Ce dimanche, on fêtait le 87e anniversaire de la naissance du légendaire cinéaste Stanley Kubrick. L’occasion pour nous de revenir sur un demi siècle d’une incroyable carrière à travers un top 10. Avec « seulement » treize films réalisés, le plus difficile n’a pas été de sélectionner les longs métrages ici présents mais de classer ces chefs d’œuvre les uns contre les autres.
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10. LE BAISER DU TUEUR (1955)
Considéré par Kubrick lui-même comme son véritable premier film (il reniera Fear & Desire qu’il qualifiera de « tentative inepte »), Le Baiser du Tueur est tout ce qu’il y a de plus classique avec l’histoire d’amour impossible entre un boxeur des bas quartiers et une danseuse contrôlée par son bandit de patron. Rien de fou donc. Ni même dans la réalisation, très basique, si ce n’est ce coup d’éclat lors de la scène dans l’entrepôt.
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9. EYES WIDE SHUT (1999)
L’ultime film du maître – qui mourra 4 mois avant sa sortie. Une sorte de rétrospective de la patte Kubrick entre ambiance malsaine, sexe, psychologie et perfectionnisme. Pour ce dernier point, il faut savoir que le tournage a duré 400 jours, soit le plus long de l’histoire du cinéma. Et garder sous sa coupe autant de temps le couple le plus bankable du moment (Cruise-Kidman) prouve toute l’aura du réalisateur.
On retiendra ce doux premier plan sur du Shostakovich, cette scène aussi dérangeante que fascinante du rituel durant la partie fine avec ces incantations jouées en sens inverse et cette mélodie de l’Enfer.
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8. FULL METAL JACKET (1987)
Si le film s’arrêtait à 45min25, il serait sans doute plus haut dans ce classement. Toute la première partie de FMJ est simplement géniale, portée par la prestation survoltée de Lee Hermey dans le rôle du sergent instructeur qui en fait voir de toutes les couleurs à sa troupe de nouvelles recrues. Le summum reste cette scène de présentation où le Sgt Hartman enchaine les insultes envers ses jeunes loups (la plupart écrite par Hermey, ayant été sergent lui même).
La seconde partie centrée sur le Vietnam version psychotropée est quant à elle moins marquante, le sujet ayant déjà été traité dans d’autres longs métrages, notamment l’immense Apocalypse Now. Puis on regrette également la récupération du film par les pro-militaires (alors qu’il s’agit d’une critique du milieu…), ce qui explique aussi cette 8e place.
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7. L’ULTIME RAZZIA (1956)
Premier succès du réalisateur, L’Ultime Razzia pose les bases de son style. Bien qu’encore très « soft », que ce soit par l’histoire (une bande de malfrats prépare un casse pour empocher les gains d’un champ de course en descendant un bourrin) ou dans la réalisation, le film trouve son originalité dans la forme du récit, empruntant une voix-off – que l’on retrouvera dans bons nombres des films suivants – et des flashbacks pour reconstruire l’action. Ce procédé sera repris des années plus tard par Tarantino pour Reservoir Dogs, par exemple.
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6. LOLITA (1962)
L’heure des premiers scandales. En adaptant le roman éponyme de Nabokov sur l’histoire d’amour passionnée et dérangeante entre un professeur et une jeune adolescente du nom de Lolita, Kubrick s’attire les foudres de la censure et des milieux puritains américains, poussant le réalisateur à s’exiler du côté de l’Angleterre, où il restera vivre jusqu’à sa mort. Pourtant, le film reste très politiquement correct et ne suggère plus qu’il ne montre, bien plus sage que ne le seront les suivants…
Lolita marque par son aspect psychologique et par les performances remarquables et remarquées de James Mason et Peter Sellers
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5. 2001, L’ODYSSEE DE L’ESPACE (1968)
Sans doute l’œuvre la plus connue de Kubrick et celle qui l’a fait passer à la postérité. Il faut dire que l’héritage est immense. Sans 2001, il n’y aurait jamais eu de Star Wars et tous ces autres grands titres de la science-fiction. Le new-yorkais va révolutionner le genre avec un film d’une philosophie et d’une poésie musicale immense. Le scénario en lui-même n’a rien d’incroyable, et paraît alambiqué, mais tout le reste relève du génie. D’une finesse technique inédite pour l’époque, il touche au but aussi bien visuellement qu’auditivement. Un morceau de cinéma.
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4. SHINING (1980)
Si la carrière de Stanley aura pour fil conducteur des prouesses de réalisation et la psychologie névrosée de ses personnages, il ne s’interdira aucun genre. C’est ainsi qu’il s’essaiera au film d’épouvante en 1980 avec Shining, inspiré du roman de Stephen King.
Mais comme il ne fait rien comme personne, il va décider de casser les codes du style. Ici très peu de places pour les scènes sanguinolentes, la faible lumière et les espaces restreints. Non, la place centrale de l’histoire sera un immense hôtel, très éclairé et toute l’oppression viendra de la bande originale de Wendy Carlos et bien évidemment de la prestation hallucinante de Jack Nicholson, sûrement la plus grande performance dans un film de Kubrick.
C’est avec Shining que la réputation de perfectionniste tyran de ce dernier va éclore. Il n’hésite plus à faire rejouer des scènes une trentaine de fois pour repousser les acteurs dans leurs derniers retranchements (Shelley Duvall dira d’ailleurs que si c’était à refaire, elle n’accepterait pas le rôle).
C’est également avec ce film que l’utilisation de la steadicam, utilisée pour la fluidité des déplacements, se démocratisera.
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3. ORANGE MECANIQUE (1971)
LE film dérangeant par excellence. Avec ce film d’anticipation sur la dépravation de la jeunesse future et de la société, Kubrick s’offre une nouvelle cure de controverses pour le climat malsain que dégage cet Orange Mecanique. Violence gratuite, viols, drogues, bandes avec leurs propres codes il est vrai que la première couche de l’épiderme de l’adaptation du roman de Burgess, a de quoi créer le malaise. Mais il faut voir plus loin et creuser plus pour saisir les autres subtilités du film, notamment la critique sociale d’un monde qui voudrait imposer des nouveaux systèmes punitifs dans les milieux carcéraux.
Puis, Orange Mécanique marque par ses nombreuses scènes mémorables où le mariage musique-situation cher au réalisateur est le plus frappant.
S’il commence aujourd’hui à marquer le coup – c’est le jeu pour un film futuriste – il n’en reste pas moins culte et un excellent outil sociologique.
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2. DR FOLAMOUR (1964)
Un chef d’œuvre d’humour noir. En pleine guerre froide, Kubrick prend le pari de réaliser un film autour d’une situation de crise après qu’un général eut décidé d’envoyer une arme nucléaire sur l’URSS. S’en suit alors une réunion d’urgence pour éviter qu’une guerre nucléaire mettant un terme à l’humanité se déclenche. D’une intelligence folle et d’un humour pince-sans-rire propre à dénoncer la folie criminelle de certains militaires, Dr Folamour est une totale réussite, portée par la triple performance de Peter Sellers à la fois soldat britannique, président des Etats-Unis et scientifique nazi. Du petit lait.
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1. BARRY LYNDON (1975)
S’il ne fallait en garder qu’un. Souvent sous-estimé, il est celui qui regroupe toutes les qualités et l’ADN de Kubrick. Comme toujours, le scénario n’a rien d’exceptionnel: le destin d’un jeune irlandais avide d’ascension social jusqu’à sa déchéance finale. Comme toujours, c’est tout le reste qu’il l’est. Pour Barry Lyndon, le réalisateur fait le pari fou d’une réalisation esthétiquement proche de l’époque qu’il dépeint, c’est à dire le XVIIIe siècle. C’est ainsi que le film, épique, ressemble à une immense fresque due à la volonté de son créateur de vouloir réaliser chaque scène comme s’il s’agissait d’un tableau. Vous pouvez faire le test chez vous, appuyez sur pause pour chaque plan et vous verrez le résultat, bluffant. Une photographie exceptionnelle donc, grâce aux techniques employées (lumières naturelles, bougies, pellicules spéciales,…) et un esthétisme proche de la perfection.
Puis, cette scène, l’une des plus belles de l’Histoire du cinéma.
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