[Critique] LE PETIT PRINCE

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : The Little Prince

Note:
Origine : France
Réalisateur : Mark Osborne
Distribution voix : en V.O. : Jeff Bridges, Rachel McAdams, James Franco, Benicio del Toro, Mackenzie Foy…/ En V.F. : André Dussollier, Florence Foresti, Vincent Cassel, Marion Cotillard, Guillaume Gallienne, Laurent Lafitte, Vincent Lindon, Clara Poincaré…
Genre : Animation/Adaptation
Date de sortie : 29 juillet 2015

Le Pitch :
Une petite fille aménage avec sa mère dans un nouveau quartier et fait la connaissance de son voisin, un vieil aviateur, quelque peu atypique. Ils vont créer un lien d’amitié par le biais d’une histoire extraordinaire, et chacun va grandir à travers elle. Une histoire qui va les mèner directement sur les pas du Petit Prince …

La Critique :
Quand Mark Osborne adapte le célèbre et mythique livre de Saint-Exupéry, il en emprunte évidemment l’imagerie, ainsi que la poésie, mais il en sublime également le message. Le Petit Prince version 2015 est un véritable enchantement qui alterne et superpose plusieurs récits pour ne finalement mener qu’à une seule et même idée : grandissez si vous voulez, mais surtout ne perdez pas votre âme d’enfant ! Rythme maîtrisé et techniques audacieuses offrent ici un spectacle que l’on voit malheureusement peu souvent dans le flot des films d’animation qui sortent chaque année sur grand écran. Les images de synthèse, typiques des studios modernes, sont ici combinées à la technique de plus en plus « démocratisée » du stop motion. Quoi de plus poétique que de voir de petits personnages de papier s’animer sur la pellicule ? Une histoire au cœur d’une autre histoire, deux narrations différentes, deux techniques distinctes et un seul et même but. Le résultat est grandiose et le pari réussi.

Le Petit Prince délivre une charge émotionnelle considérable par le biais d’une réécriture cinématographique absolument magnifique. Le scénario intelligent et riche aborde la thématique si touchante des relations intergénérationnelles qui nous renvoie affectueusement à Là-Haut, l’un des chefs-d’œuvre signé Pixar. Une petite perle qui nous raconte l’histoire d’un vieil homme aigri se prenant d’affection pour un jeune garçon esseulé tout comme lui. Le Petit Prince, lui, nous amène sur les pas d’une petite fille qui ne demande qu’à avoir un ami, et qu’elle finira par trouver en la personne d’un vieil aviateur (en référence à Saint-Exupéry) qui veut simplement raconter son histoire à qui voudra bien l’entendre. Les deux personnages voyagent d’univers différents en planètes étranges, au gré d’un récit envolé et inspiré, qui les fera grandir et les liera d’une profonde tendresse. Ils n’ont d’ailleurs pas de prénom, comme tous les personnages du film, et cela n’est jamais gênant, sans doute pour préserver la question d’universalité.

Tous deux vivent dans deux mondes bien différents mais parviennent à créer un lien de communication grâce à la force de l’imaginaire. Le monde fermé, contrôlé et aseptisé dans lequel évolue la petite fille fait face à l’univers rempli de couleurs, gai et débordant de féerie dans lequel s’est reclus le vieil aviateur. Un espèce de cocon fait de rêverie et de nature, comme pour se protéger d’un monde austère et agressif. Cette couleur vient percuter une société grisâtre, et les teintes finiront par se mélanger. L’image est « classique » mais la richesse du propos global fait émerger une réelle critique de la société du « tout s’achète », où tout devrait être rentabilisé, organisé et rangé, et où tout devrait avoir nécessairement un prix, à commencer par les étoiles … Un prix et une fonction utilitaire sur tout et toute chose ainsi qu’une rigueur qui empêchent inévitablement le processus de création et qui annihile toute magie possible. Ainsi le vieil aviateur est perçu comme un fou ou encore un excentrique, car diamétralement opposé à une vision unilatéral du monde.

Cette opposition de deux visions laisse place à des moments de pure poésie, où des images sublimes viennent ancrer ce long métrage d’animation dans une dimension universelle, mais aussi unique. En témoigne cette envolée d’étoiles époustouflante, imageant une puissante ode à la liberté de la plus belle façon qui soit. De nombreux passages d’une grande beauté viennent s’englober dans cette réalisation de qualité au rendu global hautement soigné.

Finalement ce qu’il y a de plus important dans Le Petit Prince, c’est l’émotion sincère qu’il procure. On la recherche souvent cette émotion, que ce soit dans l’animation ou les films en général, elle qui est souvent mise de côté au profit de l’image et de son esthétique. Ici, nous avons un combiné de beauté narrative et visuelle, qui mérite d’être souligné. Les dialogues, les thématiques et les images forment un tout unique qui travaille en symbiose, au rythme des merveilleuses sonorités signées Hans Zimmer.

Le Petit Prince est un hommage au désordre et à l’esprit créatif en opposition au culte de la perfection et à la rectitude. Nous avons là un film généreux qui fait du bien ! Une production française de Dimitri Rassam menée par un Mark Osborne, qui après après Kung-Fu Panda, passe ici à la vitesse supérieure, pour notre plus grand plaisir.

L’esprit du livre est respecté, son propos est magnifié, et la poésie ne s’absente jamais. En réalité ce qu’aborde le livre en substance, le film l’approfondi en lui donnant une dimension nouvelle, que l’on peut également voir comme un bel hommage à Saint-Exupéry.

Quand on sait qu’après La Bible, Le Petit Prince est l’ouvrage le plus traduit et vendu au monde, on se dit que 9 ans de production cinématographique pour obtenir ce résultat, ça valait le coup !

@ Audrey Cartier

Crédits photos : Paramount Pictures France