L'AFP a bien voulu m'interroger sur la portée des dispositions de la loi relative à la transition énergétique, consacrées au délit de l'obsolescence programmée des produits. La dépêche peut être consultée ici et ci-dessous.
La sanction de l'"obsolescence programmée", un signal aux industrielsAFP - 28 Juil 2015L'"obsolescence programmée", visant à réduire la durée de vie d'un produit, est désormais sanctionnée par la loi en France, manière de lancer un avertissement aux industriels même si ce type de délit sera difficile à caractériser devant un juge.
"Ensemble des techniques" permettant à un "metteur sur le marché" d'écourter "délibérément la durée de vie d'un produit pour en augmenter le taux de remplacement", l'obsolescence programmée est punie de deux ans d'emprisonnement et 300.000 euros d'amende, stipule l'article 99 de la loi sur la transition énergétique votée le 22 juillet.
Cette disposition, présentée pendant le débat au Parlement comme une première en Europe, prévoit même que "le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 5% du chiffre d'affaires moyen annuel".
Le but premier n'est pas de lancer de lourdes enquêtes de police, mais de faire mesurer les risques encourus aux protagonistes, explique le député (EELV) François-Michel Lambert.
"Un peu comme pour l'abus de bien social en comptabilité", explique-t-il: "désormais, le manager et l'ingénieur à qui il demande une solution pour provoquer la panne, savent qu'ils risquent gros".
Initiative de parlementaires écologistes, ce dispositif, qui vise à la fois à protéger l'environnement et à défendre le pouvoir d'achat des ménages, sera inscrit au code de la consommation une fois la loi promulguée.
L'obsolescence accélérée, notamment dans l'électroménager et la high tech, peut avoir différentes origines: fragilités, absence de pièces détachées, incompatibilité avec des équipements nouveaux, renouvellement des systèmes... Les organisations de défense de l'environnement pointent régulièrement du doigt l'impact massif sur les ressources et des déchets toujours plus envahissants. Parmi les exemples célèbres, les chargeurs de téléphone portable qui changent au gré des nouveaux modèles.
Pour France Nature Environnement (FNE), la loi française est "un signal politique fort envoyé aux fabricants, aux distributeurs et aux citoyens".
"Les ONG et les associations de consommateurs pourront aussi s'en servir pour interpeller les acteurs économiques, pousser à plus d'éco-conception des produits", ajoute Agnès Banaszuk, chargée du dossier déchets chez FNE, qui y met cependant un bémol de taille: la difficulté à plaider la cause au tribunal.
- informer le consommateur -
Le plaignant devra à la fois montrer que la durée de vie est raccourcie (et donc, quelle aurait dû être la durée théorique), qu'il y a eu pour cela une "technique" mise en oeuvre, et enfin et surtout une intention délibérée, énumère l'avocat Arnaud Gossement, spécialiste du droit de l'environnement. L'usage par le consommateur et la gamme de l'appareil entreront aussi en ligne de compte.
"Apporter ces preuves ne va pas être évident", relève le juriste, tout en soulignant "la vocation pédagogique du texte, avant d'être judiciaire: c'est un signal envoyé au marché".
"La volonté du législateur est d'avancer pour une durabilité des produits, on ne peut que le saluer", souligne Cédric Musso, de l'UFC-Que Choisir. "Mais nous aurions souhaité que le caractère +intentionnel+ soit retiré de la définition. Car s'il n'est pas possible de le démontrer - en tout cas les ingénieurs de l'UFC n'y sont pas parvenus - cela réduit la portée du dispositif".
Plus que la sanction, l'association de consommateurs évoque d'autres leviers pour agir sur la disponibilité des pièces détachées, qui est "le vrai problème aujourd'hui, pour tous les appareils composites".
Ainsi la "présomption de conformité", qui bénéficie, dans la garantie, au consommateur, va être étendue de 6 mois à deux ans, dès mars. "Ca c'est une vraie avancée pour progresser vers une réparabilité des appareils", estime M. Musso.
"Il faudrait mieux informer les consommateurs, dès l'achat, sur la disponibilité des pièces détachées", ajoute-t-il. Un dispositif de la loi Hamon allant dans ce sens a vu sa portée amoindrie par un décret qui au final a laissé cette démarche au bon vouloir des fabricants.