[Critique] LA RAGE AU VENTRE

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : Southpaw

Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Antoine Fuqua
Distribution : Jake Gyllenhaal, Forest Whitaker, Rachel McAdams, Curtis Jackson, Oona Laurence, Miguel Gomez, Noamie Harris…
Genre : Drame
Date de sortie : 22 juillet 2015

Le Pitch :
Champion du Monde des poids mi-lourds, Billy Hope a tout pour être heureux. Ancien enfant des rues, il jouit aujourd’hui de tout ce que son statut de boxeur star peut lui offrir, entouré de sa petite fille et de sa femme, qui veille sur lui. Quand cette dernière est accidentellement tuée, Billy cède à ses vieux démons et finit par tout perdre. Sa fortune, la garde de son enfant, le respect du public… Tombé au plus bas, l’ancien champion fait alors la connaissance de Tick Willis, un coach avec lequel il reprend l’entraînement, dans l’espoir, de doucement, remonter la pente afin de récupérer sa fille…

La Critique :
Existe-t-il un sport plus cinégénique que la boxe ? Avec les métaphores qu’il permet de mettre en exergue et le côté très esthétique des chorégraphies parfois barbares, mais néanmoins empreintes de grâce auxquelles se livrent les deux combattants sur le ring, la boxe a en effet donné lieu à de grands moments de cinéma. Nous avons gagné ce soir, Le Champion, les Rocky, Raging Bull, Fighter…, autant de longs-métrages puissants, axés sur des boxeurs, et non uniquement sur les combats, dont les enjeux ont toujours été plus loin que le simple désir de victoire des protagonistes. Bonne nouvelle, La Rage au Ventre se situe dans l’exacte lignée de ces chefs-d’œuvre, sans pour autant en égaler la puissance évocatrice. La faute probablement à un scénario qui charrie justement trop de références, souhaitées ou non. Là est le problème principal du film. Très sincère, très fort, il ne se démarque pas vraiment des Rocky et du Fighter, de David O. Russell, à côté desquels il fait office de challenger plein de fougue.
Au script justement, nous retrouvons Kurt Sutter, le géniteur de la série Sons of Anarchy. Un homme dont le goût pour les destins bousillés et l’amour pour les outsiders n’est plus à prouver et qui ici, donne libre court à sa verve dans une réinterprétation de la vie du rappeur Eminem. Le musicien devait d’ailleurs tenir le rôle principal du long-métrage, un temps envisagé comme une espèce de suite à 8 Mile, mais qui en chemin, devint une déclinaison dans laquelle la boxe remplace la musique. C’est d’ailleurs Eminem que l’on retrouve à la bande-originale, dans une ambiance urbaine très hip-hop, enveloppée par les volutes toujours pertinentes du regretté James Horner. C’est le premier long-métrage que scénarise Sutter et sur certains points, cela se voit. Manquant un peu d’unité lorsqu’il s’agit de gérer les épisodes les plus brutaux dans cette histoire de deuil et de rédemption, il n’hésite pas également à souligner la noirceur d’un récit difficile. La Rage au Ventre n’a rien de confortable. Beaucoup de séquences s’avèrent plutôt dures, propices aux larmes. Le personnage principal encaisse des coups à répétition, sur et en dehors du ring. Un peu comme dans 8 Mile d’ailleurs si ce n’est qu’ici, les mots assassins se joignent aux coups en pleine tronche pour forcer le pauvre bougre à rester à terre.
À l’instar des grandes œuvres sur la boxe, La Rage au Ventre illustre la volonté d’un homme nageant à contre-courant d’une vie en forme de long et éprouvant parcours du combattant.

Parfaitement à son aise, Antoine Fuqua, décidément très actif ces dernières années et tout à fait enclin à embrasser des styles radicalement différents, trouve le parfait dosage. Ceux qui viennent principalement pour la boxe seront heureux de se retrouver en face de combats immersifs et sauvages, très bien orchestrés, jamais trop sensationnels, découpés et rythmés comme il se doit. En dehors des cordes, Fuqua se montre tout aussi à la hauteur des enjeux de son histoire. Si La Rage au Ventre joue sur la corde sensible, il évite de justesse les clichés inhérents aux gros mélos et se livre à un numéro d’équilibriste lui permettant de ne jamais se complaire trop longtemps dans les larmes. Le cinéaste n’oublie pas l’espoir, même si parfois, il faut bien le chercher. Renouant avec une proximité avec ses comédiens déjà remarquable dans Training Day, Antoine Fuqua met en scène avec beaucoup de sensibilité et de force, le calvaire d’un type mis à mal par des événements tragiques. Son style correspond très bien à la hargne et parfois au désespoir qui se dégagent du film et l’alchimie avec ses comédiens fait des merveilles.
En tête, Jake Gyllenhall bien sûr, toujours en bourre. Après les escapades nocturnes de l’incroyable et viscéral Night Call, l’acteur, doté d’une petite dizaine de kilos de muscles en plus, explose une nouvelle fois l’écran dans la peau d’une force de la nature dont le combat ne fait que commencer. Il porte le film, impressionnant en permanence, brillant, massif, dangereux, fort puis faible, et lui permet même de rester sur les rails quand il vacille un peu. Forest Whitaker, l’autre force brute du long-métrage, distille quant à lui une émotion à fleur de peau, cachée sous les oripeaux d’un masque de solitude tout aussi déchirant. Ces derniers temps plutôt sous-employé, il fait ici des étincelles. Tout comme Rachel McAdams, certes présente uniquement dans le premier quart du métrage, mais toujours éblouissante.

La Rage au Ventre n’arrive peut-être pas à égaler les grands noms du film de boxe, mais pour autant, il ne lâche rien. Jamais il ne démérite. Pas évident de se frotter à Balboa ou à Jake LaMotta, dont les trajectoires de vie ont déjà permis d’aborder les mêmes thématiques. Cela dit, c’est grâce à sa sincérité que le film d’Antoine Fuqua gagne des points. Quand il s’attache aux fêlures de ses guerriers et quand il habille une morale solide, certes déjà racontée, mais toujours aussi percutante. Pas un gros K.O. donc, mais une victoire indéniable.

@ Gilles Rolland

Crédits photos : SND