New Horizons : le monde étonnant de Pluton (derniers résultats)

Publié le 22 juillet 2015 par Pyxmalion @pyxmalion

Les images et les données scientifiques de Pluton arrivent au compte-gouttes, transmises depuis les confins du Système solaire à un débit très lent. Les chercheurs avancent quelques propositions pour expliquer les reliefs insoupçonnés et jeunes de cette planète naine, survolée pour la première fois le 14 juillet 2015.

Quelques jours après le survol historique de Pluton et Charon par la sonde New Horizons, les chercheurs de la mission planchent sur les premières données et images recueillies. L’heure est encore aux spéculations.

N’oublions pas que seulement 1 % de la collecte a été transmis aux scientifiques, pour l’instant ! La sonde qui poursuit son odyssée à vive allure dans la ceinture de Kuiper (elle devrait visiter un objet de Kuiper à l’horizon 2019…), a d’ailleurs pivoté afin que son antenne soit dirigée vers la Terre et téléverse toutes les données stockées dans sa mémoire flash à un débit un peu plus élevé : près de 2 ko/s… Il y en a pour environ 16 mois à un peu plus de 4 heures et demie lumière.

Le peu dont nous disposons est déjà très impressionnant. Pluton et Charon apparaissent comme des mondes plus complexes qu’on ne le soupçonnait et semblent animés par une activité interne relativement importante. Mais cela varie, au gré de la distance de la planète naine avec le Soleil (au plus proche : 4,4 milliards de km ; au plus loin : 7,3 milliards de km).

« Je pense que le système solaire a gardé le meilleur pour la fin » a déclaré Alan Stern, directeur de la mission, lors de la conférence de presse du 17 juillet. Ce jour-là, la NASA dévoilait des vues plus rapprochées de la vaste région survolée à seulement 77 000 km, surnommée le « cœur », baptisée depuis Tombaugh Regio, en hommage au découvreur de Pluton (en 1930).

Au cœur du « Cœur » de Pluton baptisé Tombaugh Regio, une plaine nomée Sptunik tapissée de petites vallées bordées de collines sombres — image prise le 14 juillet quand New Horizons était à 77 000 km de la surface de Pluton

Pluton affiche « une des surfaces les plus jeunes que nous ayons jamais vues dans le Système solaire » expliquait Jeff Moore, de l’équipe de géologie et de géophysique de la mission, au lendemain du premier débriefing. Cette vue présentée le 17 juillet suggère en effet, en l’absence criante de cratères d’impact, que cette partie de la planète naine a été façonnée il moins de 100 millions d’années. C’est vraiment récent au regard de l’âge moyen de tous les corps du Système solaire : 4,5 milliards d’années. En outre, la région où croise Pluton est plutôt riche en comètes potentielles de toutes tailles et de débris… Il y a sans doute de minuscules cratères, mais pas un de grandes tailles qui pourrait dater de la jeunesse de notre système planétaire. À l’instar de la Terre qui efface progressivement les traces d’impact du fait de l’érosion (vent, pluie, volcanisme, tectonique des plaques, etc.), Pluton bénéficie d’un processus interne en mesure de modifier régulièrement sa surface.

Dans la zone désignée Sputnik (du nom du premier satellite artificiel de l’Histoire), située près du centre gauche de Tombaugh Regio (au nord des montagnes précédemment observées), des cellules de 20 à 40 km de longueur bordées de collines plus ou moins élevées de matériaux sombres — la scène évoque de la boue craquelée et desséchée — ont été observées. Non loin, des terrains apparaissent grêlés de petits trous qui pourraient être créés par la sublimation : la glace qui passe directement à l’état gazeux.

Avant d’en savoir plus grâce aux données prises avec les sept instruments de New horizons, lesquelles arrivent au compte-goutte, l’équipe scientifique se hasarde pour l’instant à supposer que cela pourrait être soit un effet de contraction de la matière qui se dessèche, soit le produit d’une convection provoquée par la chaleur interne et drainant vers la surface des glaces de monoxyde de carbone, d’azote et de méthane.

Autre curiosité repérée dans cette région : des stries sombres de quelques kilomètres alignées dans la même direction. Les chercheurs suggèrent l’action du vent sur la surface glacée. Une alternative proposée est un cryovolcanisme comparable à celui observé en 1989 par Voyager 2 sur Triton (2 700 km de diamètre), un satellite naturel de Neptune qui est souvent rapproché avec la planète naine.

En ce qui concerne les montagnes qui atteignent 3 500 m. d’altitude, présentées auparavant et désormais désignées Norgay Montes (en référence à Tensing Norgay, premier homme à gravir l’Everest en 1953), il semblerait qu’elle se compose de glace d’eau, beaucoup moins volatile et fragile que celle de l’azote ou du méthane.

Une nouvelle rangée de montagnes découverte sur Pluton, aussi élevée que les Monts Apalaches : 1 500 m — images prises le 14 juillet à 77 000 km de la surface

L’atmosphère en fuite de Pluton

Les rayons du Soleil (bien que 1 000 fois moins puissants que sur Terre) vaporisent et étiolent les glaces de ce corps de 2 370 km de diamètre, si bien qu’il s’entoure d’un manteau gazeux, essentiellement de l’azote, que la faible gravité s’évertue de retenir. Les premières analyses des données sur l’atmosphère de Pluton (instruments Swap et Pepssi) ont révélé qu’elle s’étend jusqu’à 1 600 km de sa surface ! Le vent solaire l’étire sur des milliers de km si bien que Pluton a une longue queue d’azote qui n’est pas sans évoquer celle des comètes… Selon les premières estimations, Pluton perdrait autour de 500 tonnes d’azote par heure… Une fuite massive qui varie au cours de l’orbite elliptique de 247 ans. Les gaz plus « lourds » comme le méthane ne s’échappent aussi facilement et dérivent sur la surface sous les effets du rayonnement ultraviolet, la tapissant de dépôts sombres.

L’atmosphère de Pluton s’échappe

Beaucoup de questions se posent : qu’est-ce qui anime Pluton à sa surface ? Qui y a-t-il dans son for intérieur ? Y a-t-il un océan caché ? Certains supposent que oui et qu’il se refroidit lentement… L’énergie qu’il libère serait à l’origine de ces structures récentes observées en surface.

Comme l’explique Jim Green, directeur des sciences planétaires au siège de la NASA à Washington : « les données de New Horizons vont continuer d’alimenter les découvertes pour les années à venir ».

« Nous n’avons fait qu’égratigner la surface de notre exploration de Pluton, mais il est déjà clair pour moi que pour cette première reconnaissance du Système solaire, le meilleur a été gardé pour la fin » déclarait Alan Stern.

Le directeur de cette mission couronnée de succès nous invite à suivre la prochaine conférence de presse, organisée ce vendredi 24 juillet, où de nouvelles images et résultats scientifiques seront présentés. A suivre sur NASA TV et Twitter.

Dans le système Pluton-Charon, deux petits satellites naturels (capturés ?) : Nix et Hydre — A gauche, Nix arbore une curieuse tache rouge comme en témoigne cette image prise le 14 juillet avec l’instrument Ralph à 165 000 km de distance ; à droite, Hydre a été photographié avec Lorri le 14 juillet, à 231 000 km