Charley’s War est un chef-d’œuvre de la bande dessinée britannique, paru sous forme d’épisodes dans la revue britannique Battle entre 1979 et 1986. Excepté quelques épisodes publiés dans les magazines “Bengali” et “Pirates”, cette histoire réalisée par Pat Mills et dessinée par Joe Colquhoun n’avait pas encore réussi à franchir la Manche. Grâce au label Delirium cette véritable perle du neuvième art est dorénavant éditée chez nous en dix tomes. Ce huitième tome contient 30 épisodes de trois pages, parus en 1983.
Alimentée par des faits authentiques, ce récit qui traite de la guerre 14-18 invite à suivre les aventures de Charlie Bourne : un jeune « Tommy » de 16 ans qui, en mentant sur son âge, se retrouve au front, à quelques jours de la terrible bataille de la Somme. Le fait de suivre les pas de ce jeune britannique un peu stupide, mais courageux et foncièrement bon, permet non seulement de plonger le lecteur dans le quotidien de la Première guerre mondiale, mais surtout de lui faire découvrir le point de vue anglais.
Après avoir relaté la fameuse bataille de la Somme et s’être intéressé d’un peu plus près à l’armée française lors de la bataille de Verdun, Pat Mills avait accordé une brève permission à Londres à son héros. Le cinquième tome mettait cependant fin à cette trêve et envoyait Charlie Bourne sur le front des Flandres, au cœur de la saillie d’Ypres. En fin de sixième volet, la compagnie de Bourne était envoyée à Étaples en camp d’instruction, pour une formation qui montrait les relations tendues entre officiers et soldats et pointait une nouvelle fois du doigt la hiérarchie militaire. Les mauvais traitements, les conditions de vie déplorables et les nombreuses injustices faisaient progressivement monter le mécontentement des soldats au camp d’entraînement à Étaples, aboutissant à la mutinerie du camp britannique d’Etaples, relatée en long et en large lors de l’album précédent.
Ce tome débute en décembre 1917 et replonge le lecteur dans l’horreur des tranchées. En montrant les premières armes de Charlie en tant que tireur d’élite en second, sous les ordres de Len Soughgate, l’auteur s’intéresse de plus près au rôle de ces snipers qui éliminent l’ennemi un par un, à force de patience, d’inventivité et de précision. Dans le camp d’en face, Pat Mills suit les pas de l’estafette Adolf Hitler, dont l’apparition subite en fin de tome précédent pouvait quelque peu surprendre. Si ce choix peut paraître étrange, surtout que l’une des forces de cette saga était que Pat Mills invitait principalement à découvrir la destinée de simples soldats et que les opinions divergent quant au rôle joué par Hitler, la présence de ce personnage historique permet néanmoins d’offrir le point de vue allemand au lecteur. Si cette vision depuis les rangs ennemis est tout aussi horrible, le rapprochement des deux camps lors de la trêve de Noël fait énormément de bien, même si cela permet également de constater que les deux camps se voient fournir les mêmes armes…
À partir du quinzième épisode, le récit se concentre sur le frère cadet de Charlie Bourne. Ces épisodes consacrés à Wilf permettent non seulement de découvrir le quotidien des aviateurs durant la guerre, mais dévoile à nouveau le fossé d’injustices qui sépare les officiers des simples soldats. En se servant de Charlie et de ses amis comme fil rouge, Pat Mills restitue une nouvelle fois avec grand brio tous les aspects de la Première guerre mondiale. Si le réalisme de ces scènes tirées de faits réels impressionne, c’est surtout l’humanité dégagée par cette œuvre qui fait mouche. Au sein de la Grande Histoire, Pat Mills invite en effet à découvrir les petites histoires de simples soldats. Le graphisme noir et blanc de Joseph Colquhoun fourmille de détails et contribue également à dépeindre le quotidien des soldats avec énormément de réalisme. Ce passage plus aérien permet également de découvrir que Joe Colquhoun est aussi à l’aise dans les airs qu’au sol.
Une saga incontournable !