Nous voilà cette année encore dans le port de Brest, tout juste arrivés des quatre coins de la France, pour l’un de nos rendez-vous favoris de l’été. Astropolis, l’un des plus emblématiques festivals techno, week-end incontournable de la nuit brestoise – et bretonne – ouvre de nouveau ses portes. Après un après-midi à discuter du programme de la soirée sur les hauteurs de Beau Rivage, bière en main, les yeux face à la mer, on se dirige avec impatience vers le site de Keroual; que la fête commence.
Il est 23h30 lorsque nous pénétrons sur le site et notre priorité est d’accéder à La Cour pour écouter Kowton. Arrivés à temps, nous entrons dans une arène de pierres, enceinte carrée remplie par la foule et renvoyant le son d’oreille en oreille, de mur en mur. Enveloppés dans cette jungle humaine, nous cherchons une place dans laquelle nos petits pas de danse ne seraient pas cassés par les allers et venues des festivaliers, eux-mêmes enivrés par l’immense espace accueillant cette longue nuit de techno. On se laisse alors aller à la montée des lignes de Kowton, qui continue de nous transporter au gré de nos quelques verres d’alcool ingurgités. En nous installant dans le petit espace disponible, tout au loin derrière les barrières, nous levons enfin la tête. Comme un ciel construit pour l’occasion, les hauteurs de la Cour sont ornées de cadres et boules géantes, volantes, lumineuses, réfléchissant le son, les voix, les basses, la nuit, la musique, la fête. Et Kowton toujours présent, surtout puissant, réunit les premiers festivaliers grâce à une techno hypnotique, lancinante, presque sensuelle. Il est encore tôt et nous avons déjà l’impression de voir naître le jour. Enivrés et motivés.
Toujours reclus sur l’arrière de la Cour, nous commençons à perdre la notion du temps. Déjà, Kolde prend le relais sur scène et dévoile un live très puissant, enclenchant pour de bon les festivités de Keroual. Les basses profondes qui s’envolent vers le ciel attirent visiblement le public, se pressant dans l’arène pour battre le point avec la même fermeté que l’artiste met dans sa techno. Sèche et tapante, elle devient fluide et mélodique, puis reprend force. Kolde nous malmène avec une efficacité que nous lui renvoyons avec plaisir.
Lorsque la foule se fait trop dense nous décidons de nous échapper. A l’arrière de la Cour s’étend le public au delà de l’enceinte, remontant sur la petite butte qui deviendra plus tard notre point d’ancrage, de retrouvailles et de repos. En attendant nous découvrons avec magie le superbe manège volant, tournoyant et s’illuminant devant nous. A son bord, les festivaliers chantent, crient et tournent, prenant de la vitesse et se rapprochant du ciel breton chaque fois un peu plus vite. Enivrés, motivés et envolés.
Nous, nous contournons tout cela et nous dirigeons vers la scène Mekanik. Dans quelques minutes va commencer ce qui deviendra sans aucun doute la plus belle performance de la soirée : Minimum Syndicat (live). Si l’année dernière nous n’avions pas mis un pied sous ce chapiteau, trop concentrés à virevolter entre l’Astrofloor et la Cour, cette année c’est ici que nous nous ancrerons le plus. La foule n’est pas très dense, on trouve une bonne place dans l’obscurité. Minimum Syndicat surprend sans surprendre – nous nous attendions à du beau spectacle – mais délivre avec fureur une techno musclée, transcendante, transcendée. Féroce, haletante. Sous le chapiteau Mekanik nous faisons notre propre tour de manège, tournoyant non pas sur nous même mais autour des boucles répétitives que Minimum Syndicat nous envoie dans la tête, dans les jambes, dans les points. Enivrés, motivés et frappés.
Lorsque Manu Le Malin prend le relais, nous le reconnaissons sans même ouvrir les yeux. Après une longue intro, impatiente et intrigante, le manège se décroche de son socle, se détache de son axe. Comme à son habitude, l’artiste le plus emblématique de Mekanik détourne, retourne et dévie toutes les trajectoires musicales vers sa trance hardcore, stridente et festive. Et le public d’encaisser avec plaisir les tournures étranges et psychotiques de Manu le Malin. Et les bavards de se souvenir avec plaisir de l’excitation de l’artiste l’année passée, en B2B avec Laurent Garnier, Lolo, le grand Lolo. Enivrés, motivés et excités.
Une petite pause plus tard, nous repassons sous le manège avant de prendre définitivement possession de la petite butte, là, à côté du point Mobile, de la poubelle et de l’arbre. Marcel Fengler est en plein dans son set, le public aussi. Nous, on peine à prendre place. En revenant tout juste de Mekanik et de notre claque de la soirée, la techno du célèbre membre d’Osgut Ton nous semble un peu mollassonne, un peu trop douce. Lorsque Paul Woolford enchaîne, on reprend force, on se relève et on y retourne. Nous ne bougerons plus pendant un long moment, retrouvant les amis, découvrant les auto-tamponneuses au loin et écoutant les cris et rires des gens. Le soleil pointe le bout de son nez à l’horizon et les premiers départs se ressentent déjà autour de nous. Toujours sur notre petite butte, les copains affluent petit à petit ; des heures qu’on s’était tous perdus et que le réseau nous avait échappé dans la forêt. Les plus matinaux des festivaliers se sont donnés rendez-vous dans la Cour au petit jour pour profiter du génial réveil dominical Lil Louis. Nous ne l’écoutons que peu de temps, mais savourons un moment festif et presque reposant, la tête d’affiche de cette édition réussissant à nous bercer avec entrain allant de house acidulée à techno froide. Un grand moment, si bien que nous nous réchauffons à nouveau, ne sachant plus si c’est le soleil ou l’artiste qui petit à petit nous remet sur pied. Enivrés, motivés, subjugués.
Bien moins enivrés, un peu fatigués, nous redescendons sur terre à mesure que le soleil se lève et que nous nous dirigeons vers les navettes. Il est déjà temps de dire au revoir à Astropolis, de prendre notre train. Le manège, d’ailleurs, s’est éteint. Merci Astropolis pour cette nouvelle saison. Avec toi c’est toujours du bonheur. Rave up, comme tu dis.
Crédits photos : Mathieu Le Gall, Souenellen