« Mademoiselle Solitude » de Bill Pronzini aux Editions Denoël et Folio policier
1ère de couverture « Mademoiselle Solitude » de Bill Pronzini collection Folio
« Mademoiselle Solitude » : un titre qui pourrait être celui d’une mélodie lancinante de Johnny Cash. L’histoire d’une fille aux cheveux de lin qui porte le Stetson, s’enfile de la bière et dont le corps est aussi sec que les arpents de terre qu’elle s’échine à rendre fertiles. Une fille qui cache un secret plus lourd que ceux enfouis entre les roches de la Vallée de la Mort. Une fille qui s’exile près de l’océan. Elle choisira San Francisco et ses filaments de brume. Revêtir la peau de cendres d’une femme triste et anonyme parmi tant d’autres qui partagent le même sort. Elle se fait appeler Janet Mitchell, mange du pâté en croûte et de la laitue chaque jour dans un restaurant où elle dîne seule. Elle a troqué ses santiags contre de minables chaussures de ville. Personne ne l’intéresse et elle n’intéresse personne. Sauf un homme, James Warren Messenger, 37 ans, comptable de profession, dont le nom évoque un bon ou un mauvais présage.
Quel message pourra bien convoyer celui dont l’existence est faite des mêmes zones de clair-obscur que celle qu’il observe ? A en croire les premiers pas de l’intrigue, le message sera plus sombre qu’une nuit sans lune car c’est la mort qui s’invite. Celle de Mademoiselle Solitude retrouvée les veines tailladées dans sa baignoire avec pour seule compagnie une photographie dont on devine qu’elle fut celle d’un jeune enfant. Las des heures mornes de sa vie à peine ensoleillées de quelques solos de jazz, Jim Messenger va entrer dans la peau de cette détresse féminine et tenter d’en dénouer les origines. Une fascination qui sera la clé de son départ pour l’Ouest et au nom de laquelle il quittera tout, bilans comptables comme costumes de ville, pour sillonner les routes constellées de nuages de feu où la gâchette n’est jamais loin du sermon, où les mystères se dissimulent dans la rocaille tels des crotales prêts à mordre si on les débusque. Dans l’Ouest les hommes ne font pas l’histoire, les choses leur arrivent …
Une route semée d’embûches au cœur de ces grands espaces désolés du rêve américain. Un rêve devenu aussi hostile que les hommes qui l’habitent. En quêtant le destin de Mademoiselle Solitude Jim Messenger va au fil des pages se délester de ses oripeaux de mal voyant, ouvrir les yeux sur sa propre vacuité et pister la mauvaise étoile.
Immersion dans une Amérique névrosée de son isolement, Mademoiselle Solitude serpente sur les territoires du roman noir 100% arabica et s’attarde sur les destinées des hommes et femmes du désert. Ces oubliés de la bannière étoilée repliés sur leurs drames auxquels le grand Bill Pronzini rend un hommage aussi spectral que lumineux. Un roman noir puissant et silencieux, un roman de l’âme humaine égarée dans un labyrinthe sans issue. A moins que quelques mots d’amour parviennent encore à fleurir entre les pans d’azur du désert de Mojave.
A lire entre veille et éveil, les jambes en équilibre sur la table basse, une bière bien fraîche à proximité. Et suivre les vents chauds …
Astrid MANFREDI, le 16 juillet 2015
Informations pratiques :
Titre : Mademoiselle Solitude
Auteur : Bill Pronzini
Editeur : Denoël et Folio Policier
Nombre de pages : 357 pages pour la collection Folio
Prix France pour la collection Folio : 8 euros
Photo de l’auteur