Je ne vous apprendrai rien, chers lecteurs, si je vous dis que les éditeurs parlent si peu de livres et tellement d'eux-mêmes. " Les éditeurs sont des écrivains pourvus d'une langue... ça leur évite d'écrire la moindre ligne ". Je ne sais plus bien qui disait ça (pas toi mon cher Dorian ?) mais j'abonde.
Eux, un si beau sujet il faut dire. Leur grandeur, leur décadence, leurs déboires, leurs finances... Ah, lancez-les à peine et ils sont intarissables. Dans ce grand déballage il est pourtant un sujet qu'ils n'abordent généralement que du bout des lèvres - à moins d'en avoir fait un véritable fond de commerce - leur famille. Et je ne parle pas que des pudeurs dynastiques des grandes lignées éditoriales (les Gallimard, Flammarion et autres Laffont), qui répugnent à évoquer les méritent de leurs aînées, de peur qu'on se penche de trop près sur les leurs.
Il y a quelques jours, un dîner me met en présence d'un éditeur encore assez jeune pour ne pas avoir totalement occulté ses proches
Il me dévisage avec un petit air illuminé, comme si je venais de lui apporter le Goncourt dans un panier.
- Dis donc oui, ça a l'air. De bonnes nouvelles ?
- Des nouvelles magnifiques. Je suis aux anges.
La dernière fois que j'ai vu un éditeur aux anges ça devait être... non en fait je n'étais pas né. Il sort son portefeuille de sa poche et je le sens dans un tel état que je m'attends presque à ce qu'il me tende un billet de 500 euros. C'est ça, si jeune et ce pauvre garçon a déjà pété un plomb... Il me tend la photo d'un marmot dans sa brassière de la maternité et me souffle, comme s'il s'agissait d'un secret.
J'ai l'habitude des jeunes parents shootés au miracle de la naissance, mais là j'ai juste l'impression de causer avec Raël. Quant au prénom du marmot... comment peut-on faire ça à son gosse ? Je l'interroge sur l'origine d'un tel choix. Enfin, Wilbur... comme l'aîné des frères Wright !
- Les frères Whrigth... tu veux dire les inventeurs de l'avion ? (ndr : Wilbur et Orville)
- Oui ! Lui aussi il va s'envoler, tu vas voir ! Il va aller haut, tellement haut, j'en suis sûr.
Là c'est à moi de m'enflammer. J'ai un peu envie de lui chanter " Aller plus haut " de Tina Arena, mais comme ce n'est pas trop le genre de la soirée, je me retiens.
Un conseil aux bataillons d'auteurs qui recherchent un éditeur : arrêtez de leur parler de vos textes, faites-les parler de leurs enfants !