Humans est une nouvelle coproduction de huit épisodes diffusée depuis juin, mais à quelques semaines d’intervalles d’abord sur Channel 4 en Angleterre et AMC aux États-Unis et au Canada. Dans un futur assez proche du nôtre, les humains synthétiques surnommés « synths » font partie intégrante de la société, et ce, dans toutes les sphères d’emploi. Joe Hawkins (Tom Goodman-Hill), un citoyen bien ordinaire décide d’en acheter une du nom d’Anita (Gemma Chan) afin d’aider aux tâches ménagères et espérant ainsi passer davantage de temps de qualité avec sa famille. Plusieurs histoires parallèles se développent, mais conservent toutes la même tangente : certains synths développent des sentiments humains et échappent peu à peu à l’emprise de leurs maîtres. Remake de la série suédoise Äkta Människor (100% Humains en français), Humans parvient à maintenir un réel équilibre entre l’histoire dont elle s’inspire et l’esprit d’innovation; moins philosophique et davantage portée sur l’aspect thriller, le divertissement demeure au rendez-vous.
Différences notables et souhaitées
L’arrivée d’Anita au sein de la famille Hawkins suscite des réactions diverses. L’aînée des enfants Mattie (Lucy Carless), voit en elle une menace pour toute sa génération alors que le puîné Toby (Theo Stevenson) s’éprend d’elle. Quant à la benjamine Sophie (Pixie Davis), Anita est une grande poupée et peut-être même plus. Justement, celle qui se sent le plus menacée par cette arrivée est la mère du clan Laura (Katherine Parkinson). Non sans raison, elle suspecte Anita d’être plus qu’un simple synch, mais elle éprouve aussi une part de jalousie à son égard puisque son acolyte rempli à merveille les tâches autrefois réservées aux mères, au grand bonheur de toute la famille. Pour ce qui est des histoires parallèles, mentionnons d’abord George (William Hurt), un retraité dont les premiers symptômes d’Alzheimer se font sentir et qui ne peut se passer d’Odi (Will Tudor), un synch obsolète, mais qui a néanmoins conservé en mémoire tous les souvenirs de son maître. Il y a aussi Leo (Colin Morgan) qui est à la recherche de synths qui ont mystérieusement disparus et le scientifique Edwin (Danny Webb) qui cherche à créer le robot parfait.
Avec des séries qui voyagent de plus en plus facilement grâce notamment aux services de vidéo sur demande comme Netflix, on a accès à du contenu international beaucoup plus facilement si bien que lorsqu’un grand studio décide de faire un remake d’une série étrangère hautement médiatisée, il y a de bonnes chances que les sériéphiles l’aient déjà vue et que le jeu des comparaisons s’amorce, souvent au détriment de la seconde mouture. Ce fut le cas notamment avec le remake de Broadchurch par Fox (Gracepoint) et des Revenants sur A&E (The Returned). Dans ces deux cas, on reprenait plan par plan l’œuvre originale ainsi qu’une majorité des dialogues, faisant ainsi preuve d’une réelle pauvreté créatrice.
C’est là où Humans se démarque parce que dès le départ, on nous engage dans une voie différente, mais complémentaire. Il faut préciser d’emblée que l’originale comptait 10 épisodes de 60 minutes alors que son remake n’en compte que 8 de 45 minutes chacun, alors il a bien fallu couper quelque part. Dans Äkta Människor, on avait droit à une longue introduction (essentielle) concernant la présence de hubots (mélange humains-robots) afin de nous mettre dans le contexte alors qu’avec Humans, on entre dans le vif du sujet. On a par exemple enlevé toute la trame narrative entourant le personnage de Roger dans la version suédoise qui avait adhéré à un parti politique visant à carrément interdire l’utilisation des hubots. Exit aussi l’équivalent de Laura dans la version suédoise qui en tant qu’avocate et attachée à Anita, militait pour donner des droits aux robots tandis qu’avec Humans, la mère qui exerce la même profession se montre plutôt d’une méfiance sans bornes envers la synch et tout le volet juridique est évacué.
La différence la plus notable avec le remake est qu’on a misé sur l’intrusion des synchs dans la sphère privée alors qu’avec Äkta Människor on mettait davantage l’accent sur l’aspect sociétal à la suite de leur arrivée. Cette intimité et l’arrivée d’Anita chez les Hawkings met en lumière les lacunes de la famille moderne avec une mère qui culpabilise de ne pouvoir être la « superwoman » que la société exige d’elle (travail ET maîtresse de maison) ainsi que le cause à effet qui en découle dans les relations avec les enfants. Ces « révélations » créent toutes sortes de frictions qui montent d’un cran à chaque épisode et qui entraînent pleinement le téléspectateur.
Mais le cœur de la série reste intact, c’est-à-dire l’empathie qu’on ne peut s’empêcher d’éprouver envers les hubots/synchs. Ce sont de véritables esclaves 2.0 et bien qu’à priori, ils ne soient pas dotés de sentiments, on s’offusque du traitement réservé envers eux. Mais l’inverse est aussi vrai : les protagonistes ont un quasi humain en face d’eux; ils peuvent lui dire n’importe quoi, lui faire faire n’importe quoi, et ce, sans qu’il ne bronche. Qui n’a jamais rêvé d’une opportunité comme celle-là? Telle est la nature humaine…
Pudeur anglo-saxonne
Des détails qui importent peu au fond, mais qui nous montrent tout de même ce qu’on ose ou pas montrer au petit écran. Dans Äkta Människor, il y a toute cette intrigue reliée à une maison de prostitution. Dans les premiers épisodes, les hommes y entrent, scrutent les différents modèles (féminins) et le maître de céans leur explique ce que chacune des ces hubots peut faire pour les satisfaire. Dès lors, on réalise que ces machines ont été créées pour effectuer les basses besognes… dans tous les sens du terme. Du côté de Humans, l’action dans le bordel se limite au seul personnage de Niska (Emily Berrington), un synth capable de ressentir la douleur et qui tue un de ses clients. Son incursion dans ce monde de débauche sera d’ailleurs très courte.
L’autre exemple concerne la même scène reproduite dans les deux versions, mais au déroulement différent. L’adolescent Toby (Tobias dans la version suédoise) descend un soir à la cuisine alors que tout le monde dort et se met à tripoter Anita, l’objet de ses désirs. Dans la version suédoise, celle-ci, impassible, laisse faire. Dans la plus récente, elle l’arrête et lui signifie qu’elle a été programmée en cas d’abus de ce genre et qu’elle est sommée d’en avertir les parents : un contrôle parental destiné à restreindre les pulsions des mineurs… et surtout à ne pas choquer un public anglo-saxon!
Humans connaît d’excellents débuts en Angleterre puisqu’elle a été #1 sur Channel 4 durant ses quatre premières semaines de diffusion avec des chiffres qui se stabilisent : 5,46 millions de téléspectateurs pour le pilote, puis 4,45, 3,63 et 3,94 les semaines suivantes. Aux États-Unis, la fiction a connu un départ acceptable avec 1,73 million en auditoire, a baissé en deuxième semaine (1,09), mais remonté la pente à la suivante (1,21). Avec un taux moyen de 0,43 point chez les 18-49 ans, la série pourrait bien se mériter une seconde saison si on la compare avec Turn et Halt & Catch Fire, toutes d’eux d’AMC qui en sont à leur deuxième opus avec des chiffres moindres.