" Les livres le relient à tous les passés mémorables, et ce qu'il a négligé de lire constitue un avenir, car les livres font échec du temps. Les joies de la découverte, en dépit de l'âge, ne cessent de s'ouvrir à sa curiosité. Aussi physiquement diminué soit-il, l'univers de la lecture ne cesse de s'ouvrir à lui, ménageant en dépit des avanies du destin les portes dérobées d'une intime jouissance. "
Portrait craché est un roman posthume, plus exactement, un récit autobiographique, mais l'auteur a préféré utiliser la fiction du narrateur par pudeur. Il livre ainsi des pages graves, à la fois poétiques et philosophiques, non dénuées d'humour, sur les derniers mois qu'il lui reste à vivre.
" L'humanité malade est riche de confidences et d'espoir, alors même que rôde la mort. "
Portrait craché, comme brut et sans artifice, ni enjolivement, ni pathos. Jean-Claude Pirotte évoque la chimiothérapie, la souffrance physique, la difficulté des gestes quotidiens comme boire son café ou faire ses cigarettes, le cancer qui ronge, la souffrance et, en même temps, l'espoir d'une rémission parce que sa vie a sans cesse côtoyé la mort.
" Le monde est un carcan qu'une humanité dévoyée s'est bricolé avec les restes les plus spécieux de l'Histoire. Le nazisme crie enfin victoire, le colonialisme est ou demeure une industrie fleurissante, le mépris de la nature humaine est un sous-entendu politique. "
Ce récit est surtout un hymne à la littérature, à cette fidèle compagne qui lui permet de s'échapper momentanément de son appartement en retrouvant ou en découvrant des auteurs. La littérature comme thérapie en lecteur ou en auteur : lire ou écrire, synonymes de vivre.
" Certes l'idée de mourir n'est guère réjouissante. Mais l'étrange est que l'on s'y fait, avec un minimum de philosophie. Quitter un monde à la dérive, crapoteux et borné d'écrans, recuit d'artifices, secoué de séismes, et le pire, peuplé d'humains dévastateurs appliqués à réaliser leurs cauchemars à force de paradoxes branlants, voilà qui s'impose comme heureuse perspective. "
Parce que Portrait craché, c'est aussi la volonté d'écrire, coûte que coûte, au prix de grands efforts, même si parfois rien de valable, à ses yeux, ne sort de sa plume. Étonnement, la tristesse, la mélancolie ou les regrets n'ont pas place ou sont fugaces, tant la sérénité et la lucidité dominent.
" l'espoir reste chevillé au corps de l'individu, alors que l'humanité tout entière se consacre à son suicide accéléré. "