Qui n’a jamais dit à un déjeuner en famille, lors d’un dîner entre amis ou à la cantine du bureau à des non-sportifs, « le sport, c’est de l’organisation« ? Avec ingéniosité, on peut même le placer lors d’un entretien d’embauche pour montrer qu’on est un mec vachement organisé, limite maniaque, finalement proche de la maladie obsessionnelle. Idéal pour passer, au final, pour un gros prétentieux qui fera passer le sport avant le travail.
Je crois que tout sportif digne de ce nom ne peut même pas compter le nombre de fois qu’il a sorti cette phrase si banale mais si lourde de sens. La preuve en quelques paragraphes.
Tout d’abord, il vous faut une semaine-type sur laquelle vous baser, sinon, vous n’allez jamais rien faire. Voici ma future (ex-) semaine type.
Lundi: vélo; mardi: VMA; mercredi: natation le matin et vélo le soir (et multi-enchaînement à compter d’avril); jeudi: VMA; vendredi: natation; samedi: vélo et enchaînement CàP; dimanche: sortie longue CàP le matin, natation le soir.
N’oubliez pas la devise d’une semaine type: « vous ne ferez JAMAIS le programme prévu« .
Maintenant, nous pouvons poser le problème, version devoir de mathématiques pour bachelier ES (la meilleure filière bien sûr): comment réussir à s’entraîner à partir de septembre? Avec 1) un bébé de 8 mois, 2) un travail de cadre-assimilé-fonctionnaire, 3) une femme qui reprend le travail, 4) le tout alors qu’il est envisagé un retour sur distance half Ironman pour la prochaine saison et 5) que votre femme a, elle aussi, des ambitions sportives pour la saison à venir après seulement 2 semaines de reprise du sport (imaginez donc dans quelques semaines). Bien sûr, en sous-jacent, la difficulté supplémentaire du problème est que faire du triathlon c’est faire 1 sport mais 3 disciplines. Vous auriez mieux fait de faire du tricot, moins compliqué à organiser… Et pour compliquer le tout encore un peu plus, votre femme fait aussi du triathlon!! Donc un double agenda à organiser avec 3 disciplines avec chacune leur temps de repos…
Mais ce n’est pas tout! Il faut maintenant poser l’équation à résoudre: votre femme n’a pas des horaires de fonctionnaire (comprenez 10h-17h hors pauses syndicales, hors temps de cantine et hors team building – nom utilisé pour justifier le temps passé à la machine à café- et hors RTT). Pour faire simple (ou pas): elle travaille sur un cycle de 10 semaines, sur 4 tranches horaires possibles (8h-15h, 11h-18h, 15h-22h, 18h-1h), et travaille entre 3 et 5 jours par semaine et potentiellement le weekend entier (3 weekend dans chacun des cycles). Pratique pour s’organiser non?
Mais ce n’est pas tout! Il faut aussi intégrer dans l’équation les horaires de la crèche! Soit de 10h30 à 18h30. Il faut donc anticiper qui dépose bébé le matin, et qui vient le chercher. Cela impacte donc qui peut s’entraîner le matin et qui peut s’entraîner le soir. Et la réponse dépend déjà de la première condition: à quelle heure travaille ma femme. C’est donc une condition itérative à intégrer dans l’équation!
Mais ce n’est pas tout! Il faut aussi tenir compte des créneaux horaires du club pour pouvoir quand même suivre des entraînements structurés, notamment en natation, et avoir un groupe vélo homogène pour se motiver lors des sorties longues du samedi. Ce qui veut dire que selon les horaires de ma femme et de la crèche, je vais devoir m’entraîner en partie tout seul, comme un con, sans ami (un peu l’histoire de ma vie cela dit…).
Mais ce n’est pas tout! Il faut aussi concilier votre programme avec la semaine type de la femme de votre vie. Celle-ci:
Lundi: natation; mardi: CàP; mercredi: vélo; jeudi: CàP; vendredi: natation; samedi: au choix; dimanche: CàP.
On récapitule donc pour vérifier si vous avez bien tout suivi de cette méthode d’une simplicité enfantine (même la vieille bique du bureau saurait le faire, ou pas): selon les horaires de ma femme, je dois emmener bébé à la crèche le matin ou la chercher le soir. Je peux donc m’entraîner le soir, ou le matin, voire entre midi et deux durant la semaine, et selon les créneaux que le club propose. Et cela change donc chaque semaine pendant 10 semaines, avant que le cycle ne recommence. Et certains weekends je devrai courir à la frontale de nuit voire supprimer mes sorties vélo l’hiver si ma femme travaille en journée (vive le home trainer, en hiver seulement n’est-ce pas Londsrunner?). Et bien sûr, je dois m’assurer que ma femme a pu, elle aussi, s’adonner à cette passion chronophage et dévorante qu’est le triathlon.
J’ai passé 4h à confectionner mes entraînements sur 10 semaines, en me prenant la tête avec toutes ces p*/-@ d’hypothèses. Mais pour peu qu’une nuit soit agitée (comprenez, que bébé dorme mal, toute autre agitation serait intégrée au programme sans difficulté), que je n’arrive pas à me lever un matin ou que je doive rester tard au bureau un soir (si si, ça peut arriver, sans déc’), voire que je reste coincé sur une conférence téléphonique vers 12h et tout tombe à l’eau!! Tout ça pour ça…
Bref, au final, le programme d’entraînement bouclé ressemble à rien. Ou plutôt, il ressemble à ça:
C’est grave docteur? Je crois qu’il faut que j’arrête de passer autant de temps à essayer de m’organiser et construire des fichiers Excel et que je passe plus de temps à l’entraînement!