Les Vivian Girls en séjour au MAM

Publié le 29 juillet 2015 par Jebeurrematartine @jbmtleblog

Henry Darger, Second battle of McAllister Run they are pursued, 1910-1970 © Musée d’Art Moderne / Roger-Viollet

Si vous avez tendu l’oreille au cours des dix dernières années, vous avez déjà peut-être entendu ces deux mots glisser discrètement: «  Henry Darger ».

D’abord connu au sein des milieux défendant l’art brut, comme la galerie ABCD de Bruno Decharme, la Maison Rouge, et même très récemment le Museum of Everything de Marc Olivier Wahler, l’artiste aux petites filles blondes munies de sexes masculins interpelle immédiatement. Ses larges dessins, d’allure naïve, colorés à l’aquarelle, ne se laissent alors pas dissocier de sa biographie. L’artiste y est présenté comme un homme un peu bizarre, original, dont il est utile de mentionner l’histoire avant même d’analyser les qualités de son œuvre, d’ailleurs découverte dans des circonstances mystérieuses qui ne peuvent qu’augmenter son aura. C’est une méthodologie qui nous semble assez courante lorsqu’on appréhende un contenu artistique selon le prisme de l’art brut, naïf, ou singulier.

Pourtant, l’exposition du Musée d’art Moderne de la Ville de Paris prend le contrepied de cette approche et propose une vision chronologique de l’œuvre. Ce parti-pris permet une lecture nouvelle de l’histoire des Vivian Girls, groupe de 12 petites filles en guerre contre les redoutables Glandéliniens adultes. The story of the Vivian Girls in What is Known as the Real of the Unreal, of the Glandeco-Angelinian War Storm Caused by the Child Slave Rebelion, est le récit auquel il se consacre de 1910 à 1930. Et s’il est impossible de ne pas trouver des résonances biographiques dans le sujet traité, l’accrochage permet l’autonomie de l’œuvre, que l’on appréhende comme un contenu artistique et plus seulement personnel.

Henry Darger, At Calmanrina murdering naked little girls, 1910-1970 © Eric Emo / Musée d’Art Moderne / Roger-Viollet

On est alors sensible à l’évolution du trait, aux enjeux de l’histoire, à l’inventivité extraordinaire de la composition qui utilise des reproductions de silhouettes de magazines, à la vivacité des situations, et surtout, surtout, aux fleurs qui se développent d’un dessin à l’autre, jusqu’à exploser dans le dernier feuillet nommé «  des fleurs partout ». On apprécie aussi l’intelligence du discours de la commissaire Choghakate Kazarian, qui ne tente pas de caler des catégories d’histoire de l’art pour légitimer l’œuvre, mais se construit autour des dessins pour nous permettre de les regarder et les apprécier sans grille prédéterminée.

Henry Darger, At McCalls Run Coller Junction Vivian girl saves strangling children from phenomenon of frightful shape, 1910-1970, Paris, musée d’Art moderne © Eric Emo / Musée d’Art Moderne / Roger-Viollet

Ajoutons seulement que le prisme biographique est lui aussi intéressant, mais qu’il semble beaucoup plus fécond de se ménager ces deux approches plutôt que seulement l’une ou l’autre.

L’exposition a pu être réalisée grâce à une donation de 45 œuvres en 2012. Il est loin le temps du legs Caillebotte qui avait fait grand scandale et avait suscité les protestations jusqu’à l’Académie des Beaux Arts, réticence en 1894 à accueillir des tableaux impressionnistes. L’œuvre de ce grand monsieur, né à Chicago en 1892 et devenu orphelin très vite, se laisse désormais goûter entre Matisse, Delaunay et Picasso, devant lesquels elle n’a pas à rougir. Cet accrochage saura vous en convaincre, et il est à apprécier jusqu’au 11 octobre 2015, au Musée d’art Moderne de la Ville de Paris, 11 rue du Président Wilson.

Henry Darger, Make daring escape 1910-1970 © Eric Emo / Musée d’Art Moderne / Roger-Viollet

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« Henry Dager » au MAMVP, jusqu’au 11 octobre 2015
Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h
Nocturne le jeudi jusqu’à 22h
Plein tarif : 5 €
Tarif réduit : 3,50 €
Gratuit : -18 ans


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