Au Québec, il faut des permis pour tout. Vous voulez faire
du taxi, il vous faut un permis de la Commission des transports. Vous voulez
vendre du lait, il vous faut acheter des quotas. Vous voulez recevoir des
touristes, il vous faut un permis du ministère du Tourisme. Vous désirez garder
des enfants, il vous faut obtenir la permission du ministère de la Famille. Etc.
Il est devenu impossible de faire quoi que ce soit sans
avoir obtenu au préalable plusieurs permis auprès de la municipalité, des gouvernements
ou autres organismes dûment mandatés à cette fin. Les délais et les coûts
associés sont prohibitifs et découragent les entrepreneurs les moins aguerris
et contribuent largement à la faillite de plusieurs entreprises.
Je conçois que les régimes de permis sont justifiés par le
besoin d’imposer des normes minimales visant à protéger la population.
Malheureusement, dans le meilleur des cas, ils sont utilisés pour générer des revenus
et renflouer les coffres toujours vides des gouvernements. Mais cela est un
moindre mal. Ils sont autrement plus dommageables lorsqu’ils servent à protéger les intérêts de groupes de pression
au détriment des consommateurs. Dans ce cas, le permis devient un moyen
hypocrite de subventionner une industrie qui a ses entrées au gouvernement. Les
industries laitière et du taxi tombent clairement dans cette dernière catégorie.
Ces régimes de permis coûtent extrêmement cher aux consommateurs et sont devenus
des obstacles importants au développement de l’économie.
L’industrie laitière
La gestion de l’offre, un euphémisme pour désigner un
monopole de fixation des prix, date des années 1970. Pour avoir le droit de
produire et de vendre du lait, l’agriculteur doit obtenir des permis appelés
quotas. Mais le gouvernement n’émet plus de nouveaux quotas depuis belle
lurette. Ce phénomène crée donc une rareté et le prix des quotas a explosé. Au
Québec, un quota équivaut à la production laitière d’une bonne vache et coûte
environ 25 000 $.
Ces quotas ont permis à une génération d’agriculteurs de
s’enrichir sur le dos des consommateurs. Aujourd’hui, le coût des quotas représentent
un pourcentage important de la valeur d’une ferme laitière. Les producteurs
n’ont d’autres choix que d’ajuster à la hausse les prix de leurs produits pour
financer le coût des quotas. Mais pour que le mécanisme fonctionne, les
gouvernements ont dû éliminer toute forme de concurrence extérieure en imposant
des barrières tarifaires aux produits étrangers. C’est ce qui explique que le
lait québécois coûte deux à trois fois plus cher que le lait américain,
australien ou néo-zélandais. À la fin, ce sont les consommateurs, surtout les
plus pauvres, qui sont pénalisés.
L’Australie et la Nouvelle-Zélande ont mis fin à ce régime
en rachetant les quotas des producteurs. C’est certainement ce que nous devrons
faire si nous voulons un jour rejoindre l’accord de libre-échange
Asie-Pacifique. Non seulement avons-nous payé trop cher pour le lait que nous
consommons depuis plus de quarante ans, mais en plus nous devrons dédommager
les producteurs qui ne sont aucunement responsables des politiques mal avisés
de nos gouvernements.
L’industrie du taxi
Le problème est similaire dans l’industrie du taxi. Sous le
prétexte de protéger les consommateurs, les gouvernements ont institué un
régime de permis. Ensuite, sous le prétexte de permettre aux chauffeurs d’obtenir
un revenu décent, le lobby du taxi a convaincu les politiciens de restreindre
le nombre de permis pour réduire la concurrence. Il est arrivé ce qui devait
arriver, le prix des permis a explosé. À Montréal, le prix d’un permis de taxi
excède 200 000$. Pour financer leur investissement, les propriétaires de
permis n’ont d’autres choix que de réduire la rémunération des chauffeurs et
d’exiger des tarifs toujours plus élevés. Ainsi, les utilisateurs, en payant
plus qu’ils ne devraient, subventionnent l’industrie et les chauffeurs doivent
travailler quatorze heures par jours pour obtenir un revenu décent.
Il est temps d’abolir ce système. Il est évident qu’il n'a
pas donné les résultats recherchés. De surcroît il empêche l'implantation des
nouvelles technologies de l’économie collaborative, telle UberX, qui permettent
de réduire les coûts et d’améliorer les services.
Faut-il dédommager les propriétaires de licences de taxi
lorsque le système sera aboli?
Les changements technologiques affectent la plupart des
entreprises. Certaines en sortent gagnantes, d’autres perdantes. Les
propriétaires des compagnies de taxis ont travaillé main dans la main avec les
fonctionnaires et les politiciens pour limiter la concurrence et ainsi faire
croître la valeur de leur entreprise. À ce titre, ils sont des investisseurs
comme les autres. Ils ont pris un risque d’affaires et ils ont perdu. En toute
logique, pourquoi leur offrirait-on un traitement de faveur?
Toutefois, comme dans le cas des agriculteurs, les
détenteurs de permis individuels ont investi de bonne foi pour acheter le droit
de travailler. Ils ne sont aucunement responsables de la collusion entre l’industrie
et le gouvernement. Il serait donc raisonnable qu’ils soient compensés, du
moins partiellement.
Conclusion
Les gouvernements sont dépassés par les applications de l’économie
collaborative. Le problème est toujours le même. Une réglementation
anachronique pénalise les entreprises traditionnelles. Elles se tournent donc vers
le gouvernement et demandent à être protégées contre la concurrence des
nouveaux venus.
Mais limiter la concurrence comme le proposent les lobbys
industriels n’est certainement pas la bonne solution. Il faut plutôt libéraliser les marchés pour le
plus grand bien des consommateurs. Il est temps de rappeler à nos politiciens
que dans toute réglementation ce n’est pas l’intention qui compte, mais le
résultat.