Alors, là ! ma mère jusqu'ici silencieuse ne put s'empêcher d'envoyer un coup de rond de serviette en bois sur les phalanges de mon père en guise de réprimande ( ma mère a toujours protégé le seigneur par la violence physique )
- ceci était ma main, Marie-Ange, répondit-il pour clore la plaisanterie. Je ris et même si je ne comprenais que la surface de son humour, j'étais content de le revoir cet Antoine, ce père, cette âme égarée et rebelle face à l'éternel.
Les trois années passèrent doucement sans réelles séquelles psychologiques et
des cartes téléphoniques donc, mais également mon carnet intime bleu dont j'avais perdu la clé. Je la retrouvais quelques mois plus tard sous le radiateur poussiéreux en fonte blanc. À l'intérieur, j'y notais à peu près tout ; des attitudes cyclothymiques d'Antoine (Ah ! mon père ce lombric fatigué ! ) à mes constipations récurrentes dûes peut-être à mes déjeuners et dîners chocolat-coca. C'eût été plus sain de manger des bananes mais mon père s'en servait comme modèles pour ses tableaux. (Aaah ! mon père, ce peintre maudit n'ayant même pas eu les couilles de sombrer dans la drogue ou l'absinthe comme ses confrères du XIXe siècle)