fulgurante ».
Sur ces quelques lignes, il ne me reste qu’à vous souhaiter une bonne lecture et un bel été !