Montréal ce n’est pas seulement la poutine, le froid en hiver (bonjour les clichés), c’est aussi une scène musicale riche, c’est Ought avec son rock qui n’en finit plus de faire fondre les cœurs. Ought, c’est ce groupe formé de quatre amis, Tim Beeler (chant et guitare), Ben Stidworthy (basse), Matt May (synthé) et Tim Keen (batterie). C’est ce groupe qui depuis la sortie de son album More Than Any Other Day, en 2014 sur l’excellent label Constellation, enchaîne les dates, les festivals, les concerts avec la même énergie et la même frénésie. Ought c’est la fougue de la jeunesse teintée d’un rock qui se veut rugueux et désinhibé, simple et complexe à la fois. Tout est fluide et décidément trop simple pour les montréalais. Après avoir écumé toute l’Europe, curieux que nous sommes chez SY webzine, nous avons donc décidé de nous pencher sur ces quatre garçons dans le vent. C’est Ben Stidworthy, qui s’est collé au jeu des questions-réponses. Une chose est sûre, pour les avoir croisés au Primavera Sound à Barcelone, oui, on peut dire que ces gars sont cool.
Vous avez commencé à jouer ensemble en 2011. Puis les choses se sont enchaînées. Vous avez sorti un un EP en 2012 puis un premier album, More Than Any Other Day, en 2014. Comment expliquez-vous les raisons de votre rapide ascension sur la scène musicale actuelle ?
En fait on a commencé Ought en mai 2012, on écrivait autant qu’on pouvait en même temps qu’on étudiait et travaillait à la fac. Notre objectif était de faire, idéalement, un concert par mois à Montréal avec des amis qui jouent aussi dans des des groupes. On a été très chanceux d’être à Montréal, au bon endroit, au bon moment où il était relativement facile de faire de la musique entre potes. Quand Constellation a sorti notre album il n’y avait pas d’équipe de budget marketing. On est arrivé jusqu’ici parce que nous avons travaillé d’arrache-pied aux côtés de personnes extraordinaires.
Vous êtes d’ailleurs issus de la scène musicale émergente de Montréal. Pouvez-vous nous en parler un peu plus ?
A Montréal il y a tellement de scènes musicales, certaines sont à la croisée de plusieurs styles, d’autres non. Il y en a dans différentes salles, dans différents quartiers, de langues. Je ne pourrai même pas commencer à en parler, mais ça vaut le coup d’aller les découvrir soi-même.
Depuis la sortie de votre album en 2014 vous enchaînez les concerts, les dates, les festivals. On vous a vus en France notamment à la Route du Rock à Saint-Malo puis au Pitchfork festival à Paris … comment gérez-vous le fait de partir en tournée ?
On a trouvé un rythme plutôt pas mal en tournée entre nos blagues, notre véritable addiction à l’eau gazeuse et nos livres audio d’Harry Potter. L’ingénieur son qui nous accompagne en Europe, Radwan, n’aime pas vraiment Harry Potter, du coup on écoute Lady Ann, Alice Coltrane et parfois la radio française quand est ici.
Vous êtes actuellement en pleine tournée européenne, qu’est-ce que ça signifie pour vous ?
C’est vrai qu’on a la chance de jouer dans des villes super chouettes. J’ai l’impression que plus les choses évoluent, plus ça me parait étrange. On s’est toujours considérés nous-mêmes comme un groupe fait pour jouer sur scène. Ce que je veux dire par là c’est que nos disques sont plus un artefact de nos chansons à un moment donné, un endroit particulier. C’est quand on joue sur scène que Ought prend toute sa signification. Dans ce sens, pouvoir jouer en Europe ça signifie que nous sommes capables de donner le meilleur de nous-mêmes à chacun sans que les gens aient besoin d’acheter un billet pour venir à Montréal.
Pour être honnête je vous ai réellement découvert sur scène à l’occasion du Primavera Sound Festival à Barcelone en mai dernier. J’ai été frappée par la force et la fraicheur que vous dégagez. Sur scène et en dehors vous donnez l’impression de quatre potes en train de s’amuser, que la musique c’est quelque chose de facile, Presque d’inné. Finalement Ought, c’est plus une histoire d’amitié ou d’affinités musicales ?
Merci. Ought c’est clairement le résultat d’une bande d’amis qui écoute différents styles musicaux. On a des goûts différents mais on n’a jamais formé le groupe avec une sorte de ligne de conduite, de théorie cohérente de ce que nous voulions que notre musique paraisse. On aimait juste ce qu’on faisait ensemble et le fait de jouer ensemble nous a rapprochés les uns des autres.
Votre musique, le son qui s’en dégage et les paroles sont engagées et vous êtes considérés comme un groupe post-punk. En ce moment sur la scène indépendante internationale on remarque que c’est surtout la musique dite dream pop psychédélique qui est mise en avant. Certains groupes très bons musicalement parlant mais ne suivent pas d’un point vue lyrique avec des paroles qui peuvent parfois laisser à désirer. Votre musique est un parfait équilibre entre les deux. N’avez-vous pas l’impression de remettre ce type de musique engagée, le rock punk, sur le devant de la scène et de participer à son renouveau ?
On a jamais fait de la musique avec ces intentions là. Cependant, quand on nous donne l’opportunité d’être entendu, je pense qu’il est important pour nous d’utiliser cette opportunité à bon escient. Beaucoup de groupes se focalisent sur l’image qu’ils donnent comme mecs fêtards et cool, je pense que c’est une énorme chance gâchée. Ce serait génial si plus de groupes avaient la volonté d’aborder des thèmes engagés et politiques.
Pensez-vous, depuis la sortie de votre album, et l’enchaînement des concerts, avoir acquis une certaine légitimité sur la scène rock et indépendante au niveau international ?
On a jamais pensé à ça en ces termes là. La légitimité pour nous c’est quelque chose de réfléchi. Ce que je veux dire par là c’est qu’on a notre propre opinion, on se sent responsable par rapport aux gens qui nous écoutent. Il n’y a pas de normes établies par quelque chose d’abstrait comme la « scène rock indépendante ».
En 2014 vous sortiez votre 1e album, et là vous vous apprêtes à sortir le 2e, Sun Coming Down en septembre. Comment vous vient l’inspiration ? Quel est votre processus de production ?
On s’inspire de ce qui nous entoure et de ce qui nous touche. On se retrouve ensemble dans une même pièce et on commence à jouer jusqu’à ce que ça donne quelque chose de bien, que nous apprécions, et ensuite on reprend le tout encore et encore, pendant que Tim improvise les paroles. Après ça on a une chanson. On la transpose dans un environnement qui se prête au live et dans lequel on y rajoute la touche finale pour l’enregistrement.
On a eu l’occasion de découvrir Beautiful Blue Sky. Quelles surprises nous réserve votre prochain album ? Lyriquement et musicalement sera-t-il dans la même lignée que le premier ?
L’une des plus grosses surprises, ce sera la ballade avec les chœurs fait par Matt et les nappes de synté très subtiles. Par rapport au précédent album, il n’y aura pas de changement important. On a grandi en tant que musiciens en termes de compétence et d’intimité et je pense que ça se ressentira dans les compositions.
Comment envisagez-vous l’évolution de Ought en terme de production musicale ? Souhaiteriez-vous collaborer avec d’autres artistes, voire même produire d’autres artistes ?
Le nouvel album a pris un tournant différent en termes de production, c’est surtout dû à la vision de Tim Keen. On a tous nos projets personnels, on produit tous notre musique et Tim Keen travaille beaucoup avec nos amis à Montréal. Tout le monde travaille avec d’autres musiciens de Montréal et d’ailleurs à travers différents projets et ça va sûrement continuer ainsi.
Et pour finir, y’a t-il un endroit où vous rêvez de jouer ?
Personnellement, j’adorerais jouer au Faroe Islands (festival) un jour.
Ought en concert le 1e aout à Binic