Quatre images de Lorri ont été superposées et combinées avec les données de l’instrument Ralph pour créer ce portrait de Pluton en fausse couleur. New Horizons n’était alors, le 14 juillet 2015, qu’à 450.000 km de la surface de la planète naine. On peut observer des structures de 2,2 km au minimum. La tache jaunâtre qui s’étend au pôle trahit la présence de glace d’azote. Quant au Cœur, « Tombaugh regio », on distingue deux parties. Celles de gauche, à l’ouest, apparait plus riche en glace de monoxyde de carbone tandis que celle de droite témoigne de présence de glace de méthane
La conférence de presse de la Nasa du 24 juillet a dévoilé l’atmosphère de Pluton, laquelle fut photographiée en contre-jour, 10 jours plus tôt, dans la foulée du survol historique de New Horizons. L’équipe scientifique de la mission a également présenté de nouvelles images détaillées de la région approchée par la sonde à quelque 12.500 km, le 14 juillet 2015 : le « Cœur » ou Tombaugh Regio. On y découvre des dépôts de glace visqueuse et de rares cratères sur le point d’être remplis. « Ma mâchoire touchait le sol lorsque j’ai vu cette première image d’une atmosphère d’un corps de la ceinture de Kuiper, s’est exclamé Alan Stern qui dirige la mission au SwRI. Cela nous rappelle que l’exploration spatiale nous apporte plus que des découvertes incroyables, elle nous livre une incroyable beauté. »
Longtemps apparue floue sur les images des plus grands télescopes terrestres et spatiaux, Pluton a maintenant un visage grâce aux images transmises au compte-goutte par New Horizons. À raison d’un ou deux kilobits par seconde, il faudra tout de même seize long mois pour transférer les quelque 50 Gigabits de données scientifiques recueillies au cours des heures qui ont précédé et suivi le survol historique de la planète naine, le 14 juillet 2015. L’équipe de la mission compose ainsi, par petites touches et avec une résolution inégalée, un nouveau portrait de l’ex-neuvième planète du Système solaire. Les découvertes s’accumulent.
« Les images de Pluton sont spectaculaires » a déclaré John Grunsfeld (administrateur associé à la Direction des missions scientifiques de la Nasa), en ouverture de la dernière présentation des résultats aux médias, le 24 juillet. « Nous savions qu’une mission vers Pluton apporterait des surprises, mais maintenant — 10 jours après cette approche au plus près de sa surface — nous pouvons dire que nos attentes ont été surpassées. Avec des glaces fluides, une chimie exotique en surface, des chaines de montagnes et de vastes brumes, Pluton montre une diversité de géologie planétaire qui sont vraiment passionnante. »
Avant de dire adieu à Pluton, la sonde New Horizons a été programmée pour photographier Pluton en contre-jour de façon à mettre en évidence son enveloppe atmosphérique. L’image a été acquise à 2 millions de km de la planète naine, sept heures après le survol historique du 14 juillet. L’équipe de la mission l’a reçu et découvert le 23 juillet
Des vapeurs jusqu’à 130 km d’altitude
Au cours de la conférence de presse, Alan Stern et son équipe ont dévoilé l’atmosphère de la planète naine. Celle-ci fut photographiée en contre-jour par Lorri (Long Range Reconnaissance Imager), sept heures après le survol au plus proche. Les chercheurs n’ont pas caché leur étonnement en découvrant des vapeurs qui s’élèvent jusqu’à 130 km au-dessus de la surface. « C’est cinq fois plus que ce à quoi on s’attendait » a expliqué Michael Summers (George Mason University à Fairfax, Virginie), qui a rappelé que cela fait plus de 25 ans que les chercheurs étudient l’atmosphère et modélisent les processus qui l’entretiennent. « Maintenant, nous pouvons la voir ! Il y a des couches de brumes et cela nous montre des structures et la météo. Il y a une couche à environ 50 km puis une autre autour de 80 km au-dessus de la surface. »
« Ces brumes détectées sur cette image [voir ci-dessus, NDLR], a-t-il poursuivi, sont un élément clé dans la création des composés d’hydrocarbures complexes qui donnent à la surface de Pluton sa teinte rougeâtre. » En effet, les modèles développés prévoient que le rayonnement ultraviolet du Soleil brise les molécules de méthane présent dans sa haute atmosphère. Ce phénomène provoque la formation d’éthylène et d’acétylène que New Horizons a d’ailleurs détecté. En tombant et en se refroidissant dans les basses couches de l’atmosphère, ces hydrocarbures se condensent en glace et forment la brume observée. Ensuite le rayonnement solaire les convertit en tholins qui sont tenus pour responsables des couleurs sombres de ce petit monde de 2.370 km de diamètre.
Au sud de la région nommée Sputnik, dans la plaine de Tombaugh regio, on peut observer des cellules de glace bordées les massifs montagneux de Hillary et Norgay (vraisemblablement constituée de glace d’eau) et s’insinuer jusque dans des cratères d’impact encore visibles dans la région sombre et plus ancienne de la ceinture équatoriale. L’un d’eux, partiellement rempli, s’étend sur 50 km
Des glaces récentes qui glissent comme les glaciers terrestres
Autre merveille dévoilée vendredi 24 juillet : de nouvelles images détaillées de la plaine baptisée Spoutnik, située dans la partie ouest du « Cœur », nommé désormais Tombaugh Regio. Les chercheurs ont décrit une surface en mouvement avec des couches de glace qui semblent couler. « On avait seulement vu des surfaces comme celles-là sur des mondes actifs comme la Terre et Mars » a déclaré à leurs sujets John Spencer (SwRI). Les images et spectres collectés par l’instrument Ralph témoignent de dépôts relativement récents et uniques de glace de monoxyde de carbone. De la glace d’azote et de méthane a également été détectée, dans des proportions variables.
Comme cela a déjà été évoqué, la plaine glaciaire apparait relativement jeune (100 millions d’années au maximum) car pas un cratère d’impact n’est visible. Les rares à être observé, sont en lisière au sud de cette région survolée par New Horizons. On les découvre en partie emplis de glace… « Dans la région méridionale du Cœur, adjacent aux sombres régions équatoriales, les terrains anciens et très cratérisés ont été plus envahis par de nouveaux dépôts de glaces » a commenté le chef adjoint de l’équipe de géologie et géophysique de la mission, Bill McKinnon (université Washington de Saint-Louis). « À la température minimale de Pluton de – 234 °C, ces glaces peuvent glisser comme un glacier ».
L’atmosphère, essentiellement composée d’azote, de Pluton s’échappe continuellement, et cela depuis ses origines, il y a 4,5 milliards d’années. Son Cœur saigne de la glace. Les chercheurs ignorent encore de quelle façon cela se produit. Mais ces observations témoignent à nouveau d’un monde actif et complexe qui n’a de cesse de changer au fil de ses saisons calées sur son orbite de plus de 247 ans. On est loin d’un corps figé par le froid qui règne dans cette région du Système solaire, endormi, voire éteint, comme on pourrait se le figurer.