Nous avons eut la chance, il y a
maintenant quelques années, de prendre part à une cérémonie de purification dans une sweat lodge. Ce fut probablement l’une des expériences les plus marquantes de ma vie de sorcière.
Je tiens à préciser que je suis loin d’être spécialiste des traditions amérindiennes et du chamanisme en général. Petit rappel cependant : la sweat lodge était, est toujours d’ailleurs,
couramment utilisée par les Indiens aux Amériques. C’est un espace sacré dans lequel se déroulent des rituels de guérison et de purification. Certains l’utilisent également dans le cadre d’une
quête de vision. La sweat lodge est une hutte de taille variable (en fonction du nombre de participants, nous pourrions parler ici de la taille de la famille). Elle adopte la forme d’un igloo.
Elle est construite en branchages souples (saule), ensuite recouvert de peaux. Dans notre cas, il s’agissait de vieilles couvertures, déposées les unes par-dessus les autres en couches
chevauchantes, de manière à ne pas laisser d’interstices. Au centre de la hutte, un trou est creusé, suffisamment profond pour y placer les pierres.
C’était par une belle journée
d’été. Un ami chaman nous avait proposé de faire notre première expérience de hutte à sudation. La structure était déjà en place, mais il nous fallut une bonne partie de l’après midi pour établir
le campement forestier, correctement agencer les couvertures, récolter le bois pour le feu et surtout dégoter des pierres d’une taille respectable. Puis, en bons païens, nous avons ripaillé et
discutaillé jusqu’à la tombée de la nuit. Dame Lune se pare de ses atours, nous allumons le brasier. L’entrée de la hutte lui fait face. De l’autre coté du feu, nous avons installé un autel, pour
déposer des offrandes aux esprits du lieu. Nous avons chanté et joué du tambour avant de rentrer sous la hutte. Il fait sombre. Notre ami, à l’aide d’une grande fourche, récupère dans le feu les
pierres, chauffées au rouge, et les dépose dans le centre. Nous refermons l’entrée. Les pierres sont des joyaux incandescents et dans leur faible lueur, je perçois encore les visages de mes amis.
Puis le chaman jette la première bolée d’eau (diverses plantes y avaient mariné, il me semble me souvenir de l’odeur entêtante de la sauge) et un nuage de vapeur envahi immédiatement l’espace. Je
suis là et en même temps je suis déjà loin. J’ai du mal à respirer, mon cœur bat la chamade, il me semble que tout mon corps brule et se couvre d’une fine couche de sueur. Progressivement, nous
retrouvons notre souffle. Le chaman continue de chanter et de battre du tambour. La méditation se porte sur trois axes, trois tours de parole successifs : le Féminin, le Masculin, le Tout. Entre
chacune de ses méditations, nous avons respirer un peu d’air frais en entrouvrant la porte. Chacun des « tours » nous amène un peu plus loin dans nos limites physiques, plus profondément dans
notre psyché. Ce qui s’est déroulé pour moi dans cette hutte tient d’une véritable délivrance mystique. Ma relation au Masculin est problématique, pour ne pas dire houleuse. Comme beaucoup de
païens, j’étais heureuse de retrouver ma Déesse, de revendiquer l’existence de mon utérus et de rompre avec le pesant patriarcat. Si j’honorais le Dieu Cerf, c’était plus par acquis de conscience
symbolique (j’aime la notion d’équilibre) que par véritable piété. Ce qui s’est amorcé pour moi ce jour là, c’est le début d’une réconciliation avec ce Masculin sacré que j’avais occulté. Quand
nous sommes sortis de la hutte, je me sentais purifiée, ressourcée, épuisée de joie.
Au-delà de cette expérience personnelle, de nombreux symboles me touchent. Bien entendu, il existe un rapport évident avec le ventre de la Terre-Mère. Chez les esquimaux, les mêmes noms désignent
les différentes parties de l’igloo et de l’anatomie du ventre féminin (la « matrice » pour la partie principale, le vagin pour l’entrée...). Ensuite, la descente à l’intérieur de la Terre jusqu’à
ces racines brulantes, de la même manière nous descendons en nous même, laissant tous nos habits-habitudes à l’extérieur de la hutte. A l’intérieur de cet espace, il n’y a plus de pudeur. En cet
instant, tous les participants sont étroitement liés, recroquevillé dans cet utérus, unis dans cette expérience mystique, frères. Ensuite, le fait que tous les éléments intègrent se rituel : les
pierres au centre, le feu qui anime leurs esprits, l’eau qui les recouvre, l’air brulant qui s’en échappe… Sans doute encore beaucoup d’autres aspects à explorer (le rôle sacré de la sauge, le
tambour et la mailloche…). Hum hum (grattage de gorge embarrassé) j’ouvre une parenthèse : quelques recommandations. Nous étions plusieurs et l’un des participants avait une grande expérience de
la hutte à sudation. La température monte très haut et peut provoquer des malaises, déshydratation… il est donc nécessaire 1. de ne pas tenter cette expérience seul (être au moins 3) et commencer
avec quelqu’un d’expérimenté, 2. de savoir écouter ses limites, 3. de beaucoup boire avant-après (voir pendant les pause). Fin de la parenthèse mère-poule.