Love, quatrième long-métrage de Gaspar Noé, met en scène « une histoire d’amour » à travers celle d’une rupture. Dès sa présentation à Cannes, hors compétition en séance de minuit, le film a fasciné, dégoûté ou fait bander les spectateurs. Bref, le réalisateur d’Irréversible divise comme toujours. Pis encore, il a de nouveau frappé en créant la polémique – après des scènes très crues dans Seul Contre Tous, Irréversible et Enter The Void – en offrant un film à caractère pornographique 3D fait avec « du sang, du sperme et des larmes ».
Au milieu de Love, Murphy, le personnage principal interprété par Karl Glusman s’exclame :
Si je faisais des films, ils seraient faits avec du sang, du sperme et des larmes. »
Il s’agit là d’un bon moyen pour Gaspar Noé de donner du sens à sa démarche artistique – en parlant lui-même à travers son personnage – puisque le cinéaste nous affirme souhaiter faire un film avec les éléments qui résument le mieux l’amour selon lui. Cela s’avère particulièrement pragmatique lorsqu’il s’agit de justifier la présence d’une vingtaine de scènes de cul qui s’étalent sur les 2 h 10 de film.
On remarquera aussi que ce n’est pas l’unique référence que le réalisateur fait à son (ou ses) film(s) et à lui-même. En effet, chaque personnage porte un nom qui a une importance particulière pour le réalisateur italo-argentin, puisqu’il s’agit du sien ou de celui de ses proches : Nora, Murphy (la mère de Noé s’appelait Nora Murphy), Gaspar, Noé… Les cuts de la caméra pendant chaque scène évoquent le « clignement d’œil » du personnage principal – et font office de subtiles allégories aux clins d’œil que Noé se lance – non sans rappeler Enter the Void ; la narration non chronologique évoque quant à elle Irréversible.
Mais alors, Love est-il une œuvre d’art d’inspiration autobiographique, un monument de mégalomanie ultime fait pour faire bander les mecs ou bien un simple film porno élaboré travesti en histoire d’amour ?
Love raconte l’histoire d’amour se déroulant à Paris entre Murphy, un étudiant américain en cinéma, et Electra (Aomi Muyock), une jeune étudiante aux Beaux-Arts. Un matin du Nouvel An, Murphy se réveille et reçoit un message paniqué de la part de la mère de son ex copine (Electra), qui n’a plus vu celle-ci depuis plus de deux mois. Murphy, qui vit désormais avec son ancienne voisine Omi (Klara Kristin) et leur enfant replonge avec nostalgie dans les souvenirs de sa relation amoureuse avec Electra.
C’est donc à travers une rupture, en mettant en scène des acteurs inconnus du public que Gaspar Noé nous présente sa vision de l’amour. Certes, ce n’est pas celle édulcorée que vous offrirait Hollywood avec en tête d’affiche Ryan Gosling, Channing Tatum et Rachel Macadams, mais le film n’en reste pas moins trop prisonnier de son propos. À vouloir mettre trop de sperme, de sang et de larmes dans son film, on finit avec un film dont le scénario creux n’a plus trop d’intérêt. Les sensations priment sur la narration. Dans quel but nous montrer du sexe pendant deux heures ? Volonté de choquer ou honnête retranscription de sa vision de l’amour ? Toujours est-il qu’au bout d’une heure de film, la lourdeur nous envahit et c’est pénible d’attendre jusqu’à la fin.
Le scénario n’est qu’un pamphlet contre la bienséance, un prétexte pour nous emmener dans les coins les plus sombres de Paris pour y faire les expériences les plus « sordides » et « dérangeantes » comme celle d’aller dans un club échangiste. Fin psychologue que ce Gaspar Noé, qui jamais ne recherche l’unanimité critique, mais soit vous faire jouir ou vous faire crier au scandale. Rien que pour cela, il aurait mérité un prix à Cannes – la palme de l’impertinence peut-être…
En ce qui concerne la 3D, elle n’est pas vraiment utile, si ce n’est pour une scène où la fumée de cigarette semble s’échapper de l’écran et flotter autour de nous, ou quand un pénis en érection nous éjacule dessus gratuitement.
Cela dit, tout n’est pas à jeter dans Love. Bien que nous soupçonnions Gaspar Noé d’avoir voulu choquer plus que d’avoir fait un film honnête, on voit dans Love, les défauts du cinéma de Noé tout comme ses qualités. Quels cinéastes peuvent se targuer d’avoir un style reconnaissable dès les premières images – en l’occurrence, une scène de masturbation digne de l’Origine du Monde – ou d’avoir réussi à créer un univers terrifiant, dérangeant mais aussi intrigant à tel point que l’on ait envie de le pénétrer – pardonnez le mauvais jeu de mots – mis à part Noé et Larry Clarke ?
Certaines scènes fascinent de par l’émotion qu’elles transmettent, d’autres sont d’une beauté époustouflante – comme, lorsque le trio amoureux Murphy, Electra, Omi danse en boîte de nuit, sur un fond de musique latino. Malheureusement, la recherche de sensationnel prime sur le développement des personnages et l’intérêt qu’on peut leur porter, même si la performance des deux acteurs principaux (Karl Glusman et Aomi Muyock), quand ils ne s’emboitent pas comme des briques Tetris, se doit d’être saluée.
Pour finir, on pourrait parler d’un des propos du film : les fantasmes sont-ils faits pour être réalisés ? C’est à partir du moment où ils se lancent dans la réalisation de leur fantasme sexuel (une partouze avec leur voisine blonde) que la relation entre Murphy et Electra commence à battre de l’aile. Le fantasme serait en fait semblable à une boîte de Pandore. Dès lors, ils n’auront de cesse de chercher un exutoire (infidélité, drogue, échangisme) à la jalousie qu’a engendrée cette expérience.
Bref, si vous voulez payer pour vous faire éjaculer en pleine face dans une salle pleine de mecs qui bandent tellement qu’on sent le phallus dans la salle, allez voir Love. Sinon, vous pouvez juste allez faire un tour sur YouPorn.