Il existe un verbe que je déteste : casser. Il est banni du Fablab du collège Albert Samain de Roubaix et de l’ensemble de mes ateliers. Il me semble symptomatique d’une vision du monde, d’un modèle de société, la bête société de consommation qui malheureusement prévaut encore. Inutile de dire que quand un enfant emploie ce terme c’est l’occasion d’entamer une petite discussion. J’explique, je donne des exemples. On parle recyclage, on met en valeur les activités que nous avons déjà faites avec du matériel de récupération, on réfléchit tous ensemble à ce que nous allons bien pouvoir faire avec le matériel dont nous disposons. Bref, j’essaye de faire un peu d’éducation. Parfois cela marche, parfois cela m’attriste car, après ce petit intermède, j’entends de nouveau le terme « casser » repris à coeur joie. Mais bien souvent cela fait réfléchir et les enfants sont fiers non plus de casser mais de démonter pour réparer ou explorer.
A l’inverse, il est un verbe que j’affectionne et qui me fait toujours sourire : inventer. Les enfants ne créent pas, ils inventent. Adultes, nous perdons un peu de magie et ne faisons que « créer ». Nous n’imaginons pas que nous pourrions inventer. Notre cerveau est encombré de tant de choses vues et revues, de technologies qui nous sont familières, de concepts qui nous semblent déjà avoir été visités des centaines de fois. Et puis il y a cette modestie intrinsèque : nous n’inventons pas car il y a sûrement quelqu’un qui l’a déjà fait avant nous. Nous ne nous imaginons pas découvreurs, pensant n’établir que des réminiscences. Chez les enfants, tout est neuf et ils inventent. C’est plaisir que de voir une petite fille vous appeler pour dire : « regarde, on a inventé… » Je vois alors une spirale qui change de couleur, bouge dans tous les sens à l’écran. Mais c’est loin d’être fini car il me dit « attends, je vais ajouter… » et elle continue à inventer. Instant magique…
Faisons comme eux, faisons table rase et inventons !
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